Intriguée et curieuse, tu ne réalisais pas vraiment ce que tu faisais. Tu ne devais pas faire ça, ce n'était pas poli de toucher le visage de quelqu'un dont tu n'étais pas très proche, qui plus était sans lui demander son avis. Mais l'espace d'une seconde, la crainte d’enfreindre les règles s'était envolée, la curiosité avait été plus forte ! Tu découvrais ces traits masculins du bout de tes doigts, presque fascinée, mais Kuroi-kun t'arrêtait dans ton geste, capturant ta main pour t'empêcher de continuer. Cette fois encore, il ne te réprimandait pas, ne se fâchait pas. Tu ne faisais rien de mal après tout, tu étais juste intriguée. D'ailleurs, quand il demandait s'il avait quelque chose sur le visage, tu répondais simplement que « Non », il n'y avait rien. C'était juste une envie que tu n'avais pas su contrôler, toi qui n'avais jamais eu la possibilité de toucher le visage d'un homme. Tu étais d'ailleurs toujours curieuse, mais comme il tenait ta main, tu ne pouvais pas recommencer. Une sensation qui était agréable et presque nostalgique.

« Désolée de m'être trompée, je ferais attention la prochaine fois. »

Tu répondais ces mots lorsqu'il t'expliquait plus sérieusement que la Saint Valentin n'était pas à prendre à la légère, en particulier quand tu offrais ce genre de chocolat. Cette façon de t'excuser très simple et très polie était typique pour toi. Ce n'était ni la première ni la dernière fois après tout que tu faisais une erreur. Tu n'avais pas vraiment très envie de revenir sur le sujet des chocolats ou de la lettre, c'était quelque qui n'aurait pas dû arriver. Tu avais été piégée, et Kuroi-kun aussi par cette personne déplaisante qui s'était amusée à écrire de fausses lettres d'amour. Mais tu n'étais pas en colère, grâce à ce mauvais plaisantin tu avais la chance de connaitre un peu mieux Kuroi-kun ! Et ça c'était une super chose quand on y pensait ! D'ailleurs, il te disait connaître un salon de thé qui vendait également des gâteaux, en particulier certains que semblait beaucoup apprécier Kuroi-kun.

« Des Taiyakis ? Qu'est-ce que c'est ? Je n'en ai jamais mangé, non. J'aimerai bien goûter ! Et oui, je veux bien te parler de moi ! Je n'ai pas beaucoup d'activités entre les cours, j'étudie beaucoup mais quand je peux, je participe au club de cuisine ! J'aime jouer aussi à pokémon sur ma console, je suis très fan ! D'ailleurs j'ai ramené beaucoup de peluches de chez moi, ma chambre en est remplie ! Et puis j'aime les mathématiques, les puzzles, j'aime quand tout est logique et ordonné ! Oh, tu sais, Kuroi-kun, maman ne veux pas que j'en parle pour que les gens ne m'embête pas, mais mon médecin me dit de le faire, alors je n'en parle qu'aux gens que j'aime bien. Je suis autiste tu sais, autiste Asperger. Cela veux dire que j'ai du mal à comprendre les gens, à comprendre certaines choses et à me contrôler parfois. C'est pourquoi j'ai peur de faire des erreurs et que je panique souvent. Je suis bizarre mais je ne suis pas méchante, c'est promis ! »

Tu lui offrais un sourire, tu n'étais pas gênée de parler de ta condition ni attristée par cette dernière. C'était une normalité avec laquelle tu vivais, même si c'était souvent difficile. Tu n'avais guère le choix après tout ! Le taxi s'était arrêté devant le centre commercial, déjà ! Le monsieur ouvrait la porte et tu sortais sans attendre, attrapant la main de Kuroi-kun dès qu'il arrivait à tes côtés. Tu ne connaissais pas les lieux, tu n'étais pas venue suffisamment souvent pour pouvoir te repérer sans mal. Et puis, il y avait des gens, tu étais un peu là à l'improviste, sans avoir rien préparé. Cette grande main masculine, tu la tenais fermement de tes petits doigts, comme une ligne de vie qui t'était nécessaire. Maintenant que tu pouvais bénéficier de sa chaleur rassurante, tu n'avais pas envie de la lâcher.

« Je me sens rassurée quand je tiens ta main. Est-ce que cela te dérange si on continue, Kuroi-kun ? Je ne veux pas t'embêter ! »

Si toi tu n'étais pas gênée de le faire, tu ne voulais pas le gêner lui pour autant ! Marcher à ses côtés était probablement suffisant, mais maintenant que tu avais découvert la chaleur réconfortante de sa main, tu voulais en profiter un petit peu plus.

Bon elle lui affirma qu’elle ferait attention la prochaine fois et ça lui suffisait amplement. De toute façon, ce n’est pas comme s’il lui en voulait dans l’histoire. Même si Akio était loin de se douter en se levant ce matin de la journée qu’il allait avoir. La jeune femme enchaîna alors sur le fait qu’elle ne savait pas ce qu’était des Taiyaki. ‘Tu verras bien, de toute façon, on y sera bientôt.’ Se dit-il même si ça aurait été plus judicieux de lui dire. Mais comme elle parlait, le jeune homme ne voulait pas vraiment la couper.

Cuisine, jeux et très peu de choses en dehors des cours, du moins elle ne semblait pas habituée aux sorties. Elle aimait les maths aussi et tout ce qui avait un rapport avec les énigmes. Ils n’avaenit pas beaucoup de points en commun, mais ce n’était pas bien grave au fond. ‘Chacun aime ce qu’il veut après tout. Je ne suis pas là pour juger de ses goûts.’

Elle engagea un autre sujet, quelque chose qui semblait vraiment important pour elle. Le jeune homme afficha donc un air plus sérieux pour lui montrer qu’il ne prendrait pas ce qu’elle dirait à la légère. Elle souffrait donc d’un autisme… Ca Akio ne l’avait pas vu venir. ‘Elle dit ça avec tellement de naturel. Je ne vois pas une grande différence avec une jeune femme sans autisme en fait. Elle est tout simplement normale à mes yeux. Sauf que ce n’est pas quelque chose à prendre à la légère, vraiment pas. Si je me souviens bien des cours, il y a plusieurs formes d’autisme… Je n’ai pas vu ça en détail encore… Mais ça n’empêche pas des gens touché par ce trait, de vivre une vie normale.’

- Tu fais bien de ne pas le dire à tout au monde Shishido-San, mais ça ne change en rien ce que je pense de toi. Je ne t’ai ni trouvé bizarre, ni méchante. Et tu feras sûrement des erreurs, mais ce n’est pas un mal, tu sais, il faut faire des erreurs, c’est comme ça qu’on apprend parfois. On va manger des Taiyaki et faire un tour… Je sais ! Si jamais, tu as le moindre doute sur ce que tu dois faire avec moi, n’hésite pas à me demander. Je te dirai si c’est une bonne idée ou non ? Ça te va ?

Il lui sourit de façon rassurante, au fond, autisme ou non, elle lui semblait toujours aussi normale. Que ce soit dans sa façon de s’exprimer ou d’être. Quoi qu’un peu passionné, mais on pouvait trouver bien pire. Le taxi s’arrêta et Akio descendit avec Mayumi, cette dernière ne perdit d’ailleurs pas une seconde pour reprendre sa main. Le jeune homme rougit doucement sur le coup. Elle avait la peau tellement douce, ce genre de contact, il n’en avait pas eu depuis longtemps. ‘Si ça lui fait du bien, je peux pas lui interdire. Sauf que les gens vont nous croire ensemble… Qu’est-ce que je dois faire ? Non attends, je m’en moque des autres en faire, c’est son bien-être qui doit passer avant le reste. Puis, ce n’est pas comme si ça me posait réellement un souci.'

- Non pas du tout, tu peux me prendre la main Shishido-San. Autant que tu en aura besoin même ! On y va ?

Il lui sourit et prit les devants en l’attirant doucement avec lui par la main. C’était peut-être même mieux ainsi, au moins, ils ne pouvaient pas être séparés. Le salon de thé fut rapide à atteindre et Akio invita la jeune femme à s’installer.

- Je vais chercher rapidement ce qu’il faut au comptoir et je suis là. Tu veux boire quoi ? Je me charge de te choisir le goût du Taiyaki… Mais si tu n’aimes pas, on changera hein !

Une fois qu’il était au courant de ce qu’elle voulait boire. Akio se rendit au comptoir pour prendre un Taiyaki basique tandis que celui de Mayumi était simplement fourré au chocolat. La pâte de haricot rouge n’était pas forcement au goût de tout le monde. Alors que le chocolat pouvait mieux passer. L’étudiant revint auprès d’elle avec un plateau pour disposer le tout sur la table et s’asseoir en face d’elle. Il proposa.

- Dis-moi, je t’ai posé des questions tout à l’heure. Tu veux peut-être que je réponde aux tiennes non ? Si tu en as bien sûr ? Chacun son tour après tout, j'en aurais surement d'autre ensuite.

Dit-il alors qu’il prenait une première bouchée du gâteau en forme de poisson. Un thé vert en accompagnement qui infusé doucement.

Quand Kuroi-kun te disait qu'il ne te trouvait ni bizarre ni méchante, tu te sentais rassurée et à la fois embêtée. Tu étais la première à savoir que tu avais des problèmes, mais il ne devait sans doute pas encore se rendre compte à quel point tu pouvais devenir ingérable ! Est-ce que lui aussi finirait par te regarder de travers si tu faisais une crise ? Cela t'inquiétais, et ce n'était pas une question à laquelle tu voulais vraiment une réponse dans l'immédiat. C'était plus agréable de profiter de l'instant présent, sans trop te prendre la tête ! Et puis, en te tenant la main, Kuroi-kun te facilitait la vie à un point qu'il ne devait probablement pas imaginer. Un peu comme s'il retirait une lourde charge de tes épaules. L'orientation, la peur de l'inconnu, les lieux non familiers... Plus rien ne te faisait peur !

« D'accord, Kuroi-kun. Si j'ai la moindre question, je te demanderais avant, c'est promis. »

Tes doigts se resserraient sur les siens, alors qu'il t'emmenait vers un salon de thé dont tu ignorais pleinement l'existence. Mais la chaleur de sa main était réconfortante, pas question de la lâcher ! Le jeune homme avait en tête de te faire goûter une spécialité de chez lui, et tu ne protestais pas le moins du monde quand il déclarait choisir la saveur pour toi. Un « Oui », un hochement de tête de ta part, le confortait dans sa décision. Tu ignorais tout de ce biscuit enrobé, n'était-il donc pas approprié que ce soit Akio qui choisisse ? Tu demandais un jus de fruit goût pamplemousse en accompagnement, posant sagement tes fesses sur une chaise en scrutant les lieux du regard. Plus vite tu mémorisais l'endroit, prenait tes repères, plus vite tu pourrais revenir ! Kuroi-kun revenait à toi avec un plateau bien garni et tu avais l'occasion de goûter une sorte de gaufre enrobée de chocolat. Cela te rappelait un peu les gâteaux fourrés que tu préparais avec ta maman pendant les matsuris.

Vous étiez tous les deux attablés et Kuroi-kun te proposait de parler de lui, désirant peut être satisfaire ton insatiable curiosité. Malheureusement pour lui, ce qu'il espérait être une discussion entre vous devint plutôt un long monologue à sens unique. Tu lui posais des questions sans même attendre les réponses, passant plus de temps à parler de toi et de tes passions qu'autre chose. Est-ce qu'il aimait cuisiner ? Toi oui ! Est-ce qu'il aimait Pokémon ? Toi oui ! Qu'est-ce qu'il aimait faire à l'Académie ? Toi tu adorais regarder les étudiants arpenter les couloirs d'un air pressé mais ordonné. Est-ce qu'il regardait la télévision ? Toi oui, tu adorais les dramas Coréens, mais aussi les films d'action américains ! Est-ce qu'il aimait lire ? Toi tu lisais beaucoup de mangas, de romans d'amour ou d'aventures ! Tu ne lui laissais pratiquement pas la parole, trop contente de pouvoir parler avec quelqu'un, un sourire infini ancré sur tes lèvres. Ton enthousiasme ne semblait jamais s'atténuer, sauf peut être quand tu te rendais compte qu'à force de le submerger de paroles, tu te rapprochais inéluctablement du couvre-feu de l'académie.

« Kuroi-kun, je suis désolée mais je dois rentrer, le pensionnat de l'Académie est très strict ! Mais on peux continuer à discuter par téléphone ! Attends, je te donne mon numéro ! » Que tu griffonnais à la hâte sur une page arrachée de ton petit bloc-note rose. « N'hésite pas à me contacter quand tu veux, je te répondrais vite ! On se revoit à l'Académie ! Merci encore, Kuroi-kun ! »

Une courbette polie et tu l'abandonnais presque sur place, filant vers ton taxi qui t'attendait sûrement déjà dehors. Tu étais partie presque comme une petite voleuse qui laissait le loisir à son bienfaiteur de régler l'addition. Tu n'y avais pas réfléchis, tu étais bien trop obnubilée par la peur d’enfreindre les règles de l'Académie. Ce n'était qu'une fois dans le confort de ta chambre que tu réalisais que tu avais été très impolie de partir ainsi, sans aider Akio à payer la note. Heureusement tu avais l'occasion de t'excuser par téléphone, dès le moment où il fit l'erreur de te joindre. Il ne se doutait probablement pas que sa messagerie serait très vite remplie de tes innombrables sms colorés, toi qui passais littéralement ta vie sur ton appareil fétiche. Même par sms, tu étais terriblement envahissante. Sans doute finirais-tu par l'épuiser, comme tu finissais inévitablement par épuiser tout le monde.


[A suivre dans le prochain épisode~]