- Mais c’est qu’une étudiante, je comprends pas pourquoi tu ne tiens pas à la surveiller ?

Soren avait posé sa question de façon innocente, mais au fond, il trouvait ça louche que son collègue lui demande aussi ouvertement de s’en charger. D’autant qu’il avait mis en avant le fait que son fils était malade, ce qui semblait bizarre. Soren finit par soupirer et accepta, plus par curiosité que par réelle envie d’aider son collègue.

Ce dernier le remercia d’ailleurs en avouant que ça l’arrangeait, car il n’avait personne pour aller chercher son fils à l’école… Mais il n’avait pas dit dix minutes avant qu’il était malade et alité… Soren l’observa partir partir encore plus incrédule que jamais et nota l’heure de la fameuse colle sur son téléphone.

Le mercredi après-midi servait souvent à ça et visiblement, c’était le prof d’histoire qui l’avait collé. Comment elle s’appelait ? Hebi Yamageshi ! Il voulait qu’elle recopie plusieurs pages de son livre d’histoire… Quelle plaie, Soren était bien contentes de ne plus être étudiant. C’est qu’il en avait eu des colles, surtout avec sa prof de musique. Mais bon, c’était une autre histoire et autant ne pas s’en vanter.

Il arriva devant la salle de perm à l’heure prévu et la jeune femme était également présente… Ponctuelle, dis donc ? Il ouvrit la salle et lui fit signe d’entrée pour s’asseoir. Elle allait être seule, la pauvre 2h de colle comme ça, ça pouvait être long en plus. Soren soupira, la pièce n’était même pas chauffée et le jeune homme allait devoir garder son pull sur lui.

Une de ses collègues vint au bout de dix minutes pour lui demandait quelque chose et après un coup d’œil à l’étudiante qui semblait consciencieuse finalement. Le jeune homme rejoignit l’entrée, tournant le dos à la classe tout en parlant.

- Non désolé, je suis pris pour les 2 prochaines heures, je remplace Satoru… Oui aucun souci, je tacherais de venir après pour donner un coup de main.

Il referma la porte, ce n’était pas grand-chose et il lâcha d’une voix détendue.

- Bon, à nous d…

Le mot resta coincé dans sa gorge lorsqu’il constata que la pièce était vide et qu’une fenêtre était grande ouverte. Mais… Il ne l’avait même pas entendu en plus ! Soren resta un petit instant immobile le temps de rassembler ses esprits avant de lâcher sur un ton blasé.

- Ah d’accord, c’est ce « genre » d’élève… Je comprends mieux maintenant.

Pas de chance pour elle, Soren n’était pas du genre à abandonner à la première difficulté et sauta à son tour par la fenêtre pour la rattraper, elle ne pouvait pas être bien loin. Il lâcha tout de même.

- Quel idée aussi de faire une salle de perm en rez-de-chaussée.

Tout a commencé le lundi. Un jour comme les autres, on va dire. Un jour où tu te déhanchais dans les couloirs de l'établissement, comme à ton habitude. Première remarque que le professeur d'histoire te fait. Un sommeil profond suivi de quelques ronflements en plein cours. Deuxième remarque. Et comme on dit, jamais deux sans trois. Une boule de papier mâché lancé malencontreusement dans le cou de l'enseignant. Une cafteuse qui t'accuse. Troisième remarque, deux heures de colle pour Yamageshi. C'est maman qui va être contente d'apprendre la nouvelle.

Le mercredi arrive plus vite que prévu et tu te rends en salle de perm accompagnée de cette fameuse demoiselle, la cafteuse. Première élève, number one dans le cœur du professeur d'histoire. Si ça ce n'est pas du favoritisme. Elle te suit jusqu'à la porte où vous attendez toutes les deux le surveillant. Tu ne daignes lui décrocher un mot, un regard. Qu'est-ce qu'elle fait là cette sorcière ? Qu'elle retourne à ses occupations au lieu de se mêler des tiennes. Mais d'un côté, elle a eu raison de t'accompagner. Parce que sinon.. Tu n'y serais pas allé.

Le surveillant arrive très rapidement et te fait entrer dans la salle où tu t'installes à un bureau, une moue à la fois triste et énervée se lit sur ton visage. La petite cafteuse prend congé. Tu soupires alors que tu enlèves ton grand manteau afin de le déposer sur le dossier de la chaise. Vêtu d'une simple robe pull, avec des collants et des bottines plates. C'est un total look noir que tu nous présentes là. Très loin de toutes les couleurs fluorescentes que tu portes d'ordinaire. Ce n'est vraiment pas ton jour jeune fille.

Au bout de quelques minutes, le surveillant se rend à la porte, discutant avec l'une de ses collègues sûrement. Tu ne bouges pas le petit doigt alors qu'il se retourne pour te regarder. Tu lui offres un grand sourire avant qu'il ne se retourne. C'est ta chance Hebi. Fuis le plus vite possible de ce calvaire. Attends.. Mais tu ne vas pas avoir encore plus de problèmes si tu fais ça ? Oh, ça ne te traverse même pas l'esprit à cette heure.

D'un pas lent mais décidé, tu te faufiles de table en table jusqu'à la première fenêtre. Tu l'ouvres délicatement afin de ne pas alerter le surveillant. Une brise glaciale te paralyse le visage. Merde qu'est-ce qu'il fait froid. Mais tu n'as pas le temps d'aller chercher ta veste, alors tu fonces tête baissée. Un petit saut et pouf, te voilà en dehors de la salle, à l'extérieur. Le froid de canard te picote les joues alors que tu marches tranquillement, le sourire aux lèvres, jusqu'à ce que tu entendes un léger bruit familier derrière toi. Tu te retournes.

« Oh putain d'merde. »

Tu entames une crouse acharnée. Mais pourquoi tu cours ? Bah parce que l'autre fou de surveillant vient de passer par la fenêtre et te cours carrément après. Tu es quoi, une fugitive ? Bah sûrement.

Athlète. Sportive. Tu cours sans t'arrêter, prenant le souffle qu'il te faut pour garder ton rythme. Tes yeux cherchent un endroit où se cacher de cet homme. Un arbre. C'est bien un arbre. Tu cours, essayant de ne pas te faire voir. Un arbre qui se trouve à ta portée, très bien garnis en feuillage. Tu y grimpes, avec difficulté tout de même. Une fois installé sur une branche solide, tu restes à ta place. En réalité, tu te mets en boule. Cachant ton visage, mais surtout tes cheveux. Tu tires sur le col de ta robe pull pour la remonter, ta tête enfuie dans ton vêtement. Vêtu de noir, peut-être qu'il pourrait croire que tu es un gros chat ?

Soren avait bondi hors de la pièce par le même chemin que l’étudiante dans l’idée de la poursuivre et ce fut un bon choix, car il remarqua rapidement qu’elle n’était pas loin. D’ailleurs, son premier réflexe fut de se mettre à courir en voyant le surveillant à ses trousses. Zut, Soren espéra l’espace d’une infime seconde échappé à ce footing inutile… mais bon tant pis.

- Eh ! Attend !

En vain, comme si elle allait l’écouter… Le jeune homme la poursuivit donc jusqu’à la perdre de vue l’espace d’un petit moment avant de remarqué du coin de l’œil une jambe disparaissant dans un arbre adjacent. C’était la pire erreur qu’elle aurait pu commettre, surtout avec Soren. Déjà que de se barrer de sa colle n’était pas une brillante idée, mais alors là. Il s’approcha plus tranquillement, le temps qu’elle redescende, il n’aurait aucun mal à l’attraper.

Ou était-elle ? Il leva les yeux, cherchant à travers branche et feuille… mais impossible de la voir. Sauf une masse noir, ça ne pouvait être qu’elle. Soren eut un sourire amusé, limite moqueur devant cette scène plus qu’amusante. Avait-il le droit ? Non, c’était presque de la torture psychologique ce qu’il allait faire après tout, mais bon, elle s’était mise d’elle-même dans ce pétrin et le jeune homme n'allait pas grimper dans l'arbre pour la chercher. Soren s’installa donc tranquillement contre le tronc tout en lâchant d’une voix assez forte pour qu’elle l’entende.

- Comme tu veux, fallait me le dire que tu préférais une colle en plein air ! Personnellement, je dois te surveiller uniquement pendant deux heures… La confortabilité de ta position, ce n’est pas vraiment mon problème ça.

Si elle tenait à faire ça colle dans l’arbre, soit. Soren n’allait pas la contredire sur ce point. Elle pourrait donc descendre pour retourner en salle si elle changeait d’avis, ou alors au bout de deux heures libre comme l’air. Le surveillant poussa même doucement le vice pour la convaincre de descendre plus tôt.

- N’empêche, j’aimerais vraiment ne pas être à ta place… Toutes les petites bêtes qui doivent traîner là-dedans. Les araignées… Les fourmis… Des chenilles ou des vers. Tu dois ne carrément pas manquer de compagnie là-haut.

Il sourit avec amusement, prenait-il du plaisir dans cette situation ? Oui, un peu, c’était de bonne guerre après tout. Soso fit semblant de frissonner et ajouta à l’intention de la collée.

- Brrr, rien que d’en parler. Je sens déjà des picotements un peu partout sur ma peau… La sensation d’en avoir sur moi. Des petites démangeaisons ici et là sur les jambes ou les bras, voir dans les cheveux même ! Je ne sais pas comment tu tiens là-haut ! Oh tiens, juste pour te prévenir, y a un mille-pattes en train de monter le long du tronc.

Le pire… C’est que la dernière partie n’était pas un mensonge, il y avait vraiment un mille-pattes en train de monter doucement.

Pauvre petite étudiante coincée dans son arbre. Mais comment était-elle arrivé en haut ? Serait-ce pour aider un pauvre chat ? Il faut appeler les pompiers. C'est exactement ce que se dirait les passants s'il y en avait. Mais là, il n'y a que le surveillant et il sait pertinemment bien pourquoi tu es dans cet arbre. En réalité, tu te caches de lui, bien qu'il t'est très vite retrouver. Bordel, tu ne cours pas assez vite alors.. Il va falloir te remettre aux entraînements jeune fille ou tu peux voir ta licence de boxe te passer sous le nez ! Peut-être que c'est lui qui court trop vite pour toi ? Qui sait.

Tu ne le vois pas, tu ne fais que l'entendre t'adresser la parole. Putain. Il t'a vraiment repéré, c'est vraiment foutu maintenant. Comment tu vas faire pour te sortir de cette galère ? Tu n'as plus qu'à tenter et espérer que ça fonctionne..

« Nyaaa.. »

Oui bien sûr. Miauler comme un chat. Le gros chat noir que tu es Hebi. Même à un enfant de six ans, tu ne pourrais pas lui faire croire ça. Mais ne sait-on jamais, les adultes sont parfois très bêtes. À qui le dis-tu jeune fille..

En réalité, le surveillant à raison. Il peut très bien rester là pendant deux heures sans problème. C'est son boulot de te surveiller pendant ce laps de temps. Tant que tu fais ta retenue. Il s'en fiche pas mal que tu sois dans un arbre, dans le froid. Ouais.. Dans le froid. Faire de la cryothérapie une fois dans ta vie ne t'auras vraiment servi à rien, puisque tu te les cailles à l'heure qu'il est. Tu aurais vraiment mieux fait de sortir avec ton manteau. Nan. Même avec, tu aurais été tel un glaçon sorti du congélateur. Tu commences déjà à claquer des dents, te recroquevillant sur toi-même, tes genoux collés à ta poitrine pour te réchauffer.

Mais voilà que sa voix retentit de nouveau. Un mille-pattes ? Pouf. Ta petite touffe rose sort du pull. Il ne t'en fallait pas moins pour te faire sortir de ta cachette Hebi. Que tu es faible. On peut se dire que ton petit miaulement de tout à l'heure n'aura vraiment servi à rien. Même te cacher dans l'arbre d'ailleurs.. Tu te retournes afin de faire face au tronc, prenant garde à ne pas tomber de ta branche. Tu poses délicatement ta main sur l'écorce alors que le mille-pattes se fait un malin plaisir à venir se balader sur ta peau. Sourire satisfait. Tu pensais qu'il serait réticent à l'idée de faire ta rencontre. Tu montres ta main à ton surveillant.

« Oh, vous parlez de celui-là ? N'est-il pas adorable ? » Sourire amusé se dessinant sur ton visage. « Vous pensiez réellement me dégoûter avec les insectes ? Je suis le genre de personne qui pleure quand elle écrase des fou.. »

Tu n'as pas le temps de finir ta phrase. Le mille-pattes de ta main vient de disparaitre. Emmené dans le bec d'un oiseau jusqu'à son nid. Il est.. Mort ? Ce n'est pas un cri que tu nous offres là Hebi, mais un hurlement des plus stridents.

« Il a mangé mon bébé ! »

Malheureusement pour toi jeune fille, le sort s'abat sur toi. Ton pied glisse et tu trébuches de la branche. Les yeux larmoyants, tu peines à te rattraper avec ta main, alors tu chutes.. Sur ton surveillant. Ce dernier encore collé au tronc de l'arbre, ton corps vient littéralement se plaquer contre le sien. Le choque est si puissant que tu l'entraînes avec toi, tombant à la renverse. Belle petite roulade que vous faites ensemble, que c'est mignon alors que tu essayais de t'enfuir loin de lui. Tu fais comment maintenant ?

Soren n’aurait jamais cru vouloir demander une prime de risque aussi rapidement pour un boulot censé être simple. Après tout, surveiller, c’était une base et quelque chose de particulier simpliste. Bon, on s’accorde tous pour dire que ce n’est pas aussi simple, mais quand même, Soren avait la désagréable impression qu’il n’allait pas être au bout de ses surprises aujourd’hui.

Bon, le coup des insectes ne sembla rien donné de plus que l’apparition des cheveux roses de la jeune femme qui s’était trahis un peu plus tôt avec un miaulement de chat… disons discutable. Soren crut l’espace d’un petit moment que son plan marché jusqu’à voir une main et une voix lui confirmer que ce n’était pas le cas.

Un air blasé sur le visage, il marmonna pour lui que le froid finirait bien par lui faire changer d’avis. Après tout, l’idée de la pièce chauffée… Zut la fenêtre était encore ouverte. Bon, la pièce serait toujours un peu plus chaude que l’extérieur, suffirait à lui donner envie d’y retourner. Mais en vain, elle semblait avoir trouvé une occupation désormais et grâce à Soren qui avait peut-être voulu trop en faire.

Cependant, un hurlement l’alerta. Il se redressa et avant de comprendre tout ce qu’il se passait. Le jeune étudiant lui tomba littéralement dessus. Pas préparer à l’idée de la réceptionner, il se retrouva plutôt emporté par l’élan de la jeune femme et roula un peu plus loin avec elle.

- Aie aie…

Lâcha-t-il, encore un peu sonné par le retournement de situation. Que s'était-il passé ? Elle était tombée… mais dans sa mémoire, elle avait hurlé avant de tomber et elle avait… Parlé de bébé ? Ok, avant d’envisager l’idée que cette fille n’avait peut-être pas toute sa tête, il devait parer au plus urgent.

Son premier réflexe dans la chute avait été de l’enlacer pour qu’elle ait le moins de dégâts possibles. Il l’observa, encore dans l’herbe, inquiet et demanda d’une voix plus détendu et moins stricte.

- Ça va, rien de cassé ?

Puis il lâcha un long soupir. Sa main lui faisait un peu mal, mais uniquement à cause d’un faux mouvement. Le jeune homme se redressa et lâcha sur un ton plus sérieux.

- Bon maintenant, on va peut-être arrêter les enfantillages non ? Je n’aimais pas plus que ça les colles ni les cours avant non plus. Sauf que là, c’est mon boulot, donc on va retourner en salle de perm et je vais m’assurer d’avoir les yeux sur toi.

Puis avec cette histoire de rumeur, il avait vachement besoin qu’une étudiante lui tombe dessus. Il allait dire encore quelque chose quand soudain sa main le chatouilla. Il l’observa et remarqua que le mille-pattes de tout à l’heure était en train de se balader, remontant vers son bras avec quelques pattes en moins cependant. L’oiseau avait dû prendre peur suite au hurlement et le faire tomber de son nid, il avait dû suivre Hebi de prés et s’accrocher à ce qu’il avait pu. Le jeune homme soupira et observa l’étudiante, comprenant peu à peu la situation avant de dire avec le même sérieux avant de s’adoucir un peu.

- Donc tu aimes les insectes si je comprends bien… Va falloir lui trouver une en endroit où il sera en sécurité avant de retourner en perm. Qu’en dis-tu ?