Qu'est-ce qui est le pire ? Comprendre les douloureuses paroles et critiques des autres ou bien ne pas les comprendre et devoir presque tout s'imaginer ? Je suis dans le second cas, et je confirme, cela est bien le pire. Je ne sais pas, ou du moins que partiellement, ce que raconte le petit groupe qui se trouve quelques mètres plus loin . Mais leurs regards moqueurs en ma direction et leurs ricanements ne trompent pas. J'étais pourtant venu me réfugier dans ce coin isolé de la cour pour recopier au propre un devoir tout en profitant du beau temps. Mais où que j'aille , ils semblaient toujours me trouver. En un sens , c'était presque flatteur de me dire que j'étais leur punching-ball préféré.

Cela peut sonner paranoïaque, mais je suis ainsi. L'anxiété et le doute sont mes plus grands alliés devant l'inconnu. Je tente constamment de déchiffrer ce qu'ils se disent , de lire sur leur visage  , et je ne peux m'empêcher d'inventer des dialogues sans doute cent fois pire que ceux qui sont prononcés. Et ce n'est pas qu'avec eux , pour qui c'est légitime. Dès qu'un membre de ma promo ne m'adresse ne serait-ce que le moindre regard , je me juge au travers de ses yeux. J'ai conscience de ma silhouette et de mes gestes maladroits , de mon mètre quatre-vingt-huit et de mon bégaiement . C'est plutôt fatiguant à la longue, raison de plus pour me couper du monde et me concentrer sur des choses bien plus importantes que le fait de sociabiliser. Cela ne fait que peu de temps que je suis dans cet établissement, et pourtant mes vieilles habitudes sont déjà revenues.

Visage renfermé. Tête basse , comme si ça pouvait me rendre moins voyant . Démarche rapide mais la plus discrète possible , similaire à celle d'un chat. Casque vissé sur les oreilles. Voilà comment on me voit constamment en dehors des cours, que ce soit dans les couloirs, à l'extérieur, sur le campus . C'est aussi de cette manière que je m'apprête à fuir , afin d'échapper à cette situation gênante. Je range mes affaires avec une hâte inhabituelle et me lève , esquissant quelques pas en direction de la bibliothèque .  Derrière moi un "Hey , Becker ! "  sonore retentit. J'aurais pu faire mine que le son avait été noyé par la musique qui s'échappait de mon casque et accélérer le pas ... si je n'avais pas tressailli par réflexe , marquant un temps d'arrêt. Merde. La confrontation était désormais inévitable.

- T'étais bien en train de boucler le compte rendu critique sur la Symphonie 6 de Tchaïkov' pour demain ? m'interpelle le vraisemblable leader de la bande , Naoto. Il était tout ce que je ne serais jamais : d'une beauté insolente , avenant , populaire , belliqueux , et utilisait ses talents certains pour la guitare à des fins " romantiques ".

- Euh je - oui , c'est bien ça. je réponds simplement , prêt à reprendre mon chemin le plus vite possible.

- Hey attends , pas si vite ! Tu veux bien me laisser pomper ? J'étais occupé , j'ai pas pu bosser.

Derrière lui , ses acolytes rigolent. On se demande bien à quoi il était occupé. Pour être entré ici , il doit certainement avoir de grandes capacités de travail , quand il le veut. Ses prises de paroles en classe m'avaient plusieurs fois intéressé de par leur pertinence . Il ne s'agissait là que de pure fainéantise et cela ne m'enchantait guère de lui donner mon travail , d'autant plus que la perspective que la tentative de tricherie ne soit démasquée par le professeur m'angoissait déjà.

- Je .. un nœud d'angoisse me serrait déjà la gorge. Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée , c'est un devoir assez personnel et -

- Tu parles trop. il rétorqua , agacé . Passe-moi tes notes et on en parle plus. Faut bien s'entraider , entre musicos , tu veux pas rendre service ? Malgré sa voix doucereuse , le sous-ton "menaçant" était perceptible , en particulier lorsqu'il esquissa un pas vers moi , me coinçant dans le coin.

Rendre service aux gens , c'était vraiment ma corde sensible. Je recule par réflexe , me maudissant intérieurement de ma stupidité et de ma timidité maladive. Je renvoyais l'image d'un lapereau acculé par trois loups . J'aimerais être capable de leur dire d'aller se faire foutre s'ils comptaient simplement copier ce que j'avais mis des heures à faire alors qu'ils se foutaient de ma gueule depuis la rentrée.

- Bah alors , t'as donné ta langue au chat ? me questionne Daisuke. Je te sens fébrile.

- Allez sois gentil , donne. conclut Naoto d'un ton impérieux alors que je plonge la main dans mon sac  , le visage brûlant de honte et de colère refoulée.

- C'est bien. rigole Takeshi , s'adressant à moi sur le même ton qu'à son chien.

« Sérieux ?! Maintenant ?! … Bon bah j’suppose que l’univers m’envoie un signe pour faire une pause… »

Ariana soupira profondément en regardant la mine de son crayon de papier, d’une taille déjà beaucoup trop réduite, gésir au milieu de sa planche. Impossible de le tailler davantage et espérer pouvoir le tenir encore entre ses doigts ! Et si l’Islandaise aurait tout simplement pu demander un crayon à quelqu’un d’autre, quand son dos et son cou craquèrent lorsqu’elle s’étira sur sa chaise, elle se dit qu’il était vraiment l’heure d’arrêter. Jetant un coup d’œil rapide à son portable, Ariana se rendit compte qu’elle dessinait depuis près de deux heures. Son regard azur dévia ensuite sur les planches étalées devant elle, un sourire satisfait étirant alors ses lèvres. Bon, elle n’avait pas encore fini ses premières esquisses, mais ça se présentait plutôt bien ! Si elle continuait comme ça, elle pourrait bientôt présenter son œuvre à une maison d’éditions ! Car oui, même si les années passaient, Ariana n’avait pas oublié son rêve de devenir, un jour, une grande mangaka !

Quoi qu’il en soit, puisque l’univers avait décrété qu’il était l’heure de s’arrêter pour aujourd’hui, Ariana rassembla ses affaires, rangeant avec le plus grand soin ses planches dans une chemise qu’elle glissa en dernier dans son sac de cours. Elle s’étira une dernière fois sur sa chaise, puis elle se leva et quitta finalement la salle d’études. Elle aurait pu se rendre au club d’arts pour dessiner, mais Ariana s’était dit que c’était une mauvaise idée : ils parlaient trop là-bas, contrairement à la salle d’études, et, surtout, elle ne voulait pas que des curieux posent leurs yeux sur ses précieuses planches alors qu’elle n’avait pas encore terminé ! Il suffisait d’une seule personne malintentionnée et c’était tout son travail qu’on pourrait copier et déposer en maison d’éditions avant elle !

Jetant son sac de cours sur son épaule, Ariana passa sa main sur sa nuque et décida de relâcher ses longs cheveux blonds qui tombèrent en cascade sur ses épaules pour encadrer son beau visage, quoi qu’un peu marqué par la fatigue. Une main fouillant dans la poche de son jean pour en sortir un chewing-gum qu’elle jeta dans sa bouche, son autre occupée à tenir son téléphone, Ariana traversa le campus pour prendre le chemin de la sortie et rentrer chez elle. Mais c’était sans compter la scène qui se déroula dans un coin de son champ de vision. Fronçant les sourcils, intriguée, l’Islandaise ralentit et tourna la tête sur le côté. Quatre garçons se trouvaient non loin, et il n’y avait pas besoin d’avoir fait de grandes études pour comprendre quelle était la situation en voyant le visage et la silhouette toute repliée de l’un d’entre eux : on était en train de lui racketter un truc, c’était certain !

Fronçant davantage les sourcils, Ariana n’hésita pas une seconde de plus et marcha d’un pas décidé vers le groupe d’étudiants, affichant un air presque blasé.

« Hey les trouducs ! Ça vous amuse de vous la jouer à 3 contre 1 ? J’ai jamais vu pires mauviettes de toute ma vie ! »

Les trois garçons affichèrent aussitôt un air à la fois surpris et outré de se faire traiter de la sorte par une fille, mais ils restèrent silencieux quelques secondes, avant que leur « chef » ne baragouine un truc du genre que ce n’était pas ses affaires et qu’elle avait plutôt intérêt à partir. Ariana leur lança un nouveau regard blasé, leur faisant comprendre qu’elle n’était pas du tout effrayée à l’idée de devoir se frotter à eux, ce qui ne manqua pas de les déstabiliser encore plus.

« Alors ? Vous attaquez pas ? Ah, désolée, j’avais pas compris que vous étiez de ceux qui n’ont que de la gueule et rien entre les jambes ? Ouais, je l’aurais parié… »

Ariana leur offrit un sourire d’ange qui était sans doute bien plus effrayant que rassurant vu la situation. L’un d’entre eux commença à s’énerver et esquiva un mouvement dans la direction de l’étudiante pour la faire taire, mais la jeune femme avait été formée dès toute petite aux arts martiaux grâce à son père policier et elle n’eut aucun mal à bloquer son coup, puis à lui faire une prise qui l’envoya au sol, ayant profité de son élan pour donner plus de puissance à sa projection. Le chef eut un mouvement de recul, tandis qu’Ariana posait sa chaussure sur la tête de l’étudiant qui était au sol.

« Allez, cassez-vous, vous valez rien. Même pas foutus de se battre à trois contre une nana, vous me faites pitié. »

Le deuxième garçon tenta lui aussi une approche, mais Ariana le para avec autant de brio que le premier, poussant l’étudiant sur l’autre qui se relevait. Voyant qu’ils n’avaient aucune chance, les trois partirent alors la queue entre les jambes, honteux de s’être fait rétamer par une fille qui ne se priva pas de se moquer d’eux en les entendant pester au loin contre elle. Ariana leur fit même un grand signe de la main en leur adressant son plus beau sourire. Puis, une fois les gêneurs partis, elle se retourna vers la victime, la fixant avec un air réprobateur, les sourcils froncés.

« Et toi alors ? Ça sert à quoi d’être une grande asperge comme ça si t’es pas foutu de les envoyer chier ou de te défendre ? »

Ariana soupira profondément et se frotta la nuque. Il était beaucoup trop grand, comme son petit-frère. C’était quoi ici, une académie de géants ? C’était un prérequis ?

« Bref… Tout va bien ? Ils t’ont rien fait ? Et ils te voulaient quoi d’ailleurs ? »

Après tout, elle venait de lui sauver la mise, il pouvait bien lui expliquer de quoi il en retournait !

Il y a décidément des humains qui ne comprennent rien à la vie ! Regardez-moi ce géant qui n’est même pas capable de se défendre alors que d’autres semblent s’en prendre à lui ! Il n’a jamais entendu parler de la loi du plus fort ? C’est pourtant simple, non ? Manger ou être mangé ! Et lui, il se laisse dévorer tout cru sans même essayer de répliquer ! Ça ne va pas du tout ! Heureusement que je suis un chat grand seigneur, je ne peux décemment pas laisser ce pauvre humain sans lui expliquer comment fonctionne la vie ! Je vais lui montrer l’exemple ! Il n’aura plus qu’à m’imiter et plus aucun autre humain ne l’embêtera !

Ni une, ni deux, je file donc dans mon spot préféré du campus en quête d’une proie. Il ne me faut pas bien longtemps pour en trouver une non loin, qui semble occupée à grignoter un bout de quelque chose qu’un humain a dû faire tomber. Rampant sur le sol tel le parfait ninchat que je suis, j’attends le bon moment et fonds sur ma proie, ne lui laissant aucune chance d’en réchapper. Satisfait, je me saisis de la petite souris dans ma gueule et repars en trottinant fièrement jusqu’à l’humain sans défense, mais je me rends alors compte qu’un autre humain a décidé d’intervenir avant moi. Bon, bah… J’en fais quoi de ma souris moi, maintenant ? Tant pis, je l’avais chassée pour le géant, je la lui donnerai ! Ça lui fera une leçon supplémentaire !

Je m’approche donc des deux humains en pleine discussion, lâche un miaulement pour m’annoncer, puis je me frotte à leurs jambes avant de déposer ma proie sur la chaussure de l’humain le plus grand, ronronnant tout en lui lançant un regard super fier. Voilà humain ! C’est comme ça qu’il faut faire pour se faire respecter ! Tu n’as plus qu’à faire pareil maintenant !

Au moment même où Takeshi allait s'emparer de mes notes de travail , nous sommes interrompus par l'arrivée retentissante d'une grande blonde qui apparaît à mes yeux comme un véritable Deus ex machina. Son franc-parler me sidéra , sans même considérer le fait qu'elle s'attirait ainsi les foudres de trois jeunes hommes . Et son intervention eut visiblement le même effet sur eux que sur moi , à la façon dont leurs sourcils se haussèrent et leurs yeux s'écarquillèrent . Ils restèrent quelques instants figés dans un silence déconcertés avant que Naoto ne reprenne ses esprits et rétorque. Enfin , rétorque , c'est vite dit. Il marmonna plutôt qu'il ne rétorqua que ça ne la regardait pas. A sa place , ça m'aurait suffit à partir , mais elle ne se démonta pas , et enchaîna , entre regards , sourires et répliques provocants.

C'est alors que la situation me frappa réellement : elle était en train de me défendre , de prendre ma part. Une vague de honte et de soulagement me balaya le corps tout entier. On était obligé de me défendre pour un truc aussi pathétique , comme si j'avais 5 ans. Et une fille était obligée de me défendre , de surcroît . Si je m'étais ouvert à Kaori au fil de nos discussions , il y avait toujours , dans mes rapports avec le sexe opposé , une nervosité persistante et indéniable. Je regardais la scène se dérouler sous mes yeux comme je l'aurais fait devant un écran de cinéma , incapable de bouger , dans une sorte d'expérience de hors-corps .

Même lorsque que Takeshi tenta de s'en prendre à elle et qu'elle le plaqua au sol sans trop de difficulté. Même lorsqu'elle repoussa Daisuke avec la même aisance. J'avais beau me fustiger mentalement de réagir , que ce soit en l'aidant , en m'interposant , même en parlant , je restais bêtement planté là à regarder la scène qui me parut à la fois infinie et fugitive. Sans que je n'ai pu rien faire , il s'éloignaient en maudissant dans leur barbe la jeune fille qui les narguait. Elle se retourna ensuite vers moi , les sourcils froncés. Mon silence devait paraître involontairement malpoli. Retrouvant enfin l'usage de la parole , je commençais :

- M..

Mais je n'eus pas le temps de poursuivre , puisqu'elle semblait déjà partie sur sa lancée .

« Et toi alors ? Ça sert à quoi d’être une grande asperge comme ça si t’es pas foutu de les envoyer chier ou de te défendre ? »

- Désolé. je balbutiais , ayant conscience que ma réponse docile risquait de l'agacer davantage plus qu'autre chose. Je me le demande aussi. ajoutais-je plus bas , le regard vissé sur mes baskets.

« Bref… Tout va bien ? Ils t’ont rien fait ? Et ils te voulaient quoi d’ailleurs ? »


- Tout va bien grâce à toi , merci. Ils n'ont pas eu le temps de faire grand chose. Ils voulaient juste piquer mes notes pour un devoir assez important et personnel. Je les aurais bien aidés sinon... Je lui explique , trifouillant les manches de mon sweatshirt.

Un miaulement m'informe de l'arrivée de Salem , que je n'vais pas pu approcher. Il tient entre ses crocs une souris qu'il vient fièrement lâcher à mes pieds après s'être frottés affectueusement à nos jambes. A le voir traîner oisivement à la bibliothèque , je ne l'aurais pas imaginé en redoutable prédateur. Je grimace à la vue du cadavre et recule instinctivement . Est-ce possible de passer pour plus froussard encore ? Je me baisse pour flatter le dos du chat , toujours interloqué par son action.

- Merci du cadeau , je suppose...

Je me relève pour m'adresser de nouveau à ... mince , c'est quoi son prénom ? Je n'ose pas le lui demander.

- J'espère que tu ne vas pas avoir d'ennuis à cause de moi. Enfin , ça m'étonnerait qu'ils aillent balancer qu'ils se sont pris une raclée par une fille... Je m'arrête , me rendant compte qu'une fois de plus , je venais de faire une boulette. Pas que les filles soient moins capables que les garçons ou quoi , la preuve  , c'est plutôt moi la mauviette ici haha... Je ris jaune , ma gêne évidente . Je me déteste . J'ai envie de me gifler , de disparaître , de mettre fin à toute interaction ; n'importe quoi . Mais je les connais , et c'est comme ça qu'eux raisonnent . Enfin bref ... C'est de ma faute , j'hésiterais pas à témoigner si le besoin se présente. Je reprends mon souffle après ce monologue embarrassant. Je parle trop , désolé. Je dois te déranger.  Qu'est-ce que je peux faire pour te remercier ?


Je détourne le regard , feignant d'être particulièrement intéressé par la fourrure du félin qui se tient entre nous .


Les aptitudes sociales c'était toujours pas ça.

Après avoir réussi à faire fuir ce trio d’emmerdeurs, Ariana se tourna donc vers la victime du jour qu’elle venait de défendre. Et avec cette délicatesse qui la caractérisait tant, plutôt que de simplement s’inquiéter de savoir si tout allait bien pour cette grande perche, l’Islandaise se mit à râler sur le fait que ça servait bien à quelque chose d’être aussi grand s’il n’était pas capable de se défendre ou de les envoyer balader. La réponse que lui fit l’inconnu lui permit aussitôt de comprendre à quel genre de personnes elle faisait face : quelqu’un qui avait beaucoup trop tendance à se faire marcher sur les pieds. Pourquoi il s’excusait et baissait les yeux comme ça ? Il cherchait la merde aussi, c’était typiquement le genre de comportements qui donnait des envies de persécution aux plus cons. Ariana avait l’impression de se retrouver face à son petit-frère lorsqu’il était encore tout gamin. Les chouinements en moins.

L’Islandaise lâcha donc un petit soupir en réponse à ses excuses, se massant la nuque d’une main avant de lui demander s’il allait bien. Elle fut soulagée d’apprendre qu’ils n’avaient pas eu le temps de lui faire grand-chose, mais elle ne put s’empêcher de faire claquer sa langue contre son palais d’agacement. « Il les aurait bien aidés » ? Il était complètement idiot ou quoi ?

« Tant mieux si j’suis arrivée à temps, mais t’es sérieusement en train d’me dire que t’aurais pu les aider avec ce devoir ? Non parce que bon, j’imagine que c’est pas la première fois qu’ils t’emmerdent, non ? Ils avaient l’air de plutôt bien savoir que t’étais une cible facile. Et tu viens de dire toi-même que c’est un devoir personnel. D’où t’aurais pu les aider si c’était personnel ? Ils ont qu’à se sortir les doigts du cul un peu, faut que t’arrêtes d’être aussi gentil, on va finir par te bouffer tout cru sinon. »

Oui, Ariana n’était pas vraiment réputée pour sa délicatesse, mais bien plus pour son franc-parler. Si elle avait quelque chose à dire, elle le disait, sans se préoccuper des conséquences. Bon, elle devait avouer que ça la mettrait quand même mal si la grande asperge se mettait soudainement à pleurer, mais ce n’était pas en le couvant et en le protégeant de tout qu’il pourrait s’en sortir et s’affirmer un peu ! Il fallait le secouer et lui faire ouvrir les yeux !

Mais avant que leur conversation ne puisse se poursuivre, Salem, la mascotte de l’Académie, fit son arrivée pour déposer un cadavre de souris juste devant la grande asperge. Il n’en fallut pas plus à Ariana pour exploser de rire pendant que l’étudiant caressait le félin.

« Sérieux ! Regarde, même Salem essaie de te montrer comment être un grand prédateur, merveilleux ! »

Ariana s’accroupit pour gratouiller la tête du chat, regardant son interlocuteur dans les yeux pendant qu’il essayait une nouvelle fois de prendre la parole. Pendant qu’elle l’écoutait, son sourire malicieux ne cessait de s’étirer, jusqu’à ce qu’elle pouffe à la fin de sa tirade.

« Ça m’étonnerait moi aussi qu’ils aillent me balancer à qui que ce soit, mais si jamais ça arrive, t’inquiètes pas, je sais parfaitement me défendre. Et puis, pas la peine de vouloir me remercier, j’ai fait ça surtout parce que leurs têtes me revenaient pas. Mais puisque t’en parles… C’est effectivement ta faute. »

Reprenant un air soudainement bien plus sérieux, Ariana tenta de capter le regard de l’étudiant.

« Sérieusement, tu vas pas me dire que t’apprécies ce genre de situations non ? Pourquoi tu te rebelles pas ? Plus tu vas les laisser te marcher dessus, plus ils continueront. Et j’suis pas payée pour jouer les super héroïnes, donc j’vais pas toujours être derrière tes fesses pour te défendre toi et tes notes. »

Ariana soupira doucement alors qu’elle regardait Salem s’éloigner. Elle hésita quelques secondes, avant qu’un nouveau sourire malicieux n’étire ses lèvres.

« J’ai changé d’avis, tu peux bien faire un truc pour me remercier. »

Son sourire ne fit que s’agrandir alors qu’elle se redressait, les mains posées sur ses hanches, son corps se penchant légèrement vers la grande asperge pour l’obliger à la regarder dans les yeux.

« Tu vas apprendre à te défendre ! Et à partir d’aujourd’hui, c’est moi ta prof ! Attention, je n’accepterai aucun refus ! »

Fronçant le nez, Ariana fit ensuite une courbette assez exagérée.

« Super Ariana pour te servir ! Et toi alors, c’est quoi ton nom ? À moins que tu préfères que je continue à t’appeler l’asperge ! »

Malheureusement, l'étudiant introverti ne sembla pas du tout prêt à accepter une telle proposition, tant et si bien qu'il prit la poudre d'escampette dès lors que l'Islandaise se redressa. Ariana ouvrit de grands yeux ronds devant cette disparition soudaine, cherchant la grande asperge du regard avant de soupirer profondément quand elle l'aperçut en train de disparaître au loin en courant. Bon eh bien... Tant pis ! À défaut de s'amuser à jouer les profs, elle aura tout de même passé un bon moment en remettant ces trois types à leur place !