« Merci Kyojiro ! T’es le meilleur ! »

C’est à peu près ce qu’avait dit Akio au moment où ce dernier avait accepté de l’accompagner au club de cuisine pour lui donner un petit coup de main. Le jeune homme voulait faire un petit cadeau à Anders qui fêtait son anniversaire d’ici peu de temps. Pour l’occasion, il voulait lui faire des dorayaki, une spécialité qu’il avait souvent pu manger chez lui.

« Quand je lui en avais parlé, il avait l’air partant pour goûter… Le souci, c’est que je ne trouve pas les mêmes que ceux qu’on trouvait chez moi. Du coup, autant que je les fasse moi-même. J’ai souvent aidé grand-mère à en faire… Je vais y arriver ! Pour mon ami ! » Cependant, on lui avoua bien vite que la salle de cuisine était fermé pour ceux qui était étranger au club.

À la fin des cours, Akio déambulait dans le couloir. Ne sachant pas trop comment faire pour pouvoir mettre son idée en place. Il lui fallait un plan B de toute urgence et ... Il salua son ancien colocataire qui passait justement devant lui avant de reprendre sa route. Une seconde ! Kyojiro n'était-il pas justement dans le club de cuisine, il saurait sûrement comment faire pour lui donner accès. « Coucou Plan B! »

- Eh ! attends ! Sakurai-kun ! Tu as un instant ?

Kyo comprit facilement sa situation et lui proposa une solution inespéré. Une chance ! C’était le meilleur pour ce coup ! Les deux jeunes hommes convinrent de se retrouver le dimanche pour voir ça ensemble.

Plus tard, à la veille de Noël.
…. Houlà, je suis remonté trop loin, là ! Dimanche 06 juin ! Voilà, « L’hiver, la neige, c’est bien. Mais voir des filles en maillots l’été, c’est mieux… Bon sang, Anders est contagieux… »

Le club de cuisine tenait clairement ses promesses et Akio remercia presque aussitôt son camarade de chambre pour ce service inespéré.

- Franchement Sakurai-kun, tu me sauves la vie. Je t’en dois une, si tu as besoin de quoi que ce soit ! Tu pourras compter sur moi !

Sauf qu’il fallait se mettre au boulot désormais et avant toute chose, Kyojiro eut une envie pressante. Ce qui fit doucement sourire le jeune homme qui proposa de préparer les ingrédients en attendant. Son camarade lui confia qu’il y avait des ingrédients dans l’armoire si besoin, c’était là pour ça. Donc Akio sortit de son sac tout ce qu’il avait préparé, mais il manquait de la poudre a levée.

Bon l’armoire, il devait bien y en avoir dedans. L’étudiant ouvrit donc les portes pour constater qu’un bocal rempli de divers petits sachets se trouvait tout en haut. Surement ce qu’il lui fallait. Il tira donc dessus pour récupérer le bocal dans un geste un peu trop enthousiaste, mais n’avait pas remarqué qu’il était posé sur une sorte de feuille… Un paquet de farine fut entraîné avec, s’éclatant sur le dessus des cheveux d’Akio avant de finir sa course au sol pour se vider complétement…

Akio avait le dessus de la tête une partie du visage blanchie quand Kyojiro revint dans la pièce. Le jeune homme laissa échapper un rire mal à l’aise avant de lâcher sur un ton qui en disait long sur le fait qu’il voulait mourir.

- Euuuh oups ? Je suis désolé… Vraiment désolé.

Début juin

Même s’ils avaient partagé la même chambre pendant un an, Kyojiro n’avait jamais été très proche d’Akio. Du moins, pas autant qu’il avait pu l’être d’Isamu avec qui il était maintenant en colocation depuis environ deux mois. Les deux bruns s’entendaient bien, mais ils en étaient restés à des échanges cordiaux et assez banaux. Il fallait dire que le kendoka n’était déjà pas très extraverti et il avait aussi eu fort à faire avec ses études et d’autres sujets qui avaient occupé son esprit. Akio était donc l’ancien colocataire sympa du point de vue de Kyojiro, un peu à la manière d’un ancien camarade de classe avec qui on avait assez peu échangé. Il n’en fallait toutefois pas plus au kendoka beaucoup trop gentil pour son propre bien pour qu’il se plie en quatre afin de lui faire plaisir : il avait immédiatement accepté d’aider Akio quand celui-ci l’avait interpellé pour lui demander un coup de main. Kyojiro avait déjà du mal à dire non, mais si en plus ça impliquait de cuisiner… Comment refuser ?

Voilà donc Kyojiro et Akio, seuls, dans la salle du club de cuisine. Le kendoka était plutôt à l’aise dans cet environnement, mais son ancien colocataire parvint quand même à le gêner quand il le remercia chaleureusement. Fronçant les sourcils et détournant le regard, Kyojiro s’entendit grogner alors qu’il frottait nerveusement sa nuque.

« C-Ce… Ce n’est rien, v-vraiment… S-Si je peux t’être utile, c-c’est tant mieux, p-pas la peine de me remercier pour ça… »

Franchement… Est-ce qu’Akio n’exagérait pas un peu en lui disant qu’il lui sauvait la vie alors qu’il n’allait faire que l’assister dans sa préparation de dorayaki ? C’était carrément gênant… Et puis, de toute façon, Kyojiro se voyait assez mal demander de l’aide à Akio alors qu’ils n’étaient pas particulièrement proches… Déjà qu’il avait du mal à demander de l’aide même aux personnes plus proches de lui !

Quoi qu’il en soit, avant de passer aux choses sérieuses, Kyojiro s’excusa auprès de son ancien colocataire et fila aux toilettes. Rien de tel pour se soulager et chasser cette gêne qui l’avait étreint suite aux remerciements de l’étudiant. Sauf que voilà, quand le kendoka revint dans la salle du club, il fit face à un spectacle qui le laissa interdit : Akio avait le dessus de la tête et une partie du visage blanchis ! Aussitôt, le kendoka se précipita vers lui, l’air beaucoup trop inquiet.

« E-Est-ce que tout va bien ? Tu ne t’es pas fait mal ? »

Après tout, s’ils étaient tous les deux ici, c’était parce que Kyojiro avait amené Akio au club de cuisine ! S’il se blessait, c’était donc sa responsabilité qui était en jeu !

Fort heureusement, Akio ne semblait pas blessé, ce qui fit soupirer légèrement de soulagement le kendoka. OUF ! Ils avaient évité le pire !

« N-Ne t’inquiètes pas, ç-ça arrive. L-Le principal, c-c’est que tu n’aies rien. »

Kyojiro ne souriait pas souvent, mais il se décida à offrir un léger sourire à son camarade, histoire de bien lui faire comprendre qu’il n’avait pas à se sentir mal pour sa petite boulette.

« J-Je vais nettoyer par terre. T-Tu ferais mieux de secouer tes cheveux e-et de passer un peu d’eau sur ton visage, t-tu as de la farine partout. »

Le kendoka pointa son propre visage de son index pour illustrer ses propos, se rendant ensuite compte qu’il n’y avait absolument aucun miroir dans les environs pour permettre à Akio de voir ce qu’il faisait. C’était affreusement gênant mais… Kyojiro ne pouvait pas laisser son ancien colocataire galérer inutilement alors qu’il pouvait l’aider !

« J-Je… S-Si tu veux, j-je peux t’aider… »

Ouais, non, c’était vraiment hyper gênant. Mais au moins, Akio pourrait être assuré qu’il n’avait plus une seule particule de farine dans les cheveux ou sur le visage !

Du blanc, partout ! De la neige, non bien sûr que non, ce n’était pas possible en intérieur. Quoi qu’on pouvait monter des blancs en neige non ? Pourquoi pas, mais c’était beaucoup trop sec et poudreux. De la farine ! Oui, c’est ça, douce et lisse au toucher ! C’est de la farine de qualité…. Enfin, c’était.

Bref, Akio avait réalisé sa bêtise et soupira, laissant un petit nuage blanc se rependre au contact de son souffle ce qui aurait pu rajouter à l’hilarité de la scène. Mais Kyojiro ne semblait pas enclin à la rigolade et s’inquiéta même tout de suite de savoir si tout allait bien pour lui. Le jeune homme répondit en souriant pour le rassurer.

- Non juste ma fierté, ce n’est pas trop grave ça encore. Mais vraiment désolé pour les bazars que j’ai mis ici.

Il lui répondit rapidement que ce n’était pas la peine de s’inquiéter tant qu’il n’avait rien. Akio hocha la tête, rependant encore un peu plus de poudre devant ses yeux alors que son partenaire de cuisine temporaire se proposait pour nettoyer en confiant au jeune homme qu’il ferait mieux d’allé se nettoyer vite fait.

Enfin, non, plus surprenant encore. Kyojiro se proposa même de l’aider à se nettoyer ce qui eut le mérite de faire doucement rire. C’été mignon cette façon qu’il avait d’être gêné. Le jeune homme tint à le rassurer sur un point, car il avait vraiment la sensation que Kyojiro était mal à l’aise.

- Ça ne me dérange pas, si tu y tiens, fait. Mais au pire, je peux me débrouiller seul aussi, j’ai l’habitude.

Quel que soit le choix de Kyojiro, Akio une fois plus propre décida d’expliquer un peu le pourquoi du comment de sa demande. Après tout, il lui avait demandé son aide, mais ce serait sûrement une bonne chose de lui expliquer ce qu’il attendait en réalité de lui. Le jeune homme réfléchit alors puis commença d’un ton calme.

- Bon, sauf si un autre paquet de farine me tend un piège entre temps ! Comme je te l’ai dit la dernière fois, je voudrais faire des Dorayaki pour un ami proche, pour son anniversaire. Sauf que… Bon, même si je me débrouille, j’avoue que la cuisine ce n’est pas mon fort non plus. Je sais faire chauffer de l’eau et préparé du poisson… Enfin bref, je m’y perds. Tout ce que je voulais dire, voilà, j’ai souvent vu ma grand-mère en faire et je l’ai aidé à en préparer… Mais ça s’arrête là… Tu penses que je peux compter sur ton aide ?

Kyojiro s’empressa de secouer doucement la tête de gauche à droite quand Akio s’excusa pour le bazar qu’il venait de mettre. Ce n’était vraiment pas grave, surtout que ça arrivait même aux membres du club de cuisine ! Le sol était habitué à recevoir toutes sortes de choses sur sa surface, de la farine au sucre, en passant par les œufs ou même le lait. Non, vraiment, le principal, c’était qu’Akio n’ait rien ! Et Kyojiro étant fidèle à lui-même, il ne trouva rien de mieux que de proposer à son ancien colocataire de l’aider à retirer toute cette farine qu’il avait sur lui. Quel idiot… Ce n’était pas carrément gênant de proposer ça ? Surtout qu’Akio venait de se mettre à rire ! Non, vraiment, il aurait mieux fait de se taire ! Ce rire fit rougir encore plus le kendoka qui lâcha un grognement à peine audible, plus contre lui-même que contre son camarade.

« J-Je… J-Juste pour ton dos alors… »

Parce que ce serait compliqué pour Akio d’atteindre cette partie ! Kyojiro alla donc chercher un torchon propre et se plaça dans le dos de son camarade pour commencer à donner des petits coups au niveau de ses cheveux, de ses épaules, puis de son dos. Voilà, au moins, il était déjà plus propre de ce côté ! Le kendoka tendit alors son torchon à Akio pour qu’il se débarbouille lui-même l’avant du corps. Après tout, il n’avait clairement pas besoin de lui pour ça !

Puis, une fois un peu moins recouvert de farine, le nageur entreprit d’expliquer à Kyojiro la vraie raison de sa présence ici : il voulait cuisiner des dorayaki pour un ami proche, pour son anniversaire. Wah… C’était carrément gentil de sa part ! Le kendoka ne put aussitôt pas s’empêcher de se dire qu’Akio devait être un ami formidable, comme lui-même n’en avait jamais connu. Serait-ce une pointe de jalousie qu’il ressentait au plus profond de lui ? Pourquoi les autres pouvaient avoir des amis comme ça et pas lui ? Mais Kyojiro chassa bien vite cette pensée de sa tête en la secouant doucement, se rapprochant d’un plan de travail pour y déposer un livre de cuisine. Il tourna rapidement les pages pour l’ouvrir sur une recette de dorayaki. Lui et les téléphones, ce n’était pas une grande histoire d’amour ! Alors plutôt que de rechercher une recette sur Internet, il préférait utiliser la bonne vieille méthode !

« C-C’est déjà bien, i-il n’y a pas beaucoup de gens qui savent préparer du poisson… T-Tu verras, c-ce n’est vraiment pas compliqué. I-Il suffit de suivre la recette pour tout mélanger. L-Le plus compliqué sera la cuisson, m-mais je pourrai t’aider pour cette étape si tu veux. J-Je… Je pense que c’est mieux si c’est toi qui t’occupes de préparer la pâte. E-Enfin, j-j veux dire… J-J’imagine que ton ami sera encore plus content si c’est toi qui fais la majeure partie de la recette. »

Kyojiro était sans doute un peu trop attaché à ce genre de choses, peut-être que cet ami en question se moquerait bien de savoir si c’était Akio qui les avait préparés ou non, du moment qu’ils étaient bons ! Mais le kendoka y tenait : si c’était un cadeau pour son ami, alors il s’impliquerait le moins possible et se contenterait de guider son camarade au fil des étapes.

« O-On va commencer par regrouper les ingrédients, e-et t-tu pourras les peser après. T-Tu… Tu préfères utiliser un fouet à la main ou un batteur électrique pour mélanger la pâte ? »

Kyojiro préférait demander, parce qu’il savait que certaines personnes, comme lui, étaient plutôt récalcitrantes à utiliser des appareils électriques quand elles pouvaient utiliser des ustensiles qui demandaient juste un peu d’huile de coude. Et puis, comme Akio lui avait déjà prouvé qu’il était un peu maladroit avec ce sachet de farine qui lui était tombé dessus d’entrée de jeu, mieux valait jouer la carte de la sécurité non ? S’il faisait un faux mouvement avec le batteur électrique, il serait capable d’envoyer de la pâte partout ou même de faire tomber le saladier par terre !

Quoi qu’il en soit, avant de commencer le mélange, Kyojiro aida Akio à ramener tous les ingrédients sur le plan de travail, puis il disposa plusieurs récipients et une balance devant lui. Le nageur n’avait plus qu’à se lancer !

« T-Tu peux y aller pour la pesée. J-Je reste à côté pour surveiller. »

L’étudiant était beaucoup plus propre qu’avant désormais, même s’ils avaient fait au mieux avec ce qu’ils avaient. La farine n’était pas non plus quelque chose qui raccrochait beaucoup. Le jeune homme sourit à la remarque de Kyojiro qui confirma qu’il s’occuperait simplement de son dos. Pourquoi pas, c’était probablement le seul endroit qu’il aurait du mal à nettoyer seul.

Après quoi, il jugea utile de lui expliquer à quel point son niveau n’était pas forcément le plus abouti qui soit. Confirmant ainsi qu’il ne savait pas vraiment faire autre chose que les taches de bases qu’on lui avait confiées. Faire cuire des pâtes était dans ses moyens cela dit… Pourquoi ce qu’il voulait faire n’était pas à base de Panzani… Il ne le savait pas lui-même.

Kyojiro le rassura alors, comme il le put. Lui confirmant que c’était déjà pas mal, sauf que pour Akio, savoir préparer un poisson s’était la base. Ce serait aussi une chose très utile si un jour, il finissait seul sur une île déserte. Mais pour le moment, il écoutait Kyo qui lui confirmait que l’étudiant ne serait pas tout seul. Le jeune homme sourit et avoua d’un ton détendu.

- C’est super, j’en attendais pas autant, merci. Ça marche, du coup…

Il observa la liste tout en récupérant ce qu’il fallait, s’assurant auprès de son partenaire de ne pas faire d’erreur. L’avantage, c’est qu’il avait aidé sa grand-mère à en faire, donc certain ingrédient lui était d’office familier. Ça lui facilita grandement la tâche et des souvenirs lui revenaient en mémoire.

« Akio se souvenait encore quand dans son enfance, il venait embêter sa Oba-chan. Ce n’était pas un gamin turbulent, mais curieux de tout et il aimait savoir ce qu’il se passait dans son entourage. Ainsi, chaque fois que sa grand-mère préparée quelque chose, elle ne prenait même plus la peine d’attendre qu’il pose la question qu’elle lui répondait déjà quand elle entendait ses petits pas approcher. Elle le mettait alors à contribution, lui faisant faire des petites taches pour lui faire gagner du temps… Le jeune homme n’avait pas vraiment changé, chaque fois qu’il pouvait soulager un peu sa famille ou son entourage. A force d’aider sa grand-mère, il n’avait pas conscience d’avoir acquis de la base en cuisine bien plus grande que ce qu’il supposait. »

Akio revint à lui quand Kyojiro lui donna le top pour peser les ingrédients. Akio contre toute attente le fit sans aucun souci… Il avoua même.

- C’est vraiment trop simple avec une balance électrique. Chez moi, c’est encore la balance à poids… Il parait d’ailleurs que c’est plus fiable.

Akio en profita pour demander dans un élan de curiosité.

- Tu cuisines depuis combien de temps d’ailleurs ? Tu dois vraiment bien gérer non ?

Les deux étudiants allaient donc pouvoir mettre littéralement la main à la pâte, maintenant qu’Akio était débarrassé d’une bonne partie de la farine qui lui était tombée dessus, et que tous les ingrédients se trouvaient sur le plan de travail. Kyojiro posa un œil attentif sur chacun des gestes du nageur, qui se débrouilla très bien dans l’exercice de la pesée. Ah bah oui, forcément, s’il était habitué à la balance avec des poids, c’était tout de suite bien plus facile avec une balance électrique ! Le kendoka afficha un air un peu surpris, ne s’étant pas douté une seconde que des gens pouvaient encore utiliser ce genre d’instruments.

« À-À poids ? V-Vraiment ? C-C’est vrai que ça doit être plus compliqué, j-je n’ai jamais essayé, j-j’ai toujours utilisé des balances électriques… »

D’ailleurs, en y repensant, Kyojiro ne savait vraiment rien d’Akio ! Ils avaient beau avoir été colocataires pendant toute une année, il avait l’impression de simplement se trouver en présence de quelqu’un qu’il avait côtoyé sans jamais lui adresser la parole. Il savait vaguement qu’il venait d’une île, qu’il était étudiant en médecine et qu’il faisait partie du club de natation, mais pour le reste… Il se sentait un peu mal de le connaître aussi mal du coup !

« J-Je… Je sais qu’on a jamais trop eu l’occasion de discuter même si on était dans la même chambre, j-je… Je suis désolé… D-Du coup, j’ai l’impression de ne pas savoir beaucoup de choses sur toi… C-Chez toi, c-c’était sur une île, c-c’est bien ça ? »

Akio avait l’air gentil pourtant, alors pourquoi Kyojiro n’avait-il jamais fait l’effort d’essayer d’apprendre à mieux le connaître ? Le kendoka avait encore un long chemin à parcourir pour réussir à être aussi social que la plupart des gens ! Pour lui, à partir du moment où il s’était bien entendu avec Isamu, il n’avait pas vraiment eu besoin d’avoir plus d’amis à ses côtés… Quel idiot…

Kyojiro soupira doucement, mais il fut tiré de sa petite bulle par les nouvelles questions d’Akio, questions qui le firent d’ailleurs rougir alors qu’il détournait le regard et se frottait nerveusement la nuque.

« O-Oh, e-euh… J-Je ne sais pas si je peux dire que je gère, m-mais je pense que j’arrive à me débrouiller. J-Je… J’ai commencé à cuisiner assez tôt, j-je cuisinais pour aider mon père qui revenait souvent très tard du travail. A-Au début je faisais ça pour l’aider, m-mais finalement, j-j’y ai pris goût. »

Oh, un jeu de mots ! Kyojiro esquissa un petit sourire en se faisant intérieurement la remarque. Il savait qu’il n’était pas quelqu’un d’intéressant, ni même de drôle, alors dès qu’il faisait de l’humour, même malgré lui, et qu’il s’en rendait compte, ça le faisait sourire. Il progressait, lentement mais sûrement. Qui sait, peut-être qu’un jour il arriverait à se débarrasser de ce bégaiement intempestif !

Mais avant ça, ils avaient toujours des dorayaki à préparer ! Kyojiro s’éloigna pour aller chercher un fouet, qu’il ramena à Akio en lui indiquant les ingrédients à mélanger en premier.

« V-Voilà, i-il faut tout mettre dans le saladier et commencer à mélanger avec le fouet. L-Le mieux, c-c’est de toujours mélanger dans le même sens, d-donc soit en tournant vers la droite, s-soit vers la gauche. E-Et il faut mélanger sans s’arrêter pour éviter qu’il y ait des grumeaux, s-sinon ça sera plus compliqué pour faire les pancakes. J-Je te laisse faire et si jamais tu veux que je prenne le relais, t-tu n’auras qu’à me le dire. »

Kyojiro lui offrit un petit sourire. C’était idiot, mais il était content de partager ce moment avec Akio. Rare étaient ceux qui aimaient cuisiner, surtout dans la gent masculine, alors c’était quelque chose d’assez rare qui se produisait actuellement ! Le kendoka espérait vraiment que cet instant passé ensemble pourrait leur permettre de rattraper le temps qu’ils avaient bêtement perdu lors de cette année en colocation. C’était l’occasion idéale de véritablement apprendre à se connaître !

Akio surprenait souvent lorsqu’il parlait de chez lui. Après tout, personne ne s’attendait à ce que les années d’évolutions technologiques ne soient pas aussi rependues sur certains endroits du globe, encore moins quand c’était aussi près de chez soi. Donc, le jeune homme se contenta d’afficher un petit sourire habitué à la réaction de Kyo. L’habitude quoi… Il n’allait pas préciser qu’internet lui était inconnu jusqu’à ses 17 ans.

Le jeune homme le surprit un peu après en faisant une remarque sur le fait qu’ils n’avaient pas faite beaucoup connaissance, effectivement. S’excusant et concédant qu’il ne connaissait pas grand-chose du garçon aux yeux bleus. Logique non quand on ne discute pas directement avec la personne concernée. Si on sait beaucoup de chose d’une personne qu’on ne côtoie pas … ça serait quand même un peu creepy. Akio dit avec un air paisible.

- Aucun souci. Tu avais d’autres choses à faire. Puis je n’ai pas plus fait d’effort dans ce sens, alors pourquoi tu t’en excuse ? Oui, c’est bien ça. Ce qui explique mes talents pour le vidage et l’écaillage des poissons.

Un petit rire, il avait certainement d’autres talents, mais en cuisine, Akio ne les connaissait pas. Ce qui n’était pas le cas de son camarade qui lui raconta alors comment il en était venu à apprécier la cuisine. Donc ça lui permettait de passer du temps avec son père. Le jeune homme garda son sourire, il ne cilla même pas face au mot de Kyo qui ne pouvait pas vraiment savoir sa situation. Autant ne pas y penser. « Certains ont de la chance, d’autres non, c’est comme ça. ». L’étudiant élargit son sourire à la fin et lâcha.

- Je vois, Si la cuisine t’a permis de mûrir, je comprends que tu y as pris goût.

Un second rire, puis il fallait battre les ingrédients. Pourquoi Akio n’avait pas eu la même vision du fouet quand Kyo lui en avait parlé ? Probablement, car sa grand-mère utilisée une tourniquette et que ce dernier avait une manivelle. Le jeune homme se saisit alors de l’instrument et se mit à battre. Suivant les indications de Kyo tout en changeant de bras pour garder le rythme. Le résultat semblait propre, mais ses bras… Akio ne put s’empêcher de les secouer doucement en avouant.

- Ah ouais ! Moi qui me plaignais des entraînements de Sora… Finalement, la prochaine fois que j’irais nager, je pourrais me rappeler ce que ça fait de battre la pâte.

Il lâcha une grimace, son muscle de son avant-bras droit lui faisait un peu mal, mais ça aller. Lui qui n’avait pas l’habitude de faire ça, c’était une véritable découverte. Akio avoua.

- Bon ok, finalement, tu as tout mon respect ! La cuisine, ça n’a pas l’air aussi simple que ça en a l’air, je me rends compte maintenant.

Kyojiro baissa les yeux en fronçant les sourcils quand Akio lui demanda pourquoi il s’excusait. Lui-même ne le savait pas trop bien, mais il avait comme l’impression d’avoir fait une grosse erreur en ne prenant pas le temps de connaître cet ex-colocataire. C’était sans doute idiot pour quelqu’un comme le nageur qui semblait très à l’aise socialement, mais le kendoka ne pouvait pas s’empêcher d’avoir quelques remords. Est-ce que ce moment passé ensemble allait leur permettre de rattraper un peu le temps perdu ?

En tout cas, quand Akio lui sourit en lui disant qu’il comprenait pourquoi il aimait autant la cuisine, Kyojiro sentit un petit pincement lui étreindre le cœur. C’était certain, la cuisine l’avait aidé à mûrir, mais ce qui l’avait poussé à cuisiner, ce n’était pas vraiment un souvenir agréable puisqu’il s’agit de l’accident qui l’avait privé de sa mère alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Akio ne pouvait pas le savoir puisqu’ils n’avaient jamais vraiment discuté et que ce détail de sa vie était quelque chose dont Kyojiro ne parlait pas, mais le kendoka ne pouvait pas s’empêcher de se dire, intérieurement, qu’il aurait préféré prendre un peu plus son temps pour mûrir, comme tous les autres enfants de son âge. Il se contenta donc d’hocher doucement la tête pour toute réponse, préférant ne pas feinter de sourire puisqu’il était très mauvais dans cet exercice.

Fort heureusement, l’ambiance put se détendre un peu plus quand Akio commença à battre les ingrédients, sous la supervision de Kyojiro. Sa remarque concernant la difficulté de cuisiner tira un petit sourire au kendoka, qui tendit sa main vers le saladier et le fouet pour pouvoir relayer le pauvre nageur qui n’était visiblement pas habitué à ce genre d’exercice.

« J-Je vais prendre le relais pour finir de bien tout mélanger. J-Je… C-Ce n’est pas toujours très facile, m-mais il suffit de s’entraîner. S-Surtout que c’est un loisir assez agréable puisqu’on peut ensuite manger ce qu’on a préparé. »

Kyojiro afficha un sourire un peu plus doux et termina de bien mélanger tous les ingrédients avec des mouvements dignes des meilleurs pâtissiers. Il en profita alors pour revenir sur un détail qui l’avait interpellé lorsqu’Akio lui avait parlé de ses entraînements de natation.

« S-Sora, t-tu parles de Ueno-san ? »

Le kendoka se souvenait encore un peu trop bien des divers moments passés avec elle, où la jeune femme avait pris un malin plaisir à le taquiner. D’ailleurs, en repensant à cette Murder Party lors de laquelle ils avaient trouvé un ensemble de sous-vêtements affriolants dans la chambre de la femme de ménage, le visage de Kyojiro vira au rouge. Il allait passer pour un mec bizarre, voire même quelqu’un qui avait un crush pour la nageuse, mais il n’en était rien ! Surtout qu’Akio semblait assez proche d’elle comme il l’appelait par son prénom… Est-ce qu’ils sortaient ensemble ou entretenaient-ils une simple relation de collègues de club ?

« A-Ah, h-hum… J-Je… V-Voilà, ç-ça devrait être bon. O-On va pouvoir passer à la cuisson. J-Je vais te montrer comment faire le premier, e-et je te laisserai essayer ensuite. »

Kyojiro prit bien vite la fuite pour essayer de calmer son rougissement, puis il se dirigea avec le saladier vers les plaques de cuisson. Il sortit une poêle, y mit un peu d’huile et alluma le feu pour la faire chauffer. Armé de sa louche, il attendit ensuite que tout soit prêt pour verser de la pâte sur la poêle. Il l’étala un peu pour faire un beau cercle, puis il attendit sagement que le tout soit bien doré pour la retourner.

« V-Voilà, i-il faut simplement faire attention à ce que ça ne brûle pas, e-et essayer de faire un cercle le plus beau possible pour éviter qu’une fois assemblés, l-les pancakes ne s’alignent pas bien. J-Je te laisse essayer ? »

Kyojiro retira le premier pancake qu’il venait de préparer, puis il tendit la louche à Akio, se décalant d’un pas pour le laisser prendre sa place.

Akio commençait à le sentir doucement dans le bras, le muscle tirant doucement avec le mouvement répété. Par chance, c’est à ce moment que Kyojiro se proposa pour prendre le relais afin de s’assurer que tout serait bien mélangé. Oui ! Au moins, il rattraperait les éventuelles erreurs qu’avait pu faire le jeune homme lors du mélange. Après tout, n’ayant pas le coup de main, ce n’était pas impossible que des grumeaux se soit glissé ici et là dans la préparation. Mais sûrement rien d’insurmontable. Son partenaire lui fit également savoir que l’avantage de cette pratique, c’est qu’on pouvait déguster ensuite.

- Pas faux, ça change de mon sport habituel où j’ai juste le droit de boire la tasse.

Lâcha Akio en se posant dos au plan de travail. Jusqu’à ce que Kyo lui demande des précisions. Ah oui, cette fâcheuse habitude d’utilisé le prénom, plus l’étudiant connaissait bien quelqu’un, plus le prénom sortirait facilement et ça n’avait pas loupé. Le jeune homme lui répondit alors d’un simple hochement de tête avant de voir un léger rougissement apparaître sur le visage du cuisinier. Ah, tiens… Avait-il le béguin pour elle ? Ce ne serait pas une surprise, Sora avait le talent pour faire tourner les têtes. Entre son caractère et sa silhouette, Akio ne serait même pas étonné qu’elle soit dans le cœur de plein de garçons d’ici.

Bien qu’il ait tenté de cacher son malaise, c’était trop tard, Akio l’avait vu. Il ne pourrait pas passer à côté et l’homme lui proposa de passer à la cuisson et… non mais attend ou il va là ? Le jeune n’eut pas le temps de le retenir pour lui poser la question qu’il était déjà parti cherché ce qu’il fallait. Rouge comme une tomate. S’il n’en parlait pas avec lui, il pourrait toujours en parler avec Sora au pire.

Un petit sourire quand il revint enfin, Akio l’observa calmement et consciencieusement avant de reproduire le mouvement. Mais n’y tenant plus, il demanda d’un ton tout ce qu’il y avait de plus naturel.

- Alors… On a des vues sur la capitaine de natation où j’ai rêvé ?

Il rigolait doucement avant d’ajouter d’un ton plus rassurant.

- T’inquiètes pas, je ne dirais rien. Mais tu peux m’en parler si tu veux… Bon compte pas sur moi pour vous arranger une entrevue cela dit… Un ami à moi s’est cru malin de venir au club quasiment pour elle… Et le reste. Donc, c’est un peu retombé sur moi… Elle m’a fait manger un de ses entraînements, j’en ai dormis pendant trois jours.

Kyojiro avait souri doucement à la remarque d’Akio. C’était certain qu’il y avait bien plus d’avantages à participer au club de cuisine qu’au club de natation en termes de saveurs gustatives ! Mais le sourire du kendoka disparut bien vite pour laisser de nouveau place à un visage rougi par la gêne. Sora… Il avait bien parlé de CETTE Sora, LA Sora Ueno qui prenait un malin plaisir à le malmener chaque fois qu’ils se croisaient… Enfin, en même temps, n’importe qui d’un minimum joueur s’amuserait à tourmenter le pauvre kendoka ! À croire que cela pourrait même devenir un tout nouveau sport national puisque c’était maintenant au tour d’Akio de s’y mettre !

Kyojiro crut pouvoir échapper à cette discussion qu’il ne voulait pas vraiment avoir en se déplaçant jusqu’au plan de cuisson pour commencer à préparer les pancakes qui permettraient d’élaborer ces fameux dorayakis. Il avait montré à son apprenti du jour comment faire, puis s’était décalé pour le surveiller et le laisser s’essayer à la tâche. Sauf que voilà, Kyojiro manqua de s’étouffer en avalant sa salive de travers à cause de la question qu’Akio lui posa ! Se tournant vivement pour éviter de tousser au-dessus de la poêle ou en direction de son camarade, Kyojiro se recula même d’un pas ou deux, le temps de calmer sa toux. Chose faite, il releva un visage encore plus rouge vers Akio.

« Qu-Qu-Quoi ?! D-D-Des vues ?! »

Sa voix s’était faite plus aigüe que prévu, alors que Kyojiro sentait son rythme cardiaque accélérer brusquement. Pourquoi en était-il venu à cette conclusion si soudainement ?!

« C-C’est pas du tout le cas ! E-Enfin, j-je veux dire… E-Elle est très gentille et aussi très jolie, m-mais… »

Okaaaay ! Il s’enfonçait encore plus à être aussi sincère ! Le kendoka avait l’impression que son visage était au moins aussi chaud que la poêle qui faisait…

« Attention ! Ça brûle ! »

Ah bah voilà, à parler de trucs complètement improbables au lieu de faire attention, le premier pancake qu’Akio voulut faire cuire… crama ! Teinté d’une magnifique couleur noire et dégageant une forte odeur de brûlé, Kyojiro s’empressa de retirer la poêle du feu pour vite en sortir le pancake calciné. Il soupira faiblement, pas parce qu’il en voulait à Akio de ne pas avoir fait plus attention, mais surtout parce qu’il était soulagé qu’il n’y ait pas eu d’autre drame. Reprenant son calme, Kyojiro retrouva un visage un peu moins coloré de rouge.

« C-C’est pas grave, l-les premiers sont toujours un peu loupés. J-Je… Je surveillerai mieux le prochain, p-promis. »

Aaaah… Kyojiro… Il était passé maître dans l’art du rejet de la faute des autres sur sa propre personne. Après tout, s’il avait mieux surveillé son apprenti, ça ne serait jamais arrivé !

Le kendoka laissa donc Akio s’essayer une nouvelle fois à l’exercice de cuisson de pancakes, restant silencieux quelques secondes avant de reprendre la parole.

« J-Je… Je n’ai pas du tout de vues sur Ueno-san, j-je ne sais pas pourquoi tu as pensé ça, j-je… C-C’est juste une… »

Une quoi d’ailleurs ? Une connaissance ? Ce n’était pas un peu trop faible après ce qu’ils avaient vécu et cette promesse qu’elle lui avait faite de lui montrer le futur ensemble de sous-vêtements qu’elle achèterait ? Une amie alors ?

« J-Je crois que c’est une amie… »

Kyojiro fronça les sourcils et se frotta la nuque en détournant les yeux. Ce que c’était compliqué les relations sociales ! Il n’arrivait jamais à mettre un mot sur les liens qui pouvaient le lier aux autres, c’était absolument frustrant !

« E-Et toi ? T-Tu as des vues sur elle ? »

Non parce que bon, s’il s’était posé la question du fait que Kyojiro pouvait avoir des sentiments pour Sora, c’était peut-être parce qu’Akio avait eu peur de se retrouver avec de la concurrence, non ?

La réaction de Kyojiro fut parlante pour le coup. Akio apprit donc que son ancien colocataire semblait être particulièrement timide, ce qui eut le don de légèrement l’attendrir. Ben oui, il n’était pas là pour le juger, ni tirer des conclusions hâtives après tout, donc Kyojiro n’avait clairement pas besoin de sur-réagir comme ça dans la mesure où Akio ne lui voulait pas vraiment du mal.

Il attira son attention sur le fait que la nourriture était en train de brûler… Ah mince ! Akio sursauta alors qu’il avait encore un petit sourire amusé sur le visage tout en laissant faire l’initié à la cuisine. Il s’y connaissait mieux que lui. Kyojiro le rassura alors très vite en lui affirmant que c’était quelque chose d’assez récurent en général en cuisine, les premiers essais n’étaient jamais concluant, quel que soit le domaine et quand ils l’étaient, ce n’était pas forcément une bonne chose parfois. Quoi qu’il en soit, la discussion revint assez vite sur Ueno et Akio retrouva son sourire en voyant le jeune homme tenter de se défendre au mieux.

Il lui confirma alors qu’il n’avait pas de vue et que c’était une amie. Pourquoi autant d’hésitation ? Pourquoi le croyait-il seulement ? Akio ne put s’empêcher d’être encore plus amusé par la situation alors que de nouveaux pancakes, étaient mis au four, il réfléchit à une solution pour extirper en douceur Kyojiro de sa coquille… Ah trouvé.

- Tu crois hein ? Peut-être que je demanderais à Sora ce qu’elle en pense alors. Elle sera claire sur le sujet… Qui sait, la réponse pourrait peut-être même me surprendre.

Il rigola doucement alors que Kyojiro lui demandait s’il avait des vues sur elle aussi… Ah ça non. Sora était belle, intelligente et sportive. Mais Akio la classait dans celle des femmes dite inaccessible pour lui. Par inaccessible, il entendait bien sûr qu’il ne pourrait pas la draguer, la courtiser ou quoi que ce soit en rapport avec du plus qu’amical. Elle était une amie, certes proche, mais Akio se voyait vraiment mal avec elle. Il éclata de rire cependant et se montra de l’index.

- Moi … Avec une fille comme Sora ? Je suis flatté en un sens que tu puisses penser ça. Mais même si je le voudrais, je ne pense pas avoir des chances. Puis j’ai quelqu’un… D’autre en vue.

Il avait hésité sur la fin, non ce n’était probablement pas quelque chose à dire. Son regard se rembrunit quelque peu. L’impossible dans un tout autre sens du terme. Une femme lui plaisait énormément, mais comment faire ? Elle était la sœur de son meilleur ami et l’impressionnait sur de nombreux plans… Akio avait vraiment envie de lui montrer qui il était vraiment, sauf qu’il avait peur qu’elle mette une distance ensuite. Il lâcha d’un ton plus sérieux avant de plaisanter en faisant compendre par son ton, que ce n'était pas une obligation d'en parler non plus.

- Les femmes sont compliquées, hein Kyojiro. Bon alors ! SI ce n’est pas Sora, y a bien quelqu’un qui te plaît sur ce campus non ? Allé, autant me le dire, ce n’est pas moi qui irais le crier sur les toits, t’en fais pas... Remarque, si tu veux pas, je t'en voudrais pas non plus. Mais, on a encore deux minute avant que ce soit prêt de tout façon.

Pourquoi est-ce que cette séance de cuisine prenait une telle tournure ? Kyojiro s’était mis à fixer Akio avec de grands yeux ronds, les joues toujours rouges, quand le nageur lui proposa de demander directement à la principale intéressée ce qu’elle pensait de lui. Non ! Non, non, non, non, non ! Hors de question ! Il avait juste voulu donner un coup de main à son ancien colocataire, le kendoka n’avait jamais voulu qu’Akio joue les « entremetteurs » !

« M-Mais ! N-Non ! J-Je veux dire… C-Ce n’est vraiment pas la peine de le lui demander ! C-Ce n’est pas important ! »

Kyojiro avait envie de se rouler en boule en chouinant dans un coin pour fuir la situation, mais il préféra reporter son attention sur les pancakes en train de cuire, les retournant sans vraiment leur laisser le temps de cuire, simplement pour essayer de se concentrer sur autre chose. Et puisqu’il n’aimait pas vraiment quand la conversation tournait autour de lui, il préféra faire un juste retour à l’envoyeur en demandant à Akio s’il avait des vues sur la capitaine du club de natation. Voilà ! Comme ça, il pourrait respirer un peu, le temps d’écouter sa réponse ! Réponse qui le laissa d’abord perplexe, lui faisant froncer les sourcils. Pourquoi disait-il ça ? Est-ce qu’il se rabaissait ? Kyojiro ne comprenait vraiment pas… Il imaginait plutôt bien les deux nageurs ensemble lui, ils feraient un très beau couple !

« P-Pourquoi tu dis ça ? M-Moi je trouve que vous iriez bien ensemble… E-Et si vous vous entendez bien, p-pourquoi tu n’aurais pas tes chances avec elle ? »

L’amour était parfois bien compliqué… Lui-même était le premier à se priver de toute chance d’être en couple parce qu’il ne se jugeait pas à la hauteur de la personne pour laquelle il avait des sentiments. De toute façon, sa première tentative de déclaration s’était soldée par le plus gros échec qu’on pourrait imaginer ! Lui qui avait ressenti de l’amour pour la première fois pour une jeune femme, quand il s’était déclaré à elle, elle avait fini par le friendzoner et même carrément couper les ponts avec lui ! Comment vouliez-vous que son petit cœur brisé arrive à retrouver un semblant de confiance en lui après une telle expérience ?

Quoi qu’il en soit, même si Kyojiro avait lancé un regard curieux à Akio, il n’avait pas voulu le questionner sur la personne sur qui il avait des vues. Ce n’était pas ses affaires après tout et il ne voulait pas paraître trop intrusif ! Malgré tout, le kendoka espérait secrètement que son camarade lui en parlerait de lui-même, tout simplement parce que, même s’il ne le montrait pas, c’était un jeune homme vraiment très curieux ! Et puis, si jamais il pouvait se rendre utile et aider Akio à se mettre en couple avec la personne sur qui il avait des vues… Ca lui ferait plaisir !

Sauf que voilà, Akio ne semblait pas vouloir continuer à parler de lui et renvoya presque aussitôt la balle à Kyojiro pour que ce soit lui qui se dévoile à nouveau. Ses joues se teintant encore une fois, le visage du kendoka se fit toutefois un peu plus mélancolique.

« J-Je… Je suis d’accord avec toi, l-les filles sont vraiment très compliquées… »

Le cuisinier soupira faiblement. Akio lui avait dit qu’il n’avait pas besoin d’en parler mais… S’il voulait essayer de rattraper le temps perdu avec lui, il valait mieux le faire non ?

« J-Je… J’étais amoureux d’une fille il y a quelques temps e-et j’ai voulu lui exprimer mes sentiments. C-C’était la première fois, j-je… Je ne suis jamais sorti avec personne. E-Et… J-Je crois que je lui ai fait peur, p-parce qu’elle n’a pas répondu à mes sentiments et a même préféré couper les ponts. E-Elle m’a dit qu’elle ne voulait plus jamais me revoir… »

Kyojiro se frotta le bras en détournant ses yeux un peu humides. Le temps passait, mais la blessure était toujours bien profonde et douloureuse.

« J-Je ne suis pas sûr d’avoir envie de revivre ça, a-alors non, j-je n’ai personne en vue. »

Voilà, il avait réussi à plomber l’ambiance… Bravo ! Kyojiro renifla et passa brièvement le dos de sa main sur ses yeux, puis il essaya d’offrir un sourire à Akio, sourire qui ressembla plus à une grimace qu’autre chose.

« T-Tu dois être plus doué que moi dans ce domaine de toute façon, a-alors je ne doute pas que tu parviendras à sortir avec la personne sur qui tu as des vues ! »

Kyojiro leva sa main et hésita. Il la regarda, regarda ensuite Akio, puis il se lança et tapota doucement l’épaule du nageur. C’était bien comme ça qu’on faisait pour souhaiter bonne chance à un ami, non ?

Presque aussitôt, Kyo se défendit de la proposition d’Akio pour aller voir Sora. Il n’y avait rien de mal à demander et ce genre de réaction n’allait clairement pas aider le jeune homme à ne pas être curieux mais bon… Soit, il n’en fera rien car après tout, sans Kyojiro, pas de cuisine. Cependant, son sourire s’élargit à la remarque qui suivit. Akio devait bien admettre qu’il était même pris au dépourvu et avoua.

- Bien ensemble ? Bon d’accord, on s’entend bien, mais de là à dire qu’on irait bien ensemble, il y a un monde quand même. Je n’aurais pas mes chances avec elle parce qu’on est ami et que je l’apprécie en tant qu’ami justement. C’est réciproque, il n’y a pas de sentiment entre nous autre que de la sympathie.

Il lui sourit puis écouta Kyojiro suite à sa demande. Le jeune homme ne s’attendait pas vraiment à ce qu’il se confie de la sorte et écouta attentivement en reprenant un air plus sérieux. Oh… Donc il avait vécu une déception ? C’est… Tout. Akio avait conscience qu’un râteau pouvait faire mal, mais ne pouvait pas vraiment se dire qu’on pouvait tout abandonner pour ça. C’était lâche d’une certaine façon et égoïste.

Akio se doutait bien de la souffrance, du rejet et de l’abandon qu’il avait ressenti, mais d’une certaine façon, Kyojiro ne voyait pas les choses sous le bon angle. On aurait dit que cette histoire avait surtout eu le don de sapé sa confiance en lui-même. Sur le moment, Akio observa leur préparation et lâcha d’un ton amusé.

- Eh ben… Tu imagines si on avait abandonné sur les premiers qui ont cramé ? On aurait sûrement pas faire des seconds qui ont l’air juste délicieux non ?

L’étudiant en médecine ne put retenir un petit sourire amusé à cette remarque. On ne pouvait pas faire meilleure allégorie, il en était certain. Le jeune homme ne pouvait pas vraiment se vanter d’être un expert dans le domaine, mais mieux valait ce genre de parole plutôt que de conforté Kyojiro dans son idée, quoi que le jeune homme ne chercherait pas à changer son avis, il lui établirait simplement les faits.

- Cette fille dont tu parles… A eu moins de courage que toi. Parce que se lancer comme tu l’a fait, c’est prendre son courage à deux mains. Par contre… c’est lâche de ne pas le faire car on sait que ça fait mal. L’amour va souvent de pair avec la souffrance, invariablement… Mais s’il n’y avait que souffrance dans l’amour, alors personne ne se mettrait en couple. Souffrir, c’est un maigre prix à payer pour avoir quelqu’un qui pourra te comprendre, te soutenir, t’épauler, rire avec toi et être complice.

Il lui sourit en ajouta.

- Et ouais t’aura des râteaux… c’est un fait et tu en souffriras sûrement encore.

Akio lui offrit une petite bourrade d’épaule amicale avant de finir sur un ton plus amusé.

- Puis la plupart des femmes ne l’avoueront pas, mais elles peuvent adorer quand un homme vient leur avouer des sentiments, même si ce n’est pas partagé, dit-toi que la prochaine sera peut-être flattée qui sait. Puis qui sait, elle dira peut-être « oui moi aussi, tu me plais ». En tout cas, pour avoir cette réponse, c’est la meilleure façon de faire, parce que si tu attends que ça tombe ! Tu as autant cherché un chat dans les petites annonces tout de suite !

Akio éclata de rire avant de s’arrêter net en réalisant ce que Kyojiro avait dit beaucoup plus tôt. Il avait fait un effort, ne pouvait-il pas en faire autant de son côté. Akio se mordit doucement la lèvre, c’était risqué… si Anders venait à l’apprendre. Mais non, Kyojiro ne ferait pas ça.

- Oh ! Pour moi, c’est un peu plus compliquer… Cette femme, je sens bien qu’elle n’est pas insensible… mais c’est la sœur d’une personne proche de moi et ça complique un peu les choses. Puis, je ne sais pas vraiment si mes sentiments sont partagés… Donc, je ne sais pas.

Le jeune homme baissa les yeux vers leur premier essaie brûlé… Lui-même, était-il du genre à abandonner aussi vite ? Après tout, il y avait bien une seconde fouiné au four… Akio sourit à cette pensée. Qui sait, peut-être qu’il aura des surprises et ce n'était pas le genre à craindre les difficultés.

Kyojiro fronça les sourcils aux mots d’Akio. Est-ce qu’une relation d’amitié comme celle qu’avaient son interlocuteur et Sora ne pouvait justement pas évoluer en plus ? C’était bien ce qu’il s’était passé entre Zelda et lui après tout ! Enfin… L’évolution n’avait été qu’à sens unique malheureusement, puisqu’il avait été le seul à développer autre chose que de l’amitié au fil des moments partagés ensemble…

« E-Et… T-Tu penses que ça ne peut pas évoluer ? C-C’est ce qu’il s’est passé pour moi, m-même si c’était juste de mon côté et pas du sien… »

Puis, contre toute attente, Kyojiro se retrouva à se confier à Akio quant à cette relation tuée dans l’œuf avec Zelda. Il savait qu’il était lâche, mais le peu de confiance en lui qu’il avait réussi à gagner lors de ces moments passés avec elle avaient été piétinés tellement fort qu’il n’avait tout simplement pas envie de réitérer l’expérience. De toute façon, il avait toujours été seul et il avait toujours su avancer alors… Ce n’était pas si grave s’il ne retombait jamais amoureux un jour, non ? Il ne devait pas être le seul dans cette situation ! Le souci, c’était qu’Akio avait raison en évoquant ce parallèle avec les pancakes… Le kendoka baissa la tête et fixa ses pieds, lâchant un infime soupir.

« C-Ce n’est pas pareil… L-La cuisine n’implique pas des sentiments aussi forts, e-et… O-On peut toujours réussir à s’améliorer dans ce domaine. P-Pour les relations amoureuses, m-même si on peut apprendre de nos erreurs, c-chaque nouvelle relation est différente puisque la personne en face l’est aussi… »

Kyojiro n’en avait jamais fait l’expérience, mais c’était ce qu’il avait pu lire à droite à gauche, quand il avait essayé de trouver des solutions pour aller mieux lorsque Zelda avait coupé les ponts avec lui.

Mais Akio ne s’arrêta pas en si bon chemin et tâcha d’expliquer à Kyojiro que l’amour était invariablement lié à la souffrance. Cette réalité fit de nouveau froncer les sourcils du kendoka. Alors… C’était quoi l’intérêt d’aimer si c’était pour souffrir ?

« J-Je… Je crois que je vois ce que tu veux dire, m-mais… J-Je ne ressens rien d’aussi fort pour qui que ce soit actuellement… J-Je… Je ne connais personne qui pourrait être comme tu le dis, qu-qui pourrait me comprendre, me soutenir, m’épauler et rire avec moi. J-Je… Je ne suis pas quelqu’un de très social de base e-et j’ai toujours un peu effrayé les gens… »

Kyojiro pointa son visage pour illustrer ses dires. Il fallait dire que, de prime abord, le kendoka avait un visage très dur et presque tout le temps ronchon, alors que ce n’était qu’une fausse première impression ! Il n’y avait pas plus gentil et adorable que le kendoka quand on osait aller au-delà de son apparence flippante pour engager la conversation ! Malheureusement, les plus courageux étaient trop peu nombreux et lui-même ne se sentait pas encore capable d’accoster quelqu’un l’air de rien pour lui taper la discute. On était timide ou on ne l’était pas ! Il avait déjà fait beaucoup de chemin depuis son arrivée à Yokuboo mine de rien ! Avant, nul doute qu’il aurait fui à toute vitesse si Akio était venu lui demander de l’aide en cuisine !

Kyojiro frotta ensuite doucement son épaule, à l’endroit où Akio lui avait donné un petit coup avec la sienne, puis il le fixa quand il lui avoua se trouver dans une situation compliquée puisqu’il était visiblement attiré par la sœur de quelqu’un qui lui était proche. Le kendoka fronça les sourcils et fit une petite moue. Ce n’était pas trop son genre de donner des conseils, mais…

« L-La plupart des femmes peuvent adorer quand un homme leur avoue ses sentiments. Si tu le fais, e-elle dira peut-être que tu lui plais toi aussi. P-Pour avoir cette réponse, c-c’est la meilleure façon de faire. »

Kyojiro sentit ses lèvres s’étirer doucement en un petit sourire alors qu’il fixait Akio. Quel meilleur conseil pouvait-il lui donner que celui que le nageur venait toujours juste de lui confier ? Après tout, s’il était capable de conseiller ça à quelqu’un, il devait l’appliquer pour lui aussi ! Sinon, à quoi bon ?

Quoi qu’il en soit, le kendoka aida Akio à finir la cuisson des pancakes et lui tendit l’assiette pleine de petites galettes de pâte à la couleur parfois un peu aléatoire.

« T-Tu peux en goûter un si tu veux, p-pour voir si ça te convient. I-Il ne reste plus qu’à mettre la pâte de haricots rouge entre deux pancakes et appuyer un peu dessus pour les coller. »

Akio avait été honnête sur tous les points énoncés et Kyojiro ne semblait pas vraiment d’accord avec son avis. Cependant, il insista à propos de Sora, le jeune homme savait d’avance qu’il n’y aurait rien de plus entre eux. On peut très bien s’entendre sans pour autant avoir le « truc » comme on dit. L’alchimie amoureuse n’est pas quelque chose sur laquelle on a le contrôle. Le jeune homme hocha simplement la tête à sa question, après tout, il ne pouvait pas vraiment en ajouter plus.

L’analogie avec la cuisine en revanche, c’était juste l’une des meilleurs que l’on puisse trouver, mais cela s’applique à tout en réalité. Le jeune homme aurait très bien pu prendre l’exemple du nouveau-né entrain de marcher, tomber puis se relever. Kyojiro le faisait un peu penser à ça d’ailleurs, un petit nouveau-né dans le monde l’amour qui venait de toucher la porte d’un four pour se rendre compte que ça brule… Alors que comme pour les sentiments, suffit de mettre des gants.

Le jeune homme sourit et s’amusa de la réaction de son camarade de cuisine. Le jeune homme se permit de compléter sa logique en avouant.

- Et ? Chaque relation est différente certes, mais c’est ta façon de les appréhender et de les affronter qui te reste propre. À ce compte, je peux dire aussi que chaque plat en cuisine est diffèrent, seul ton savoir-faire et ton expérience feront la différence entre échecs ou réussite. Mais ton souci, c’est que tu vois trop l’aspect négatif d’un simple râteau.

Il lui fit un sourire franc en ajoutant d’un ton sérieux.

- Ok, ça fait mal, c’est plus à prouver. Mais faut en tirer le meilleur, prendre en compte les erreurs principales que tu aurais pu commettre et j’en passe. Bref, là où tu vois un échec, d’autre y verront un apprentissage, une barrière, un mur et j’en passe. Si tu es du genre à te laisser arrêter par le moindre mur, alors t’ira pas loin.

Cependant, Kyo avoua ne pas avoir ce genre de sentiment à l’heure actuelle, c’était son droit le plus strict après tout. Akio n’y voyait rien de plus à dire et expliqua sa situation, quelle surprise lorsque son propre conseil lui revint en pleine poire. Le jeune homme avait baissé sa garde et le kendoka ne s’était pas privé de saisir l’ouverture. Il lâcha un bref grognement avant de dire d’un ton caustique.

- Voilà qu’il me retourne mes propres arguments contre moi le malin. J’ai peut-être commis l’erreur de te sous-estimer. Mais oui, tu as raison, je devrais. Pour être honnête, ma situation est un poil plus compliqué que de simplement allait dire mes sentiments…

Un regard pensif vers le four, Akio ajouta.

- L’amour, c’est important certes, mais je sais aussi que les amis le sont tout autant. Je ne voudrais vraiment pas merder si je décide de faire un pas.

Autant ne pas continuer, il retrouva son sourire en goûtant à leur préparation et le jeune homme s’étira doucement en proposant.

- Ça me semble bon, mais il manque un petit quelque chose, tu as une idée de ce qu’on pourrait rajouter pour donner du goût ? C’est toi le pro de nous deux après tout.

Kyojiro savait. Il savait qu’Akio avait raison de bout en bout, et il savait aussi que ce n’était pas son genre de baisser les bras. Aurait-il pu s’améliorer au kendo jusqu’à dépasser son modèle et décrocher le titre de champion national s’il était du genre à abandonner trop facilement ? Pourtant, le kendoka avait l’impression que l’amour était quelque chose de bien plus complexe et difficile que son sport de prédilection… Et c’était sans doute parce que c’était quelque chose qui lui était assez inconnu qu’il avait autant de mal à se montrer courageux. Kyojiro était capable de se jeter dans une bagarre perdue d’avance pour défendre des gens, mais voilà qu’il était parfaitement incapable de remonter la pente après cette grosse et première déception amoureuse… Il était pitoyable, non ?

« Je… E-Est-ce que tu crois que tu pourrais m’aider ? Je… Je me dis que ce serait peut-être plus facile d’avoir un avis extérieur pour savoir ce que j’ai pu mal faire et ne plus jamais recommencer… E-En tout cas, j-je… Je suis vraiment admiratif Kuroi-san, t-tu as l’air d’être quelqu’un de vraiment fort et de très positif. »

Un peu le contraire de lui qui avait trop facilement tendance à broyer du noir et se morfondre quand quelque chose n’allait pas. Kyojiro pouvait être fort et positif pour bien des choses, mais tout ce qui touchait aux sentiments… C’était tout de suite bien plus compliqué, la faute à son manque d’expérience dans le domaine !

Quoi qu’il en soit, puisqu’Akio lui tendait une si jolie perche, Kyojiro ne put s’empêcher de lui resservir gentiment les arguments que le nageur venait de lui donner sur le sujet de l’amour, pouffant même doucement quand il entendit son camarade grogner.

« C-C’est sûr que c’est plus compliqué dans ton cas. J-Je… Je ne peux pas trop te conseiller, p-parce que je n’ai jamais vraiment eu de chance en amour ni en amitié, m-mais… J-Je crois que si cet ami est vraiment un ami, a-alors tu pourras lui parler de tout ça pour savoir ce qu’il en pense. E-Enfin… J’imagine que c’est comme ça que ça doit se passer entre amis… »

Kyojiro afficha un léger sourire à l’adresse d’Akio, mais intérieurement, il soupirait profondément. C’était triste d’en venir à de telles conclusions, mais tous les liens forts qu’il avait réussi à tisser avec beaucoup de temps et d’efforts avaient fini par se briser les uns après les autres. Au final, aujourd’hui, qui lui restait-il ? D’ailleurs, s’il avait autant de mal à tisser des liens sincères et durables avec les gens… Peut-être que c’était sa faute, non ?

Fort heureusement, Kyojiro n’eut pas davantage le loisir de broyer intérieurement du noir puisque la conversation reprit grâce aux dorayakis qui étaient presque terminés. Quand Akio lui avoua qu’il manquait quelque chose, le kendoka fronça les sourcils et entreprit de goûter à l’un des gâteaux. Ils en avaient fait pas mal, alors ils pouvaient bien en sacrifier un ou deux pour les goûter !

« H-Hum… T-Tu peux rajouter un peu de miel si tu veux, m-mais je pense qu’il vaut mieux ne pas rajouter trop de choses, ç-ça risquerait de trop dénaturer le goût des dorayakis sinon… E-Enfin, ce n’est que mon avis ! O-On peut toujours faire quelques tests si tu veux ajouter d’autres choses ! »

Expérimenter… Ca aussi c’était quelque chose d’assez compliqué pour Kyojiro ! Son tempérament lui valait de toujours suivre les règles, et donc les recettes, et il ne prenait, au final, que très rarement de risques en sortant des sentiers battus, aussi bien en cuisine que pour tout le reste !

La situation prit rapidement une tournure inattendue lorsque Kyo demanda de l’aide… Akio devant lui dire où il avait mal fait. Le jeune homme fixa son regard bleu sur son interlocuteur, soudainement mal à l’aise, il sourit bêtement tout en se massant la nuque. Ce n’est pas qu’il ne voulait pas … mais aidé dans ce genre de cas, c’était compliqué car au fond, si la situation tourné mal… il en aurait la responsabilité. Le jeune homme ne pouvait pas non plus refuser sa demande, pas après tout ce qu’il venait de dire. Akio avait la sensation de s’être lui-même piégé dans sa propre toile et réalisa qu’il aurait fait une bien piètre araignée.

- Euh et bien. Je veux bien faire de mon mieux pour ça. Mais je t’avoue que je ne saurais même pas dire si je suis doué ou non. On ne m’a …

Jamais demandé ce genre de chose. Akio le réalisa, personne n’avait jamais cherché auprès de lui pour de l’aide en amour. Des conseils parfois, mais jamais une vrai aide et sur le moment, il eut peur de mal faire. La peur de l’inconnu… Et attend voir deux minutes ! Akio eut un déclic.

- J’accepte à une condition, pour te prouver qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer au risque que ça tourne mal. Parce que tu vas ne pas me croire… Mais tu es la première personne à me demander de l’aide.

Il n’ajouta rien sur ce que Kyo lui avait dit à la fin. Non, Akio n’avait pas de telle qualité, il était fort, car il ne voulait pas être faible et positif car il ne voulait pas broyer du noir. Ses qualités avaient le même défaut, son égoïsme. Akio avait raconté son histoire et le court résumé de Kyo lui sembla assez naïf en soi… De l’espoir ?

Il sourit.

- Tu as probablement raison, je devrais. Quand j’aurais un moment pour ça.

Où ne rien dire et garder ça pour lui, car de toute façon, jamais ses sentiments ne seraient partagés. Il sourit, car le sujet revenait à un truc plus global et d’instinct, la conversation l’amusa et Akio lâcha d’un air amusé.

- Comme en amour, tente certaine chose pour assaisonner le tout, mais n’en fais pas trop, car après, ça gâche ta préparation. Premier conseil, de rien, c’est cadeau !

Dit-il en rigolant avant d’ajouter sur un ton plus sérieux.

- Va pour un test au miel alors ! On peut aussi tenter avec d’autres choses… mais pourquoi pas simplement un peu de sucre dessus en cours de cuisson ? Ma grand-mère faisait ça parfois, il me semble.

Si Kyojiro n’avait pas été aussi peu doué pour comprendre les gens, nul doute qu’il aurait remarqué que sa demande avait mis Akio mal à l’aise. Sauf que ce n’était pas le cas et, pour ne rien arranger, le kendoka fixait son interlocuteur avec énormément d’attente et d’espoir dans les yeux. Le nageur semblait bien plus expérimenté et de bon conseil, alors s’il acceptait de l’aider, nul doute que Kyojiro se débrouillerait mieux si jamais il tombait à nouveau amoureux un jour !

« T-Tu… Tu es certainement bien plus doué que moi, a-alors tes conseils seront toujours un plus. »

Aussi étrange que ça puisse paraître en connaissant la nature timide de Kyojiro, le kendoka était en train de soutenir le regard d’Akio, toujours suspendu à ses lèvres. Il fallait vraiment qu’il accepte ! Le Japonais avait besoin de comprendre ce qu’il avait pu mal faire pour ne pas risquer de recommencer la prochaine fois ! Alors, quand le nageur finit par accepter, un grand sourire étira les lèvres de Kyojiro, une expression que très peu avaient eu l’occasion de voir. Le kendoka était tellement content qu’il attrapa les mains d’Akio dans les siennes et qu’il s’inclina vivement à plusieurs reprises.

« M-Merci beaucoup ! J-Je te promets de prendre note de tout ce que tu me diras ! »

Par contre… C’était étrange non ? Jamais personne ne lui avait demandé d’aide ? Alors qu’il semblait si à l’aise avec les gens ? Kyojiro fronça les sourcils tant ça lui semblait improbable.

« V-Vraiment ? Je… Je trouve ça bizarre que personne ne t’a jamais demandé d’aide, t-tu as pourtant l’air d’être une personne sur qui on peut compter et qui donne aussi de bons conseils. E-Et puis… T-Tu es vraiment différent de moi, t-tu as l’air vraiment à l’aise avec les autres. A-Alors hum… J-Je… »

Kyojiro sentit ses joues chauffer et se teinter de rouge alors qu’il détournait les yeux et se frottait la nuque.

« J-J’aimerais bien prendre un peu exemple sur toi, s-si tu es d’accord. E-En plus de tes conseils ! »

Ça commençait à faire beaucoup de choses ! Kyojiro abusait sans doute un peu trop de la gentillesse d’Akio, mais il avait vraiment envie de réussir à changer !

Quoi qu’il en soit, le premier conseil du nageur ne tarda pas et fit même doucement pouffer le kendoka. Akio avait vraiment compris comment lui faire facilement passer ses conseils en prenant la cuisine comme exemple !

« D-D’accord ! A-Alors tu penses qu’il vaut mieux que je reste naturel ? P-Par exemple en ne me forçant pas à faire des choses que je ne ferais pas normalement ? »

C’était d’ailleurs un peu ce qu’il avait fait pour Zelda en y repensant… Il avait voulu la garder près de lui, alors il s’était forcé à faire des choses pour lui plaire, sans que ça ne lui plaise vraiment à lui en premier lieu. C’était peut-être pour ça que ça n’avait pas fonctionné ! Peut-être qu’elle avait senti qu’il se forçait et qu’il n’était pas toujours 100 % naturel ?

Quoi qu’il en soit, Kyojiro acquiesça d’un signe de tête quand Akio lui proposa de faire quelques tests, s’exécutant en ajoutant un peu de miel, puis du sucre sur le dessus d’un autre dorayaki avant de le passer au four. S’accroupissant devant la vitre de l’appareil pour surveiller la cuisson, le kendoka resta silencieux quelques instants. Il était en pleine réflexion, puis, d’un coup, il se redressa.

« O-On peut essayer avec un peu de chantilly sur le dessus aussi ! E-Est-ce que tu sais ce que ton ami aime ? C-Comme c’est pour lui, c-c’est bien de prendre aussi en compte ses goûts. »

Akio n’était pas au bout de ses peines aujourd’hui décidément, il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’on lui demande des conseils amoureux. Cependant, Kyojiro ne lui avait pas vraiment fait une mauvaise impression et s’il pouvait l’aider un peu, ce ne serait pas un mal, car le pauvre semblait avoir plus que souffert de son râteau. Il fut d’ailleurs le premier surpris par la révélation… Enfin le premier… comme si quelqu’un d’autre dans la pièce pourrait lui rafler la place.

Akio n’était pas forcément plus doué, qui sait, peut-être que son camarade était un tombeur et ne s’en était pas encore rendu compte allé savoir. On pouvait se découvrir des talents totalement inconnus si les circonstances nous le permettent. Il lui confirma qu’il prendrait des notes de tout ce qu’il pourrait dire ce qui fit rire Akio.

- Ok, mais ne te ramène pas avec ton carnet de notes auprès de la fille que tu veux draguer… t’imagine la scène ?

Kyojiro avoua ensuite pourquoi il était surpris ce qui fit sourire l’étudiant pendant qu’il écoutait. Akio semblait à l’aise avec les autres, mais ce n’était pas aussi facile avec tout le monde. Déjà de base, les Japonais ont tendance à avoir une distance sociale que le jeune homme n’avait pas l’habitude vu que la d’où il venait, les liens étaient bien plus étroit. Il en avait donc un peu souffert au début de son caractère trop social. Le jeune homme le stoppa presque aussitôt lorsqu’il parla de prendre exemple sur lui.

- Houlà ! Surtout pas ! C’est l’erreur. Reste toi-même. Regarde depuis tout à l’heure, tu me parles sans soucis et ce n’est pas moi qui ai eu besoin de te tirer les vers du nez ! Écoute, déjà, faut que tu prenne un peu confiance et le reste se fera tout seul. Suffis simplement de faire le premier pas vers les gens et de ne pas repousser ceux qui le font vers toi ! Ça se travaille et petit à petit, tu n’auras plus aucun mal à aller vers les autres.

Il lui sourit, c’était son point de vue sur la chose. Après tout, c’était comme tout, suffisait de pratiquer pour maîtriser. Normal que quelqu’un qui reste toujours dans son coin ne soit pas doué socialement. Alors qu’une personne qui va systématiquement vers les autres aura moins de mal à se trouver des amis et tenir les conversations. Akio hocha ensuite la tête à la conclusion de Kyo en affirmant.

- Exactement, si une femme doit un jour t’aimer, c’est pour toi. Si tu te comportes diffèrent, tu vas juste lui envoyer une image erronée de qui tu es… Du coup, soit elle ne pourrait pas aimer, soit elle t’aimerait pour ce que tu n’es pas et tu seras obligé de garder ce masque pendant un moment si tu ne veux pas casser l’illusion. Mais si tu trouves une personne qui t’aime pour ce que tu es, alors… Tu n’auras aucuns soucis de ce genre et vous serez d’office plus à l’aise entre vous.

Il sourit en ajoutant.

- Le vrai défi, c’est de ne pas avoir peur de montrer ses qualités et ses défauts. C’est souvent dans le deuxième cas qu’on oublie le naturel, on cherche trop souvent à montrer le meilleur de nous, mais… je pense que c’est une grosse erreur parce que ce que nous voyons comme des défauts ou des qualités dépendent de notre point de vue avant tout.

Akio savait aussi qu’il y avait tout un procédé chimique dans l’attirance, mais autant ne pas continuer sur ce terrain au risque de perdre Kyojiro. Autant même ne pas trop en faire la première fois. Le premier défi pour lui, ce serait de s’accepter lui-même tel qu’il était. Akio proposa d’un ton calme.

- L’heure a bien tourné, on a le temps pour quelques tests, mais après, il va falloir que je file ! En tout cas, merci pour ton aide, je te le revaudrais à l’occasion ! C’est promis !

Kyojiro fut surpris par le rire d’Akio et les mots qui suivirent. Ah bon ? Il ne pouvait pas ? Le kendoka fronça les sourcils en baissant les yeux, semblant réfléchir vraiment fort pour imaginer lui aussi la scène.

« C-C’est vrai que ça ferait un peu bizarre… C-Comme si je jouais un rôle au théâtre et que j’avais oublié mon texte… M-Merci de me l’avoir précisé, j-je crois que j’aurais été capable de commettre cette erreur sinon… J-Je n’aurais plus qu’à apprendre par cœur tous tes conseils pour essayer de ne pas faire n’importe quoi le moment venu. »

Kyojiro et le naturel, ça faisait clairement 2 ! Et prendre confiance en lui… C’était quelque chose qu’on lui avait souvent rabâché, mais qui avait encore du mal à faire son chemin chez lui. Après tout, il avait fallu qu’il décroche le titre de champion national de kendo pour enfin commencer à avoir un peu confiance en lui dans ce domaine ! Le Japonais afficha alors une petite moue en haussant les épaules.

« J-Je crois que je me suis un peu amélioré à ce sujet, j-je ne repousse pas les gens qui essaient de me parler, m-mais j’ai encore du mal à être à l’aise… J-Je n’ai pas beaucoup de centres d’intérêt et de sujets de conversation, c-c’est ça le plus difficile… P-Parce que ça n’intéresse pas grand-monde quand je parle de kendo ou de cuisine… M-Mais merci pour tes conseils, j-je vais continuer à travailler là-dessus pour prendre confiance. »

Kyojiro s’inclina beaucoup trop solennellement devant Akio qui continuait à lui prodiguer d’excellents conseils. Pour un novice comme lui, le nageur avait comme des airs de messie de l’amour et de la sociabilité !

« J-Je vois… J-Je crois que, d-de toute façon, j-je ne suis pas très doué pour jouer la comédie, a-alors ça doit être assez simple de voir mes défauts au premier coup d’œil. Pour mes qualités… Je crois que même moi j’ignore celles que je pourrais avoir… J-Je suis quelqu’un de sérieux, o-on me l’a toujours dit, m-mais c’est autant une qualité qu’un défaut parce qu’on me dit aussi souvent qu-que… Je suis coincé. »

Et c’était vrai ! Kyojiro baissa les yeux et se frotta la nuque, les joues rouges de honte, remerciant Akio du plus profond de son cœur d’avoir ramené la discussion sur ce pourquoi ils s’étaient retrouvés ici aujourd’hui : la cuisine ! Le kendoka secoua doucement la tête et les mains aux remerciements du nageur, évitant soigneusement de croiser son regard.

« P-Pas la peine de me remercier ! C-Ca m’a vraiment fait plaisir de pouvoir t’aider ! J-Je suis sûr que ton ami va vraiment beaucoup apprécier cette attention de ta part et qu’il aimera tes dorayakis. E-Et puis… T-Tu me l’as déjà bien rendu avec tes précieux conseils, m-merci à toi aussi Kuroi-san. J-Je peux t’assurer que si tu as des défauts, m-moi je n’en ai vu aucun aujourd’hui. »

Wow ! C’était carrément bizarre comme compliment ça ! On aurait presque dit que Kyojiro était en train de draguer son camarade, alors que ce n’était pas du tout le cas ! Le kendoka avait cette grande qualité de pouvoir être franc en tout circonstance, mais son défaut qu’était la maladresse venait toujours lui mettre des bâtons dans les roues.

Quoi qu’il en soit, les deux étudiants purent donc faire quelques tests et Akio repartit finalement avec une belle boîte en plastique remplie à ras-bord de dorayakis. Kyojiro salua son camarade une nouvelle fois beaucoup trop poliment, avant de le regarder partir jusqu’à ce que sa silhouette disparaisse au détour d’un couloir. Désormais seul, le kendoka poussa un profond soupir et jeta un regard vers l’endroit où ils avaient cuisiné tous les deux. Bon, c’était décidé : après avoir fait un bon coup de ménage dans la salle du club pour effacer toute trace de leur présence en ces lieux un dimanche, Kyojiro allait retourner dans sa chambre et commencer à travailler sur sa confiance en lui et son naturel !