L'hiver approchait et bien qu'Ayame ne s'y rendait pas souvent, elle aimait bien aller dans un onsen lors des changements de saison. C'était un peu pour elle une façon de se préparer pour la saison arrivant, une sorte de rituel personnel. Si elle appréciait pouvoir se détendre dans l'eau chaude, elle était quand même hésitante de s'y rendre, surtout à cause des nombreuses personnes qu'il y avait généralement, surtout les plus gros en pleine montagne. Si la nudité n'était pas mal vue dans ce lieu et que la majorité des gens ne portait pas attention au corps des autres, elle avait bien conscience que son apparence pouvait attirer les regards, d'autant plus les quelques marques sur sa cuisse que si elle ne les voyait pas, elle se doutait que les autres pouvaient les voir...

Depuis quelques saisons, elle avait fini par trouver un onsen plus près de chez elle et surtout, moins convoité. Il était encore très proche de la bordure de la ville de Nara et il n'y avait pas cette vue de montagne souvent prisée par les gens pour la détente. Dans le cas d'Ayame, la vue, elle ne s'en préoccupait pas tellement non plus... Les propriétaires étaient vraiment très gentils et aux petits soins, les serviettes de l'endroit étaient d'une douceur extrême et en prime, il n'y avait jamais personne lorsqu'elle s'y rendait. Ayame se demandait même comment les propriétaires faisaient pour survivre. Elle avait fini par apprendre que l'endroit était attenant à un centre de soin avec esthétique, massage et autre service du même genre, ce qui faisait que si bien des gens venaient pour ces services, il n'en était pas de la même façon pour leur section onsen. Cela n'était pas du tout pour en déplaire à Ayame qui s'y rend donc en cette journée un peu nuageuse.

Comme à l'habitude, elle se dévête dans la première partie, laissant dans un casier ses effets personnels et enveloppés d'une serviette, elle se dirigea dans la seconde partie, juste avant le grand bain chaud. Il était important de se laver avant de se prélasser dans l'eau, afin d'enlever toutes les impuretés qu'il y avait sur le corps et de garder une eau propre. Surtout que c'était souvent une eau de source chaude naturelle, qui n'était pas reliée avec l'aqueduc courant. C'était une question de respect autant pour soi, pour l'eau et pour les autres. Assise sur un petit banc, Ayame avait ramené ses cheveux en une sorte de toque qui enveloppait sa tête d'un halo blanc. Nue, elle passait sur son corps une éponge savonneuse, d'une main qui a l'habitude de faire ces gestes sans regarder. Elle achevait la partie savonnage pour prendre un seau qui s'était rempli d'eau afin de le verser sur elle-même pour enlever le savon lorsqu'un bruit lui fit tourner la tête. Ses yeux ne percevaient pas ce qui se passait, mais elle avait cru qu'un mouvement s'était produit. Une personne arrivait?

— Il... il y a quelqu'un?

Normalement, les propriétaires ne venaient pas lorsqu'il y avait quelqu'un ici, pour leur laisser profiter du temps de détente. La nervosité s'emparait de l'albinos.

Pour une fois, Amelia avait décidé de se faire plaisir. Il fallait dire que malgré ses deux emplois, l’Australienne avait parfois du mal à joindre les deux bouts à chaque fin de mois, après avoir payé son loyer et ses courses. Elle ne faisait donc qu’assez rarement des dépenses, ce qui faisait que ces petits moments où elle s’accordait du bon temps ou se faisait des cadeaux la mettaient vraiment en joie ! Et si le mois dernier elle avait craqué pour un tout nouveau jeu vidéo, en ce froid mois de décembre, Amelia avait décidé de prendre soin d’elle et d’aller se prélasser dans un onsen.

S’habillant chaudement en enroulant une grosse écharpe en laine autour de son cou, celle-ci cachant d’ailleurs une bonne partie de son visage, l’Australienne quitta son appartement avec un sourire aux lèvres en chantonnant, ses écouteurs vissés dans les oreilles. Plutôt que de prendre les transports en commun pour se rendre sur place, Amelia préféra marcher. D’une, ça lui permettait de profiter d’un bon bol d’air frais et de deux… Ca lui évitait de dépenser de l’argent inutilement ! L’hôtesse n’était pas radine, loin de là, mais si elle pouvait éviter de dépenser, elle le faisait ! Et puis, si ça impliquait juste de faire de la marche… Ce n’était vraiment pas dérangeant ! Il fallait bien qu’elle garde la ligne si elle voulait continuer à avoir autant de succès au bar où elle travaillait !

Quoi qu’il en soit, après une bonne heure et demie de marche, Amelia arriva à destination. Elle connaissait cet établissement pour y être déjà venue une fois avec des collègues. Elle avait trouvé l’endroit vraiment très agréable et surtout, le prix d’entrée était bien plus abordable que certains grands onsens qui offraient une vue imprenable sur la montagne. Tant pis pour la vue, aujourd’hui, Amelia voulait surtout se détendre. Et elle pourrait toujours essayer de grapiller une entrée dans un onsen plus réputé avec l’un de ses clients !

Une fois à l’intérieur, l’Australienne fut un peu surprise de voir qu’il n’y avait apparemment pas grand-monde, mais au final, ce n’était pas plus mal. Amelia n’était pas pudique pour un sou, elle était très à l’aise avec son corps, mais cette solitude lui permettrait de profiter d’un moment de sérénité et de calme, pour se retrouver et se ressourcer. Elle se dévêtit donc et enroula une serviette autour de sa taille, après avoir remonté sa longue crinière rousse au sommet de sa tête en un gros chignon assez désordonné. Laissant ses affaires dans un casier, Amelia passa à la partie suivante pour se laver et enfin aller se prélasser dans l’eau chaude.

Continuant de chantonner, un sourire aux lèvres, l’Australienne manqua de glisser en sursautant légèrement quand elle entendit une voix s’élever non loin d’elle. Surprise, la mécanicienne tourna son regard azur vers l’inconnue qui venait de lui parler. Enfin… Elle avait supposé que c’était à elle que s’adressait cette question, après avoir regardé tout autour pour s’assurer qu’elle ne parlait pas à quelqu’un d’autre.

« Ah, oui, bonjour ! J’étais en train de me demander si je n’allais pas avoir l’onsen pour moi toute seule, mais on dirait qu’on va devoir partager ! »

Amelia lui offrit un grand sourire et s’installa à son tour sur un petit banc après avoir retiré sa serviette. L’Australienne commença aussitôt à se laver, sans vraiment prendre le temps de regarder la jeune femme non loin d’elle. Ce n’était pas très poli de fixer les gens, et ça l’était encore moins dans ce genre d’endroits et avec aussi peu de vêtements sur soi !

« Vous venez souvent ici ? C’est la deuxième fois pour moi, la première fois, j’étais venue avec des collègues qui m’avaient recommandé l’endroit. Ça ne paie pas de mine, mais au moins, on est sûr d’être tranquille, c’est chouette ! »

Amelia fit d’ailleurs une petite moue à la fin de sa phrase. Être tranquille… C’était peut-être ce que voulait cette inconnue ! Et elle, en bonne fille trop sociale qu’elle était, elle s’amusait à lui taper la discute…

« Ah, enfin… J’imagine que vous n’êtes pas venue là pour faire la causette ! Ne vous inquiétez pas ! Si vous voulez profiter du calme, je me fondrai dans le décor tel un ninja, vous ne me remarquerez même pas ! »

Amelia lui lança un petit sourire, ne pouvant alors pas s’empêcher de buguer un peu en remarquant cette tignasse blanche qu’elle avait au-dessus de la tête. Elle ouvrit la bouche, mais se ravisa avant de commencer à parler, préférant se rincer afin de pouvoir entrer dans le bain. Elle ne voulait surtout pas déranger cette inconnue si celle-ci préférait profiter de l’endroit en étant au calme !

Ayame était donc nue, couverte de savon et prête à se rincer lorsqu'elle entendit du bruit. S'informant de qui était présent, elle sentit la surprise dans la voix d'une femme. Se tournant vers la voie, elle vit une sorte de chevelure rousse. Soit une personne qui se teint les cheveux, soit une étrangère... ou les deux! La personne avait l'air assez à l'aise dans l'endroit, donc ce ne devait pas être une touriste de passage au Japon qui essaie un onsen pour le plaisir. Ayame fut rassuré dans le sens qu'il y avait donc peu de chance qu'elle soit irrespectueuse dans ce cas. À son commentaire, elle lui fit un sourire.

— Je crois bien que le onsen est assez grand pour nous deux.

Elle versa finalement le seau d'eau sur elle. Les coulisses de savon glissèrent de sa peau pour se diriger vers le pied du mur où l'angle du sol évacuait l'eau savonneuse vers un autre endroit. La suite de la conversation de l'inconnu surprit un peu Ayame qui répondit tout de même.

— Quelques fois par année, je cherchais un endroit proche de chez moi et comme la vue n'était pas un attrait important dans mon cas...

Ayame éclata presque de rire lorsque la femme à la chevelure de feu lui dit qu'elle ne la remarquerait pas.

— En vérité, je ne vous vois déjà pas tellement, je sais que vos cheveux sont roux ou rouge et que vous avez une peau claire, mais je ne pourrais même pas dire si vous avez un nez ou non.

En plus, Ayame avait laissé ses lunettes dans son casier, n'ayant pas pris de lentilles cornéennes pour laisser ses yeux se reposer. Mieux valait expliquer tout de suite la situation avant que cela ne deviennent trop évident et cré un malaise chez l'inconnu.

— Je suis albinos et cela affecte également ma vision. Je vous ai entendu arrivée sans vous voir et donc c'est pour ça que j'ai parlé...

Heureusement, elle arrivait tout de même à se débrouiller seule dans ce lieu, surtout y étant venue à quelques reprises et en demandant aux propriétaires si rien n'avait bougé dans les lieux. Ça serait dommage de venir ici pour se détendre et au final, partir, car on a fait une mauvaise chute. Prenant sa serviette qui était sur un rebord sec du mur, elle l'enroula sur ses cheveux déjà en chignon sur sa tête. Elle avait des mouvements précis et en tournant sur le tabouret, elle se retrouva face au onsen. Quelques pas, d'un rythme égal, elle s'appuya sur le rebord avant de glisser une jambe, puis l'autre, dans l'eau. Elle espérait tout de même que dans l'angle, ses cicatrices n'étaient pas trop visibles. La chaleur lui fit un très grand bien. Un léger sourire orna alors ses lèvres, satisfaites de la chaleur.

— Je crois que vous ne serez pas déçue, la température est excellente!

Après tout, tant qu'à ne pas être seule, aussi bien continuer la conversation, non?

Amelia ne put retenir un léger soupir de soulagement quand l’autre femme présente dans l’onsen lui lança que les lieux étaient suffisamment grands pour elles deux. Ouf ! Ça aurait quand même été super dommage d’être ici avec quelqu’un sans pouvoir s’adresser la parole et en restant le plus éloignées possible afin de profiter d’un semblant de solitude ! Un grand sourire vint donc étirer les lèvres de l’Australienne qui put s’avancer vers la jeune femme pour se laver elle aussi avant d’entrer dans les bains.

La conversation se poursuivit donc, les mots de l’inconnu finissant par surprendre Amelia qui tourna un regard interrogateur vers sa voisine pendant qu’elle se savonnait. Oh… Alors elle était albinos, ça expliquait cette couleur de cheveux… L’Australienne ne put s’empêcher de se sentir un peu désolée pour elle, mais, se doutant que la pitié n’était pas une chose que l’inconnue devait apprécier recevoir, elle opta pour une toute autre approche en pouffant doucement.

« Si je peux vous rassurer, je n’ai rien de Voldemort, je possède bel et bien un nez ! »

Continuant à se savonner, Amelia hésita un peu. Est-ce qu’elle pouvait continuer à parler de ça sans paraître trop désagréable ?

« C’est donc pour ça que vous avez cette jolie chevelure aussi particulière ! Je m’interrogeais justement dessus parce que mon petit-ami a lui aussi les cheveux blancs naturellement, mais sans être albinos lui… Oh et il ne s’agit pas non plus d’un vieillard, histoire d’éviter toute confusion ! »

Amelia pouffa un peu, espérant qu’elle n’avait pas trop alourdi l’ambiance à parler du handicap de cette inconnue. Mais ce n’était pas de sa faute aussi… Ses cheveux étaient si beaux… Comme ceux de Kenji…

Quoi qu’il en soit, puisque la jeune femme était venue seule et qu’elle semblait être habituée aux lieux, Amelia ne jugea pas nécessaire de lui proposer son aide. À la place, elle termina de se laver, puis attrapa à son tour un seau pour se rincer, pendant que l’inconnue partait en direction des bains. En entendant ensuite sa voix s’élever dans son dos, l’Australienne se tourna vers elle avec un sourire.

« Génial ! Je vous rejoins tout de suite ! »

Amelia essora ses cheveux et les enroula ensuite dans sa serviette, avant de s’approcher elle aussi du rebord. Elle trempa d’abord la pointe de son pied, frissonnant à cause de l’écart de température entre l’eau et l’air frais de l’extérieur, puis elle entra dans le bain le plus délicatement possible. Très franchement, si elle avait été seule… Peut-être qu’Amelia se serait risquée à sauter dans l’eau en faisant une bombe ! Mais bon, les Japonais étaient très à cheval sur les règles, et elle n’avait pas envie de froisser cette inconnue qui semblait encline à la conversation.

Après avoir bougé un peu dans l’eau des bains, le temps de bien s’habituer à la température, Amelia finit par s’installer non loin de l’inconnue, soupirant profondément de bien-être alors qu’elle levait les yeux vers le ciel pour admirer les quelques étoiles qui scintillaient. C’était dommage, ça aurait pu faire un bon sujet de conversation, mais puisque sa voisine ne semblait pas voir grand-chose de base, nul doute qu’elle ne pouvait pas distinguer les petits points lumineux dans le ciel sombre qui les surplombait !

« Vous habitez dans le coin alors ? En tout cas, c’est la première fois que je viens ici seule et avec aussi peu de monde ! C’est vraiment sympa, je crois même que c’est encore mieux que les grands onsens bondés ! On a la place de s’étaler comme ça ! Et on peut parler librement sans risquer que des oreilles indiscrètes nous écoutent ! D’ailleurs, puisque vous allez être obligée de discuter avec moi le temps qu’on sorte de ce bain… Autant se présenter, non ? Je m’appelle Amelia McClenahan, et vous ? »

Ainsi, Ayame ne serait pas seule dans cet onsen. Au moins, il n'y avait qu'une seule autre personne et non pas un groupe et ça serait tout de même mieux ainsi. Elle avait l'air bien aimable également. Lorsque la femme fit référence à ce personnage célèbre dans une série anglaise, la professeure ne put retenir de rire.

— Cela me rassure davantage que vous n'allez pas non plus me lancer un mauvais sort!

C'est donc avec un léger sourire qu'Ayame continua à propos d'elle, expliquant son albinisme. Elle fut un peu surprise d'apprendre que la femme vais également un copain à la chevelure blanche.

— Ah bon? J'ai bien deux collègues qui ont les cheveux blancs aussi, sans être albinisme, mais l'un deux est d'origine américaine, je crois que c'est peut-être plus commun d'avoir les cheveux clairs...

Après, il y a bien le gestionnaire qui a des lignes blanches, mais elle soupçonnait que ce n'était pas naturel de les avoir ainsi. Terminant de se rincer, Ayame se dirigea vers la source d'eau chaude naturelle. Passé les premiers orteils, la chaleur se dispersa dans son corps. Elle s'immergea le corps dans l'eau chaude, ce qui lui fit tranquillement monter le sang aux joues pendant quelques instants. Sa peau claire prendrait une légère teinte rosée naturellement. Elle alla s'installer dos contre les pierres, appréciant la chaleur qui venait dénouer les muscles dans son corps. Le bruit de l'eau venait résonner doucement à ses oreilles. Elle annonça à l'inconnue que l'eau était excellente et celle-ci arriva alors. Ayame bougea tranquillement les bras dans l'eau, le mouvement créant des petites vagues qui brillaient par la lumière. Elle ne peut retenir un sourire en entendant sa voisine de bain soupirer de plaisir. Ayame tourna la tête vers celle-ci lorsqu'elle s'adressa à elle.

— Oui, ça se fait même assez bien à pied, mais parfois, je prends l'autobus ou le taxi au retour si je me sens trop détendue pour marcher.

Question de profiter un peu du nuage de bonheur avant de remarcher.

— C'est ce que j'aime bien de la tranquillité du lieu, il n'y a pas de bousculade, jamais d'enfants qui courent, pas de cris non plus. C'est presque plus reposant que les gros onsens prisés dans la montagne au final. Après, c'est peut-être bien aussi en petit groupe privé.

Comme elle lui avait dit avoir découvert l'endroit avec un groupe, Ayame s'était dit que ce devait être une sortie organisée par son travail. Ça arrivait parfois dans certains lieux de travail d'organiser ce genre d'activités. Autant que c'était assez commun d'aller dans les onsens pour les Japonais, autant Ayame n'aurait pas voulu venir avec ses collègues. Qui sait ce qui arriverait si l'un d'eux découvrait ses cicatrices? Au moins, avec une parfaite inconnue, elle était plus tranquille.

— Bonne idée, je me nomme Ayame Yamamoto. Je suis professeure universitaire de langue étrangère à l'université de Yokuboo... et vous?

Voilà qui commençait bien une conversation, non?

Amelia avait toujours eu un petit côté clown, appréciant vraiment quand elle arrivait à faire rire les autres, encore plus quand il s’agissait d’inconnus ! Au moins, avec sa référence de geek, elle avait fait mouche, ce qui signifiait que son interlocutrice connaissait également cet univers !

« Ah ça par contre… Je ne peux rien vous promettre ! La période d’Halloween est passée depuis un moment, mais je trouve ça dommage de n’avoir qu’une seule soirée par an pour demander des bonbons ou un sort ! Bon, après, vous m’êtes quand même très sympathique alors si je dois vous lancer un sort, je ferai en sorte qu’il soit tout sauf mauvais ! »

Nul doute que si Amelia s’était retrouvée dans l’univers d’Harry Potter, elle aurait fini chez les Serpentard avec sa personnalité beaucoup trop fourbe et taquine !

Quoi qu’il en soit, la conversation sur la couleur de cheveux particulière de son interlocutrice continua à intriguer l’Australienne. Non, franchement, y’avait combien de gens dans tout Nara qui pouvaient se targuer d’avoir une telle crinière ? La jeune femme avait donc 2 collègues dans le même cas qu’elle ? Bon, ils n’étaient pas albinos, mais quand même, ça faisait une sacrée concentration de cheveux blancs au même endroit !

« Vraiment ? Moi qui pensais que c’était rare, ça semble être plutôt commun dans votre entreprise ! C’est un critère pour pouvoir y travailler ? »

Il fallait vraiment qu’Amelia glane le plus d’informations possibles là-dessus ! Elle aurait plein de choses à raconter à Kenji après cette soirée comme ça !

Quoi qu’il en soit, la jeune femme termina de se rincer, puis rejoignit son interlocutrice dans l’eau, ne pouvant empêcher un petit soupir de soulagement de franchir ses lèvres. Ce que ça faisait du bien !

« Je suis parfaitement d’accord avec vous ! Bon, après, c’est sympa aussi en petit groupe, surtout quand on vient avec des amis, mais je dois vous avouer que j’aime beaucoup le fait de me retrouver en tête à tête avec vous ! C’est tellement agréable que je suis en train de me demander si je ne vais pas carrément prendre un abonnement pour venir ici au moins une fois par mois ! »

Bon, ça allait certes être un petit budget mais… C’était beaucoup trop agréable pour qu’Amelia passe à côté d’une telle occasion de se délasser ! Le problème, en plus de l’argent, allait toutefois être de réussir à trouver du temps pour ça dans son agenda déjà surchargé !

La conversation se poursuivit ensuite sur les présentations, Amelia ne se départissant pas de son sourire alors qu’elle écoutait la dénommée Ayame. Une Japonaise à priori vu son patronyme, l’hôtesse avait donc bien fait de ne pas faire de bombe dans l’eau pour y entrer ! L’Australienne allait d’ailleurs répondre qu’elle était ravie de faire sa connaissance, mais la suite de la présentation de son interlocutrice la coupa dans son élan. Ouvrant grands ses yeux et sa bouche sous la surprise, Amelia ne put se retenir et se leva d’un bond.

« Ah ! Vous travaillez à Yokuboo vous aussi ! Je comprends mieux ! »

Oui, alors par contre, la pauvre Ayame ne devait plus rien comprendre de son côté ! Et puis, elle ne voyait pas grand-chose, mais c’était quand même un peu gênant de se retrouver avec une personne complètement nue, plantée devant vous et qui vous fixait avec un air surpris !

La surprise mit d’ailleurs quelques secondes à passer, Amelia se mettant finalement à rire tout en se replongeant dans l’eau du bain.

« Désolée ! Je ne m’attendais vraiment pas à me retrouver en tête à tête dans un onsen avec une collègue de Kenji ! Enfin, j’imagine que vous êtes une de ses collègues… Vous savez, je vous disais tout à l’heure que mon petit-ami avait la même couleur de cheveux que vous… Il bosse lui aussi à Yokuboo en tant que professeur d’histoire-géographie ! Vous le connaissez ? »

Non, vraiment, le monde était petit ! C’était une super coïncidence ça ! Et puis, c’était aussi un bon moyen pour la grosse curieuse qu’était Amelia de glaner quelques informations sur le quotidien de son petit-ami !

Ayame avait bien trouvé amusante la référence à cet univers bien connu en littérature anglophone. Souvent, elle proposait cette série pour débuter la lecture anglophone vu la facilité des premiers romans, adressés à un jeune public.

— Ah! l'avantage, à l'âge adulte, c'est qu'on peut plus facilement s'acheter des bonbons quand on en a envie, mais c'est vrai que ça enlève le charme de l'Halloween.

La jeune femme sourit à l'intention de l'inconnue présente. Meême si elle ne pouvait pas le voir, au moins, l'autre verrait son sourire. La remarque à propos des critères d'embauche fit rire la professeure.

— Ah! Mais peut-être bien! Ça serait assez élitiste comme critère cependant. Mais non, je vous rassure, il y a bien plus de chevelures noires et brunes que blanches.

Par contre, il fallait bien avouer que c'était tout un hasard d'avoir autant de personnes à la chevelure de neige de manière naturelle, dans un pays où les cheveux varient du brun moyen à noir.

Prenant place dans l'eau, Ayame prit un peu de l'eau chaude dans sa main en coupe et la laissa tombé sur une épaule, reprenant le même principe sur l'autre épaule. Le contraste entre la chaleur de l'eau et l'air frais lui tira un léger frisson avant qu'elle n'immerge complètement ses épaules. La chaleur se répandit dans son corps, rougissant sa peau délicatement. Même son visage prenait une teinte un peu plus rouge sous l'activation du sang par la chaleur de l'eau. Fermant les yeux, elle laissa échapper un soupir d'aise. L'inconnue finit par la rejoindre dans l'eau et elles continuèrent la conversation.

— C'est un plaisir partagé. J'ai l'habitude de venir seule, mais vous m'êtes fort sympathique.

Elle n'avait pas tendance à parler beaucoup avec les autres en dehors de son travail ou de son club de lecture, mais il fallait avouer que la jeune femme à la chevelure de feu lui permettait bien d'être à l'aise. Cependant, lorsque celle-ci se leva d'un bond, Ayame agrandit les yeux sous la surprise. En vrai, cela n'aidait nullement à sa vision, mais elle se demandait bien ce qu'elle avait pu dire pour que la personne réagisse de la sorte. Le « vous aussi » fit pencher la tête sur le côté à Ayame. Est-ce que la jeune femme y travaillait également? Pourtant, une chevelure aussi rouge, Ayame s'en serait souvenue, de même, elle aurait reconnu la professeure qui se promenait bien souvent dans les couloirs de l'université. Rapidement, Amélia expliqua la situation. Le visage d'Ayame s'éclaira alors d'un coup.

— Ah! Mais oui, je connais bien Onizuka-san! C'est même lui qui a eu la gentillesse de me faire faire une tournée des lieux lorsque je suis arrivée à Yokuboo. C'est vraiment un drôle de hasard!

Il n'y a pas à dire, le monde était petit. Cependant, ce fut à Ayame d'être estomaquée et surprise et de jeter un étrange regard envers la femme aux cheveux rouge.

— Mais, attendez... cette rumeur...

Mais non, quand même, ce ne pouvait pas être vrai!

Amelia approuva les dires de la jeune femme en riant, avant de pouffer à la suite de ses mots.

« Je vois ! C’est quand même dommage de voir que les chevelures noires et brunes dominent toujours dans la plupart des entreprises au Japon, mais grâce à des gens comme vous et moi, la donne changera peut-être un jour ! Et puis, à dénoter comme ça, vous devez avoir beaucoup de succès non ? Ou être considérée comme un vrai petit rayon de soleil parmi tous ces gens trop banaux ! »

En tout cas, c’était souvent ce qu’on disait à Amelia avec sa crinière de feu !

Quoi qu’il en soit, maintenant qu’elles étaient propres toutes les deux, c’était l’heure du bain ! L’Australienne rejoignit donc son interlocutrice dans l’eau bien chaude, soupirant profondément de bien-être une fois complètement dans l’eau. Ça faisait un bien fou ! Et puis, c’était encore plus agréable de profiter de cet endroit quand on était en bonne compagnie !

« Eh bien, si je vous suis si sympathique que ça… Nous pourrions faire de ce rendez-vous imprévu une habitude ! J’aimerais bien venir dans ce genre d’endroits plus souvent, et y aller avec quelqu’un d’aussi bonne compagnie que vous est une excellente motivation pour me faire bouger mes fesses de mon canapé ! »

Amelia précipitait sans doute un peu les choses, surtout que ça ne faisait que quelques minutes qu’elles discutaient ensemble, mais le feeling passait bien et même si elles ne devenaient pas amies, ça serait quand même super sympa d’avoir une personne avec qui partager ce genre de moments de détente qui étaient, somme toute, assez rares dans le quotidien de l’Australienne !

La conversation se poursuivit, et Amelia fut tellement surprise par la révélation d’Ayame qu’elle se leva d’un bond, sortant l’intégralité de son corps de l’eau. Quand son interlocutrice lui répondit, l’Australienne ne put se retenir de rire, avant de s’arrêter net en sentant un immense frisson la parcourir lorsqu’une brise fraîche vint caresser sa peau mouillée.

« Aaaaaah ! Ça caille trop ! Je ne vais plus jamais réussir à ressortir de là ! »

Amelia se replongea un peu trop brusquement dans l’eau en se frottant énergiquement les bras, ce qui fit naître une petite vague qui dut surprendre Ayame. Le visage à moitié immergé, l’Australienne attendit quelques secondes de bien s’être réchauffée avant de reprendre la parole.

« Le monde est vraiment petit, c’est dingue ! Il ne va pas en revenir quand je vais lui raconter que j’ai passé un moment en tête à tête, complètement nue, avec une de ses collègues ! »

Amelia se mit à rire avec un air malicieux sur le visage, avant d’être un peu surprise par les mots qui suivirent.

« Une rumeur ? Quelle rumeur ? J’ai cru comprendre qu’il y en avait un paquet qui circulaient dans cette Académie ! Comment elle s’appelle déjà… Miss Potins ? Ou Miss ragots ? En tout cas, elle a l’air de bien s’amuser cette petite chipie à colporter tout un tas de rumeurs toutes plus invraisemblables les unes que les autres ! Est-ce qu’elle en a déjà lancées sur vous ? »

Amelia était vraiment curieuse ! Et puis, même si Kenji ne lui avait pas forcément beaucoup parlé de cette colporteuse de rumeurs, elle avait pu en apprendre bien plus sur elle grâce à Hebi, sa nouvelle petite protégée ! Non, vraiment, tout ça la rendait presque un peu nostalgique de sa période universitaire !

Les deux jeunes femmes trouvaient finalement bien des raisons de discuter, réalisant même que la rousse était la petite amie du collègue d'Ayame. Le monde était définitivement petit. Ayame en venait même à faire le lien avec cette étrange rumeur qui avait couru sur Kenji à propos de son accident.

— Miss Gossip, oui, elle semble avoir des yeux et des oreilles partout, mais j'ai bien l'impression qu'elle a surtout une imagination débordante. Dans le cas d'Onizuka, elle parlait qu'il avait été battu par une femme aux cheveux rouges et qu'il avait prétexté un accident pour justifier ses blessures. À vous voir, je doute fort que vous ayez réussi à le mettre dans cet état!

Souriant, Ayame ne pouvoir voir les émotions s'affichant sur le visage de sa compagne de onsen, ne pouvant nulle se douter de ce qui avait pu réellement se passer lors de cet « accident ».

— Dans mon cas... On m'a associé comme étant vampire par ma blancheur de peau et de cheveux... Tout comme le serait également le bibliothécaire et qu'on tenterait de conquérir l'université.

Riant, la jeune femme pouvait difficilement cacher ses dents, droites et nullement pointues. Décidément, juste avec cette idée, on pouvait déjà sous-entendre que la majorité des rumeurs étaient pure invention par la rédactrice, mais qu'elle devait bien s'amuser tout de même.

Profitant de la chaleur de l'eau, les deux femmes continuèrent à discuter dans le calme de la place. Elles ne furent en aucun moment dérangées par une tierce personne et purent ainsi profiter de faire plus ample connaissance, se promettant même de se revoir à l'occasion. La rousse avait réussi à mettre à l'aise l'albinos qui ne songeait plus en ce moment aux différentes cicatrices se trouvant sur ses cuisses. En partant, Ayame se retrouvait à la fois détendue, mais également souriante, ravie de cette rencontre.