Ô joie, ô bonheur... une nouvelle réunion de prof... pa-ssio-nnant. Cela va sans dire.

Non absolument pas. C'est chiant comme la mort. Tu n'en reviens pas qu'on puisse faire autant de réunion pour si peu. Pour un peu, t'aurais presque envie de retourner te faire exploser la gueule, et d'avoir à nouveau besoin de passer sur le billard si ça pouvait t'épargner ces conneries. T'es complètement dans la lune la moitié du temps. Tu gribouilles un peu tes notes, tâches de te faire oublier. Avec tes absences de début d'année, t'es pas franchement populaire dans l'équipe pour le moment. En même temps, tu n'as guère envie d'entrer dans l'arène pour te battre au sujet de... attends c'est quoi leur sujet là ? Ha oui, l'usage du budget photocopie... qui empiète sur le budget café... La seule raison qui te retient de rouler des yeux à chaque phrase, c'est que tu vas finir par te coincer un globe oculaire. On a beau te servir le refrain que ces réunions sont essentielles au bon fonctionnement de l'équipe, t'as surtout l'impression que c'est une excuse pour que certains lâchent leur frustration sur les autres. Tu l'as d'ailleurs déjà fait remarquer lors d'une précédente réunion, ce qui avait permis de te nommer comme réceptacle à toutes les frustrations pour la suite. Message bien reçu, depuis tu fermes ta gueule, t'attends que ça passe.

Tu te contentes de répondre quand on t'adresse directement la parole ou que ça touche directement ton domaine. Mais dans l'ensemble, la foire d'empoigne c'est pas ton trip. Autant quand ça parle des élèves, t'es prêt à en découvre, autant les querelles de profs... tu passes ton tour. Tu griffonnes et regardes par la fenêtre, les autres en bruit de fond.

Après deux heures de blablas ineptes, c'est enfin la libération ! Tu ramasses tes affaires, tes "notes" et ta nouvelle liste de choses à faire, bien sûr. Tu commences à avoir l'habitude. Ça papote et c'est assez impressionnant de voir à quelle vitesse les groupes se forment ! Finalement, rien ne change jamais vraiment après le collège. Fatigué de leur brouhahaha, tu regagnes la salle des profs, balances en vrac tes notes sur le bordel qui te sert de bureau (au moins comme ça il est repérable) avant de venir récupérer ton courrier, ce que tu n'as pas fait depuis le début de la semaine. Ouai bon, l'administratif et toi, c'est pas un secret, c'est pas vraiment ça ! Un détour par la cafetière, la fameuse donc, celle pour laquelle personne n'est d'accord pour qui doit payer quoi et apparemment ça nécessite trente minutes de débat. Le temps que le café coule, tu restes devant, tu t'étires, le courrier à la main. Tant de temps perdu entre quatre murs ! C'est pas possible... Vivement la fin de la journée tiens, que tu puisses aller courir... Bon il peut pas couler plus vite ce café ? Depuis le temps que tout le monde en parle, ça commence à manquer !

Bon sang qu'est-ce qu'être enseignant pouvait être rébarbatif. Donner des cours de sport et bouger avec les jeunes était une activité très divertissante en plus d'être assez insolite étant donné que peu de professeurs de sport s'amusaient à faire le cours en même temps que les élèves. Par contre être coincé deux heures durant dans une salle avec d'autres professeurs pour discuter de problèmes aussi intéressants que le budget café ou photocopieuse était une plaie incommensurable. Qui avait eu la bonne idée de faire cette réunion? Le directeur? Il n'avait vraiment que ça à faire? D'autant plus que personne n'était jamais d'accord dans ces réunions à deux sous. Pire encore, Thomas avait beau être arrivé que depuis un mois qu'il avait déjà remarqué et identifié les différents groupes d'enseignants qui se méprisaient plus ou moins selon les sujets abordés. C'était comme en cours de sport. Il voyait les groupes se former entre amis et ceux qui étaient écartés car trop différents. Et chez les professeurs comme chez les élèves, le puncher de l'Illinois adoptait une position d'observateur. Il ne rentrait pas dans ces petits jeux sociaux. Du moins chez les enseignants il abordait plus une position d'exclu que d'observateur. Il n'était pas souvent présent en salle des professeurs et ne connaissait pas grand monde si ce n'était que de vue. Il passait plus de temps dans le gymnase et au club de boxe, environnements familiers où il se sentait plus à l'aise. Rester les fesses vissées à une chaise n'était pas une partie de plaisir et contribuait plus à l'agacer.

Impatient, il se balançait sur sa chaise en attendant la délivrance finale. Et enfin il put s'échapper de cette séance de torture. Il était temps, car Thomas s'apprêtait à demander à tout le monde de la boucler. Il ramassa son sac et suivit le mouvement qui allait vers la salle des professeurs. Assez rare pour le souligner, Tom s'assit un instant à son bureau pour finaliser la préparation des programmes de ses élèves. Cependant il se trouvait à moitié endormi à cause de cette satanée réunion, ce qui l'empêchait de se concentrer correctement. Un petit remontant ne lui ferait pas de mal. Pas un grand amateur de café, le sportif américain se laissait quelques fois tenter par la boisson noire dont les vertus n'étaient plus à prouver. Il se leva et alla à la machine à café où se trouvait déjà quelqu'un. Il patienta jusqu'au moment où l'attente devenait trop insupportable, le boxer ne put contenir sa langue.
- Bon tu magnes devant là? On ne va pas y passer l'aprèm, j'ai autre chose à faire que d'attendre que t'aies fini de faire j'sais pas quoi devant la machine à café.

Grand Dieu, ça faisait du bien quand ça sortait! Il avait besoin d'extérioriser toute cette hargne accumulée durant les dernière heures à écouter les gens papoter pour rien. Le pauvre bougre devant n'avait rien demandé et c'était sur lui que ça tombait.

Encore à moitié abruti par autant de blabla inutile, tu comates devant la machine à café qui comme d'hab, n'a pas l'air pressé de faire couler son breuvage. Tu tentes de ramener un peu de vie dans tes muscles quand tu es tiré de ta rêverie par une voix quelque peu énervé dirons nous. Tu te retournes, lèves un sourcil indifférent.

"Hum ?"

Un nouveau, il te semble. Tu crois même te rappeler que vous étiez à la même réunion. Amusant. C'est assez drôle pour une fois de pas être le seul un brin trop bourrin pour cet environnement. Ou plutôt, d'avoir quelqu'un qui passe encore moins bien que toi. Tu t'écartes en souriant, t'appuyant contre le mur voisin pour ouvrir tranquillement ton courrier en souriant.

"Mais je t'en prie. Je suis sûr que si tu gueules suffisamment fort, ça devrait assez impressionner la cafetière pour que le café soit prêt plus vite."

Enfin tu demandes à voir. Ceci dit, si la technique fonctionne après tout, pourquoi pas. Mais bon, en général les machines sont assez peu impressionnables, et assez peu promptes à négocier aussi. Mais si ça l'amuse après tout, c'est pas toi qui va juger ! Puis c'est pas comme si quelqu'un qui éructe sur le premier venu (ou la première cafetière venue) était le genre de chose qui t'impressionne. En plus, si ça peut faire flipper un peu les collègues au passage, tu vas pas nier que ça t'amuse quand même un peu !

"Sinon la prochaine fois tu peux gueuler en réunion pour obtenir une meilleure machine à café, comme ça non seulement t'as la joie de beugler, mais en plus, c'est constructif. Ou pas, mais ça a la limite c'est le principe des réunions si j'ai bien compris."

En vrai, certaines servent sans doute, mais pas ce genre-là. "Réunion de fonctionnement", tu vois pas bien ce qui fonctionne là-dedans mais bon. Et ton courrier n'est pas beaucoup plus motivant. Apparemment, tu as encore oublié de remplir certains documents, oups. Mots de parents d'élèves. Un devoir en retard. Ce genre de choses. Tu relèves la tête vers l'autre, histoire de voir où il en est dans sa tentative d'impressionnation du café.

"Alors ? T'as impressionné le café ? Je me demande si un café produit par une cafetière impressionnée par la puissance d'un hurlement est plus fort qu'un café normal. Faudrait mesurer."

Il fallait bien que Thomas veuille prendre un café le jour où la machine avait décidé de prendre son temps. La patience n'était pas son fort, et ne pouvant aller plus vite, il avait reporté sa frustration de la journée sur le professeur qui se tenait devant lui. Qu'à cela ne tienne, il lui laissa le champ libre. Thomas n'avait alors plus rien à engueuler à part la machine à café, mais quelque chose lui disait qu'effectivement, elle n'allait pas être très réceptive. Que c'était chiant! Il avait tellement envie de donner des coups de lattes à cet engin de malheur afin qu'il fasse des expressos tellement courts que même un mort se réveillerait pour aller bosser. Mais Thomas avait bien conscience qu'un choc transformerait plus la machine en tas de ferraille bon à la casse qu'en une bête de compétition réalisant 4 cafés en deux minutes.

- Tu veux que je gueule en réunion? T'as l'air aussi siphonné que moi mec, pourquoi pas une bataille de boulettes ou un concours de grimaces pendant que t'y es? Et puis vu comment les pauvres chéris réagissent à la moindre contradiction, je risque de les choquer en ouvrant ma gueule, grogna-t-il.
En disant cela, il se dit que s'amuser ainsi en pleine réunion n'était pas un si mauvaise idée que ça, surtout que Thomas n'avait rien de particulier à faire ou à dire dans ces moments-là.

Le colosse reporta son attention vers l'objet de son agacement, sentiment renforcé par les remarques de l'autre type à côté.
- Putain mec, si tu continues j'te jure que tu vas recevoir un expresso fait maison.
La machine cessa enfin de tourner.
- Ben tiens, quand on parle du loup... Il récupéra la tasse à demi-remplie et la tendit vers son collègue. Il semblerait que la machine ait rendu son dernier café. Estime-toi heureux et chéris-le bien. J'vais voir si j'peux pas remettre cette merde en route.

Tout en continuant à jurer, Tom s'accroupit et chercha un moyen de relancer la machine. Un autre professeur attendait derrière lui, espérant sûrement que le Chicagoan répare la machine assez rapidement. Seulement le regard de ce dernier se posa sur lui, un regard terrifiant.
- Reste pas planté là toi, vas chercher le technicien qu'il règle le problème avant que j'balance ce truc par la fenêtre.
Le concerné disparut derrière la porte de la salle des professeurs, laissant Thomas et son nouvel "ami".
- J'n'arrive pas à croire qu'on passe autant de temps assis comme des cons en réunion pour au final avoir toujours le même matos pourri qui nous claque entre les mains au bout de deux utilisations.
Il attendit bras croisés que le technicien salvateur vienne faire son possible pour réparer l'unique machine à café de l'établissement.

Ha bah voilà, on t'avait ptet enfin envoyé un collègue intéressant ! Enfin intéressant... tout dépendait des critères. Mais comme avoir quelqu'un d'aussi crétin que toi faisait partie des tiens, dans le fond ça collait plutôt bien. Tu prends alors ton air faussement sérieux.

"C'est plus rigolo d'être siphonné à deux. Je vote pour une bataille de boulettes ou un concours de grimaces ! Enfin une réunion à laquelle j'irai pas à reculons tiens. Ça pourrait même être intéressant."

D'autant que comme il y a peu de chance de réussir à convaincre les autres enseignants de participer, il faudrait sans doute faire ça en douce, ce qui rendrait les choses encore plus drôles ! Bon ça te rendrait sans doute moins crédible quand il s'agissait de signaler à tes étudiants qu'on était pas là pour lancer des boulettes de papier. Du coup, tu prenais toujours un malin plaisir à obliger les coupables à ramasser tout ce qui traînait en classe, quitte à relancer toi-même des boulettes de papier dans les coins, histoire de. En général, le cours suivant tu as la paix.

En attendant soit le sens de l'humour de ton collègue est plus limité que prévu, soit il est vraiment de mauvaise humeur. Tu hausses les épaules. Il en faut bien plus que ça pour t'impressionner de toute façon. En général ceux qui gueulent le plus fort... gueulent juste très fort. Et au pire quoi ? Tu prends un café sur la tronche ? Tu devrais survivre. Ou pas vu comment le café qui a réussi à sortir de la machine est absolument dégueulasse !

"Merci, bien aimable de ta part. Je vais donc savourer cette demie-tasse ! Je t'aurais bien dit qu'on peut partager, mais vu le goût, je pense que ce ne serait pas te rendre service. À moins que t'aimes le jus de chaussettes mariné."

Ouai bon, il avait beau grogné, t'avais usé ton quota de sérieux en réunion. Puis de toute façon, il avait bien assez de la machine à café pour s'exciter dessus. T'allais t'en retourner à ton bureau quand un nouveau vint faire la queue en quête d'espoir caféïné. Espoir qui se vit bien vite ratatiné par un collègue vraiment énervé, le sommant d'aller chercher le technicien. Réparer la cafetière le changerait sans doute de réparer les imprimantes tiens.

"Ha non, des fois ils le remplacent. Pour du plus vieux. Ou d'occasion. Ça coûte moins cher. Le bon matos c'est pour les zones en contact avec des universités extérieurs ou l'étranger."

C'était un peu toujours pareil finalement, y compris dans les meilleures académies ! Enfin, tu avais quand même enseigné dans des conditions pires pendant tes stages. Mais il est vrai que le matériel basique fourni aux enseignants étaient souvent défectueux. Sauf qu'en guise de technicien, ce qui débarqua, fût le chat de l'académie ! Qui visiblement venait de nommer la cafetière comme son ennemie jurée, décidément. Tu poses ta tasse et récupères le chat, avant qu'il ne se fasse mal en la coinçant dans le filtre (par exemple).

"Aller toi, va jouer ailleurs."

Tu le poses un peu plus loin. Le chat ne s'en laisse pas conter et vole un sucre pour jouer avec.

"Bon, le technicien aussi risque d'arriver dans trois jours. Surtout que je suis presque persuadé que notre cher collègue en a oublié son nom..."

Tu remontes tes manches, et attaques le démontage de la machine avec un crayon en guise de tournevis. Ça doit pas être sorcier, vous devriez bien trouver ce qui déconne ? Sans doute un truc au niveau du filtre. Du coup, autant commencer par démonter cette partie.

"Si jamais t'as moyen de me faire de la lumière, ça marcherait vachement mieux. Toute façon, au pire elle marchera toujours pas après non ?"

Alors autant tenter le sauvetage de la cafetière !

En fait il était plutôt sympa ce type. Thomas sentait qu'il tenait un autre genre que ces petites natures incapables de voir plus loin que leur petit confort et leur petit cercle de crétins. Un qui ne semblait pas choqué par toutes ses insultes mais surtout qui avait le même ressenti par rapport aux réunions de merde.
- Ouais... Faudrait juste faire gaffe à ne pas se faire chopper par le dirlo. L'a l'air aussi aimable qu'une porte de prison ce con.

Enfin... Ce n'était pas cette idée lumineuse qui allait régler le problème de la machine à café, et le moins que l'on pusse dire, c'était que Thomas en avait déjà plein les bottes. La machine ne répondait vraiment plus en plus d'avoir laissé une dernière fiente à son dernier commanditaire.
- Ça ne m'étonne même pas. C'est pourquoi je ne bois jamais ce qu'on nous propose dans ces urinoirs, mais j'avais besoin d'un p'tit coup de fouet après le coma de tout à l'heure.
Les bras croisés, les yeux illuminés d'un brasier implacable, Tom attendait qu'on vienne réparer la machine. Il détestait poireauter de la sorte, surtout qu'il avait dit à l'autre de se magner. Tous des feignasse dans ce bahut. Un jour il finirait par faire un cours de sport aux professeurs, histoire de leur apprendre qu'ils pouvaient faire autre chose de leur que de se pavaner fièrement en groupe en parlant de leurs soirées à la con du samedi dans une boîte de nuit pourrie.

- Remplacer du vieux par du plus vieux? On marche sur la tête là! À force on va finir par moudre et torréfier le grain nous même! Quelle bande de pinces sérieux! Devenez prof mon cul! J'irai leur toucher deux mots à la prochaine réunion. Va falloir se boucher les oreilles car je vais bombarder sec!
Et il fallait s'y attendre. S'il devait y avoir un abruti pour ouvrir sa bouche quitte à se prendre toutes les représailles sur la gueule à la place des autres, autant que ce fusse le prof le moins aimable possible. Peut-être allait-ce cependant faire bouger les choses, après tout personne n'était à l'abris d'un miracle.

Le temps d'attente étant encore pus long que prévu, Thomas joua un peu avec le petit chat noir qui s'était invité dans la salle des professeurs. Voir une petite boule de poils comme celle-là faisait disparaître le gros rochon en lui l'espace de quelques instants. Finalement ce fut son collègue qui partit tenter sa chance en demandant à l'Américain de lui prêter assistance. Il s'empara alors de son portable et activa la fonction lampe-torche pour éclairer ce que faisait euh... Bah il ne connaissait pas son nom.
- Si ça ne marche pas, je dois bien avoir quelques battes de baseball au gymnase pour dire notre manière de penser à cette merde en boîte. Et s'y on arrive on fait quoi? Moi je propose qu'on récupère les bénéfices de la machine. Ça leur fera les pieds aux autres, on n'est pas payés pour faire ça à la base.
Oui Thomas était très rancunier sur les bords (voire au milieu). Il lors de ses rares passages il voyait les gens se plaindre mais ne jamais rien faire, ils ne prenaient même pas la peine d'appeler le technicien pour qu'il vienne faire son travail. Vraiment, il y avait des comportements qui de débectaient au plus haut point.

"Je confirme."

Depuis un an et demi, t'avais justement eu le droit d'être régulièrement convoqué chez le dirlo, ce qui te rappelait très étrangement ta seule année de lycée. Comme quoi, certaines choses ne changeaient jamais. T'avais juste changé de côté dans la salle de classe.

"Oh si c'est juste pour un coup de fouet, un café dégueulasse effectivement ça peut marcher."

Le dégoût c'est aussi une bonne source de motivation après tout ! C'était pas loin de la colère, ce que l'homme avait l'air de plutôt bien maîtriser.

"Et bien je suis sûr que moudre le café nous sera vendu comme une très bonne activité de team building. Si on se débrouille bien, moi je suis sûr qu'on peut se débrouiller pour moudre du café plutôt qu'aller en réunion. Après l'idée de voir un peu de vie là dedans ne me déplaît pas complètement il faut bien le dire !"

Ça risque de leur faire drôle aux collègues... d'un autre côté, t'es pas franchement sûr que ça soit la meilleure façon d'obtenir quoi que ce soit. Mais comme rien ne change jamais, tu restes ce pote un peu con qui incite plutôt les autres à faire des conneries plutôt qu'à les tempérer. Et tu serais prêt à parier que lui aussi. Ça promet donc d'être l'escalade !

Preuve en est que tu viens de décréter qu'il est temps de réparer la machine à café par vous-même. Why not ? Toute façon, ça peut pas être pire. Enfin si. Mais bon, le pire d'une machine à café ça doit pas être si pire que ça. Puis ça te fait une excuse pour lâcher ton courrier et le bordel sur son bureau. Mais c'est pour la bonne cause ! détruire réparer une machine à café pour le bien commun. Pendant ce temps, ton collègue s'est entiché du chat, tu souris. Le jour et la nuit tiens !

"Tu as définitivement décidé que tu allais impressionner l'engin. Ceci dit, tu devrais obtenir bien plus de résultat avec une batte qu'en lui gueulant dessus ! Après pas sûr que les résultats soient meilleurs."

Tu éclates de rire.

"Ça c'est une super idée tiens ! Un péage de la machine à café ! On sera les rois du pétrole ! Bon par contre, ça va clairement pas arranger nos cotes de popularité respectives. Mais avec l'argent obtenu, on devrait pouvoir acheter du whisky 20ans d'âge, ça compensera."

Bon, t'avais réussir à réduire le truc en plusieurs blocs. Restait à inspecter les différents morceaux à la recherche d'une possible anomalie. T'espères un tuyau bouché, ou juste une pièce mal vissée. Quelque chose du genre. Ce serait facile à réparer.

"C'est le moment où je me dis que j'ai aucune idée de ce qu'on cherche. On devrait avoir une deuxième cafetière à démonter, comme ça on pourrait comparer. T'as déjà démonté des mobilettes quand t'étais ado ? Histoire de voir comment ça marchait ?"

À côté de ça, une cafetière, ça devrait pas être bien sorcier non ? Disons que si on se rate, ça coûte beaucoup moins cher ! C'était bien ton genre de te lancer dans ce genre de plan à l'aveugle sans aucun plan. La vie était bien plus drôle quand on improvisait !

"Si c'est le cas, tu sais déjà comme moi que quand on va la remonter il va nous rester une pièce dans la main non ? Normalement c'est là que les choses amusantes commencent..."

En tout cas c'était plus amusant que de répondre à ton courrier ou d'aller en réunion !

- La popularité? Pfeuh! Franchement ça m'est bien égal de savoir que la totalité de ce bahut me prend un immonde enfoiré, c'est déjà le cas pour une bonne moitié alors un peu plus un peu moins, je n'en ai strictement rien à faire.

Ouais, au point il en était depuis son arrivée il ne s'occupait des bruits de couloir, des quelques messes basses sur son passage. Il était comme il était et rien ne pouvait vraiment le changer. Il n'était pas fait pour paraître sympathique, il n'avait pas la tête de l'emploi. C'était dingue de voir à quel point son sourire pouvait être malsain. Il faisait limite plus peur en souriant qu'en faisant la tête. Enfin... Le plus important était de remettre cette fichue machine à café en état de marche et de noter de se plaindre à la prochaine réunion. Pas sûr que cela fonctionne, mais Thomas n'était pas vraiment à du genre à se tenir gentiment comme un gentil petit garçon. Sa mine blasée se tourna vers Kenji quand ce dernier lui demanda s'il avait déjà démonté une mobilette pour éventuellement faire de même. Manque de bol, Thomas n'avait jamais touché à ce genre d'engin de sa vie.

- Euh... Non. On n'avait pas les moyens pour ce luxe.
Il était sincère. Les études du garçon avaient été pour ainsi dire le seul vrai luxe qu'ils avaient bien voulu se payer, et il leur rendait bien.
- Je n'ai même pas le permis en fait...
Alors il ne fallait clairement pas s'attendre à un miracle de la part du Chicagoan qui renchérit en plaçant ses mains devant lui.
- Et ce n'est pas avec des paluches pareilles que je vais arriver à quelque chose.
En général, ces mains étaient plus faites pour détruire que pour réparer.

Il se contenta de laisser son collègue galérer, conscient qu'une intervention de sa part à ce stade serait signer l'arrêt de mort de l'engin. Il tentait toutefois d'éclairer au mieux en suivant les directives qu'on lui donnait.
- Eh ben s'il nous reste une pièce dans la main on ira voir le dirlo en la posant sur le bureau en lui disant qu'on a fait tout ce qu'on a pu mais que malheureusement la machine était trop faible pour continuer à combattre la mort. T'façon il n'avait qu'à en acheter une neuve au lieu de nous refourguer le truc qui trainait dans le grenier de sa tante.
Il lâcha un grognement caractéristique. Heureusement que ce n'était pas comme ça dans le gymnase. Il fallait dire que vu le professeur, il valait mieux que le matériel soit un minimum correcte si on ne voulait pas l'avoir constamment sur le dos. Thomas n'était pas du genre à lâcher l'affaire, quand il avait quelque chose en tête, il prenait grand soin de tout mettre en œuvre pour que cela se réalise. La philosophie de ne jamais abandonner s'appliquait dans tous les domaines de la vie quotidienne.

"Oh t'as raison oui, c'est mieux d'être détesté par tout le monde que juste la moitié, tu perds moins de temps à te demander qui est dans quel moitié."

Rigoles-tu tout en démontant tant bien que mal l'engin. Une partie de toi se demandait vaguement comment t'allais te débrouiller pour remonter le tout, mais elle avait du mal à se faire entendre à côté de celle qui disait que ça ne devait pas être si difficile que ça après tout. Alors que tu plaisantes sur les moteurs de mobilette, ton collègue t'expose sa vision des choses. Tu hoches la tête, toujours concentré sur ce que trafiquent tes mains.

"C'est vrai que c'est un sacré budget en fait. Ça m'est arrivé de faire ça avec des potes, histoire de gagner quelques thunes. On va vite savoir si j'ai des restes."

Y a eu des périodes, avant que tu ne rentres complètement dans les circuits des arènes de combat, où il fallait bien gagner sa vie comme tu pouvais. Mineur et SDF, y avait pas des masses de choix. T'avais fait docker, et avec d'autres, vous bricoliez tout ce qui pouvait se bricoler et réparer. C'était sans doute un peu plus utiles comme compétences que de savoir se bastonner à l'arme blanche, mais ça payait clairement moins !

"Après pour les paluches, dis toi que ça pourrait être pire ! Genre, tu pourrais essayer de réparer un ordinateur. Là c'est mort, même les miennes de mains elles passent pas."

T'avais beau avoir les mains et habiles, fallait savoir s'avouer vaincu le cas échéant ! La machine à café, à côté, ça passait encore. En théorie, tu devrais pouvoir t'en sortir. Puis bon, dans le pire des cas, elle marchait déjà plus non ? T'as fait que précipiter les choses, pas ta faute ! Tout le monde pourra témoigner en salle des profs que ça faisait des mois que vous buviez du jus de chaussette au mieux.

Tu éclates de rire suite à l'explication de ton collègue.

"Ha ouai, clairement ça peut le faire. On lui ramènera façon souvenir. "Elle aurait voulu que vous ayez une trace d'elle", un truc du genre. Et peut-être que la prochaine fois on aura directement la machine à café de sa tante ! Pas celle du grenier, la vraie, celle dans la cuisine. Faudrait qu'on négocie."

Repérant une espèce de bouchon, tu souffles dans un tuyau, ton autre main à l'extrémité, histoire d'éviter d'en foutre partout. Effectivement, tu te retrouves avec une espèce de rester de café moisi dans la main.

"Si t'as moyen de me filer une serviette en papier qui traîne..."

T'aurais ptet dû y penser dès le début... Enfin au moins ça fait une piste sérieuse pour la panne ! Le temps de t'essuyer la main, et tu refais le même manège sur les différents tuyaux...

"Bon, y a plus qu'à remonter. Le suspense est à son comble ! Tu peux préparer le roulement de tambour. Ou l'abri anti-explosion. Comme tu veux. Enfin d'expérience, c'est pas les machines à café qui font les plus grosses explosions. Les micro-ondes, ça ça explose correctement quand on se plante."

Oui c'était du vécu... ça fait ça quand on apprend sans formation en "expérimentant". Comme quoi, un boulot moins dangereux que l'arène de combat, fallait le dire vite ! Tâchant de te souvenir de l'ordre de tes gestes au moment du démontage, histoire de pouvoir faire l'inverse, tu reprends quand même la parole.

"Au fait, jcrois pas qu'on ait été présenté. Onizuka Kenji. Et toi ?"

C'était quand même plus sympa de connaître le nom des gens qu'on appréciait !

Alors que Kenji continuait à mettre les mains dans la machine, Thomas se posa une question existentiel: qu'allait-il pouvoir manger ce soir? Il repensa à ce qu'il lui restait dans le frigo et se dit qu'il pourrait bien faire une recette française s'il cherchait bien. Tout cela lui semblait bon, au point que son estomac voulut se manifester avant que le professeur d'histoire se tourne vers lui avec une espèce d'immondice dans la main. Bizarrement il n'avait plus trop faim en voyant cela. Ses yeux restèrent un instant sur ce que Kenji venait d'extraire de la du tuyau, avant de chercher autour de lui de quoi lui permettre de s'essuyer les mains. avant de la laisser s'occuper du remontage, mentionnant que le risque de blessure par explosion devait être minime, pas comme pour un micro-onde apparemment. Le Chicagoan se demanda un instant si c'était du vécu.

- Eh bien j'ai hâte de voir le moment où on devra réparer le micro-ondes de la salle de repos.

Thomas était un grand spécialiste de ce genre de remarques pleines de sous-entendus. Il ne touchait jamais à cet engin de malheur placé dans un coin de la salle de repos. Rien qu'à vu d'œil, le boxeur pouvait deviner que la moindre fausse manipulation lui exploserait au visage. Mais de toute façon, cela faisait plusieurs semaines qu'il se refusait d'y aller. On pouvait y faire de très mauvaises rencontres.

Kenji finit par se présenter, alors Thomas fit de même.

- Thomas Hinrich.

Il n'en dit pas plus. Il s'était contenté de tendre le bars pour une poignée de main mais se ravisa en se souvenant que quelques secondes auparavant son collègue tenait un bouchon de café moisi, et bien qu'il se soit essuyé les mains dans une serviette, le simple fait qu'il n'ait pas encore eu le temps de les passer à l'eau avait freiné Thomas dans son élan. Il ne savait pas trop quoi dire. C'était très bizarre pour lui de plus ou moins sympathiser avec quelqu'un. Il resta silencieux, l'air un peu plus fermé, comme s'il s'était rendu compte que quelque chose n'allait pas alors qu'en réalité il n'y avait rien. Il s'agissait d'un réflexe des muscles du visage. Il tirait la tronche naturellement.

- T'enseignes quoi du coup?

Il balança la question comme ça, comme une balle de baseball. Pour aller avec son côté loup solitaire, la "salle de classe" de Thomas était le gymnase, soit le seul lieu de cours qui était un tant soit peu isolé du reste, alors il ne croisait jamais ses collègues dans les couloirs et connaissait encore moins leur spécialité. À ses yeux Kenji pouvait aussi bien être un prof de salsa que de physique. Il aurait pu savoir cela s'il avait été attentif à la réunion de laquelle ils sortaient tous les deux, mais Thomas ne prêtait presque pas d'attention à ce qui se disait, il se contentait de se faire oublier pour ne pas avoir à entrer dans ces débats stériles.

Tu remontes tout ce petit bordel. C'est qu'une machine à café, c'est pas si compliqué en soi ! Juste que c'est pas bien large. Et puis au pire, tu l'auras achevé. Pas comme s'il lui restait des années et des années de vie devant elle ! Après tout on achève bien les chevaux...

"Je crois que le micro-onde est au-delà de toute réparation possible. C'est un exorcisme qu'il lui faut."

Tu t'en servais pas souvent, parce que ça nécessitait quand même d'avoir pensé à te faire manger à l'avance, ce qui était beaucoup de te demander finalement. T'étais plutôt du genre à te partir à la dernière minute à t'exclamer "et merde, j'ai pas fait de bento" absolument tous les matins. Malgré tout, tu entendais régulièrement les profs râler sur cet engin, et effectivement, pour l'avoir croisé en salle de repos, tout ce que vous mangiez semblait avoir le goût de l'aventure... et probablement ce que vos collègues avaient mangé... la veille.

Tu t'étais interrompu histoire de te présenter. T'arrivais pas à te souvenir s'il s'était présenté pendant la réunion. T'avais tellement l'attention dans les chaussettes dans ces moments-là, pire que tes élèves ! Thomas donc. Alors que tu remontes la cafetières, tu pouffes un peu en le voyant esquisser un geste pour te serrer la main et se raviser. Sans doute parce que tes propres mains ne sont pas vraiment tout ce qu'il y a de plus propret.

"Nan t'as raison, la poignée de main ça devrait attendre."

D'autant que t'étais concentré pour terminer de tout remonter. Pour le coup, c'était exactement comme dans ton souvenir : plus chiant à remonter qu'à démonter ! Du coup, tu n'es plus trop occupé à relancer la conversation. Tu ne rends d'ailleurs pas spécialement compte qu'il y a un silence qui s'installe. Silence que ton collègue finit par rompre. Ça t'amuse, il était définitivement aussi attentif que toi en réunion !

"Histoire-géo. Lycée uniquement pour le moment. Et toi ? Tu leur fais un cours sur les bonnes manières ?"

Toi aussi t'étais pas avare de pics à l'occasion, comme ça avait l'air d'être le truc de ton collègue, autant jouer à deux ! Enfin, quand t'en aurai fini avec cette boîte de converse. La dernière pièce enfin remise en place, tu sautes sur tes jambes après avoir reposé le tout, attrapes de quoi t'essuyer les mains à nouveau.

"Bon, bah y a plus qu'à rebrancher. J'attends que tu te planques derrière une table ou tu restes aux premières loges avec moi pour assister au spectacle ?"

Pas qu'une machine à café soit capable de faire de trop gros dégâts. Enfin, ça doit être possible, si on le veut vraiment, on peut sans doute faire une bombe à partir d'une machine à café, mais là ça dépasse carrément tes compétences ! Pas le genre de trucs qu'on fait par accident. Mais ça peut être salissant... alors autant que Thomas puisse prendre sa décision. Bref, tu rebranches le tout, remets un peu d'eau dans le filtre...

"C'est le moment de vérité !"

Tu appuies sur le bouton. Un étrange bruit de bulle. C'est pas complètement déconnant... jusqu'au moment où tu te rends compte que clairement, il y a des fuites, un peu partout à l'intérieur de la machine, intérieur qui va gentiment commencer à déborder sur l'extérieur... Tu grimaces un peu. C'est vrai que ces trucs dans le font sont pas trop faits pour être démontés. Les tuyaux et leur jointure ont clairement perdu en imperméabilité. Tu croises les bras, penches la tête et observes la machine à café se liquéfier, assez amusé.

"Tsais quoi ? jcrois que jlai achevée. Je vais chercher un serpillère. Je te laisse le fond de tasse que tu m'as servi stu veux ! Ça aura été son chant du signe !"

La remarque le fit sourire. Un micro-onde ayant besoin d'un exorcisme. Il devait sacrément être possédé pour en arriver à de telles extrémités. De toute manière, le matériel des salles de repos et des professeurs laissait clairement à désirer. Thomas ne se plaignait pas trop du reste pour le coup. Le matériel de sport était plus que convenable, des ballons aux barres de gymnastique en passant par les sacs de frappes et les gants du club de boxe. Oui, pour cela, il n'avait pas à râler, incroyable non ? Son sourire amusé laissa place à un haussement de sourcil provoqué par une certaine surprise. Lui qui voyait les profs d'histoires-géo comme les vieux grisonnants qu'il avait été amené à croiser au cours de sa scolarité. Au niveau capillaire, on n'en était pas loin, mais pour l'âge, on en était à des années lumières, d'autant plus que Kenji semblait tout aussi borderline que son collègue de sport, au moins. En plus il n'était pas avare en piques verbales, et ça, ça attirait la sympathie du Chicagoan. Ses lèvres s'étirèrent en un rictus amusé, et il répondit avec autant d'humour.

- Bien vu l'aveugle. Je fais cours sur les bonnes manières à grands coups de pied aux fesses. Et ça file tellement droit que les gamins font leurs tours de terrain sans rechigner.

Ah ça, quand on avait un prof avec une dégaine pareille, il valait mieux faire ce qu'il disait sans protester, au risque de devoir faire des exercices supplémentaires. Au moins, il avait peu de problèmes de comportement durant ses cours, et si quelques petits malins s'y essayaient, il faisait en sorte de bien les fatiguer pour qu'ils n'eussent plus la force de tenter quoique ce soit durant les heures qui suivaient. Bon c'était moins pour aider ses collègues que pour avoir la paix les prochaines fois, mais vu de loin, cela pouvait passer pour de l'altruisme envers ses chers collègues qu'il ne connaissait même pas.

Enfin le moment de vérité approchait. M. Histoire-géo venait de terminer le remontage de la machine à café. Thomas ne bougea pas de son poste. Se cacher ne faisait pas partie de son vocabulaire.

- Je reste aux premières loges. Un potentiel fail en beauté, ça se savoure. Il manque juste les popcorns et pour que ce soit parfait.

Il observa son collègue essayer de remettre l'engin en marche avec que ce dernier ne fuie de partout. Thomas regarda l'heure.

- Heure du décès : 17h38.

Puis il arrêta le beau gosse à la belle crinière alors que celui-ci partait chercher de quoi nettoyer toute l'eau qui s'était échappée.

- Laisse-moi m'occuper de ce bazar. Ça fait un quart d'heure que je te regarde faire, il faut que je bouge mes fesses. Finis ton jus de chaussette et moi je nettoie les traces de nos bêtises.

Il sortit de la salle des professeurs et rejoignit le placard à balais le plus proche pour en sortir une serpillère et un seau. Il revint aussi vite que possible et épongea le sol avec sa serpillère, l'essorant par intermittence dans le seau. Quand il eut terminé, il alla viser le contenant dans les toilettes et revint une dernière fois voir Kenji.

- Bien ce n'est pas que je m'ennuie mais je suis déjà en retard à mon entraînement. Passe un bonne soirée mec.

Et il fila sans laisser le temps à Kenji de répondre. Thomas devait ranger le matériel et filer au dojo où son coach l'attendait très certainement de pied ferme. Il avait tout de même l'intime conviction d'être enfin tombé sur quelqu'un d'intéressant dans cette académie.