Alors que Catherine allait aider l'étudiante, celle-ci se relevait déjà. Elle semblait stable sur ses jambes, mais de vilaines éraflures sur les genoux qui perlaient de sang, mélangé avec l'herbe et la terre du sol. Elle l'a rassura en disant qu'elle allait bien, mais Catherine n'en était pas convaincu. Le changement de langage ne déstabilisa pas Catherine, sachant que la blonde était étrangère, comme elle, et qu'il était plus facile de se tutoyer dans ces cas-là.

— Oui, je suis en art aussi, mais on se voit dans le club de tir à l'arc.

Elle espérait que la chute n'avait pas été trop mal, mais visiblement, cela avait déstabilisé la jeune femme. Catherine allait lui proposer d'aller au stand d'infirmerie quand justement Kaori lui parla d'avoir mal au genou.

— Je sais qu'il y a un stand d'infirmerie proche des clubs sportifs. Est-ce que tu veux que je t'aide à te rendre?

Catherine s'inquiétait pour elle, n'aimant pas voir les gens blessés. Fort heureusement, dans les moments de calme, elle avait analysé le plan des kiosques.

Oui, Kaori s'était bien amochée. Seulement elle n'aimait pas l'admettre, elle n'aimait pas se montrer vulnérable alors que la plupart du temps, elle l'était beaucoup. Mais bon. C'était peut-être un déni synonyme d'un mécanisme de défense. En fait, c'était définitivement ça. Elle essayait d'ignorer la douleur mais celle ci irradiait dans tout son corps, de ses membres inférieurs (puisque ses genoux avaient pris un bon coup) à son coeur, qui battait la chamade d'émotion et de honte.

Son interlocutrice lui dit qu'elles se croisaient au club de tir à l'arc. Mais oui, c'était ça ! Kaori fut contente de remettre la main sur la connaissance qu'elle avait de cette brune. C'était ça de gagné. Déjà qu'elle était gentille d'avoir voulu prendre des nouvelles de la blondinette, elle se devait de connaitre son nom. Son nom... Catherine ! Oui c'est ça !

- Ah oui je vois ! Catherine c'est ça ?

Oups. Kaori fut envahie par la peur de s'être trompée sur le nom. Ce serait encore la honte si jamais ça s'avérait vrai ! Elle commençait à paniquer encore plus mais il fallait se ressaisir. Elle se força à reprendre ses esprits et à se concentrer pleinement sur le moment tout en ayant confiance en elle. Son coeur se mit à battre un peu plus lentement, s'approchant de son rythme habituel et normal. Elle fut assez lucide pour entendre la proposition de Catherine (si elle s'appelait bien comme ça) qui lui suggéra de l'accompagner au stand d'infirmerie.

- Oh oui, ce serait génial, merci !

Kaori avait exprimé ses mots de manière enjouée. Elle avait offert à Catherine un grand sourire en guise de remerciement, et s'était rapprochée d'elle doucement.

- Alors, est-ce que... tes cours se passent bien ?

Quitte à voyager un bout de temps ensemble, elle en profiterait pour en apprendre un peu plus sur son interlocutrice et peut-être, devenir moins solitaire, qui sait ?

En parlant du club de tir à l'arc qu'elles avaient en commun, Catherine vit l'illumination dans le regard de l'étudiante. Elle l'avait replacé et se souvenait même de son prénom. Cette fois-ci, c'est l'artiste qui fut surprise, elle avait peu l'habitude qu'on l'appelle par son prénom à présent.

— Oui, oui, c'est bien ça!

Elle ne la reprit pas sur les formules de politesse japonaise, car d'une part, elle-même n'avait pas été élevée dans cette culture et d'autres parts, car même un Japonais ne reprenait pas un étranger qui se trompait sur les formules de politesse.

La jeune fille semblait mal en point et Catherine avait presque peur qu'elle refuse son aide un peu par orgueil, mais finalement, elle accepta et la jeune femme s'approcha donc, passant un bras sous le sien pour l'aider à marcher. Elle se doutait que chaque pas serait douloureux.

— On va passer par l'arrière des stands, l'herbe va être plus facile à marcher que la pierre du sentier, ça va amortir le pas et faire moins de pression sur tes genoux.

Elles marchèrent donc lentement, mais surement, vers le stand d'infirmerie. Catherine suivait le rythme de Kaori et s'assurait de ne pas la presser, mais de bien la soutenir si jamais les jambes faiblissaient. Elle était beaucoup plus petite qu'elle et pourtant, Catherine ne se considérait pas une grande femme. Pendant qu'elles marchaient, la blonde lui demanda si ses cours se passaient bien. Hochant la tête, Catherine restait concentrée sur son aide.

— Oui, j'espère avoir bien réussi en classe. J'ai hâte de voir les défis de la prochaine année déjà. Je crois que tu as une année plus que moi, non? Je termine ma première année.

Elles avaient réussi à se rendre au deuxième kiosque, plus que trois autres avant de tourner et de trouver le stand d'infirmerie.

Catherine aida comme elle put Kaori. Elles placotaient tranquillement alors qu'elles avançaient doucement vers le kiosque d'infirmerie. Catherine la savait plus haut niveau qu'elle en terme d'années scolaires, mais elle n'avait pas l'impression qu'elle était plus vieille qu'elle. Il faut dire, Catherine avait suivi déjà des formations scolaires un peu plus avancées avant de venir au Japon et elle était donc souvent plus vieille que les personnes dans la même année scolaire qu'elle. Fort heureusement, il n'y a pas d'âge pour l'université. Donc elle n'en disait pas un mot, surtout que cela devenait compliqué avec les formules de politesse, et tout. Elle apprit donc que sa collègue de club de tir à l'arc était même deux années plus avancées, terminant donc sa troisième année. Catherine qui venait de terminer sa première année n'osait même pas songer à ce qu'elle serait dans deux ans.

Elle lui sourit, à la fois pour répondre à son sourire que pour l'encourager. Ses blessures n'avaient pas l'air très jolies à voir, mais Catherine savait que c'était pire en apparence que ce ne l'était réellement. Cependant, Kaori sembla paniquer un peu et se distança de Catherine, qui respecta la distance imposée. Elle afficha une mine réellement inquiète.

— Non, je sais.

Elle ne savait pas trop quoi rajouter d'autres en fait, et fut un peu mal à l'aise aussi, se demandant si elle n'avait pas fait quelque chose de mal. Levant la tête, elle voyait déjà le kiosque en question.

— Regarde, c'est le kiosque juste là, avec les bannières blanches et rouges.

Il était facilement reconnaissable et plus que quelques mètres à franchir avant d'y arriver.

— Est-ce que tu préfères y aller seule?

Bien qu'inquiète, elle savait que l'étudiante arriverait sans trop de mal au kiosque d'infirmerie. Elle la remercia et lui demanda alors, un peu pour changer de sujet, dans quelle spécialité qu'elle était.

— Je suis en dessin. J'ai touché à différents médiums, mais c'est celui que je préfère.

La blondinette avait mal et ça ne faisait qu'empirer. Elle comprenait que Catherine veuille l'aider, mais ça la gênait beaucoup. Elle se sentait honteuse d'être dans un tel état. Pourtant si les rôles s'étaient inversés, Kaori aurait aussi aidé Catherine sans jugement, avec juste la bonté et l'envie d'aider autrui, mais là, elle ne comprenait pas qu'on soit aussi gentille avec elle. C'est vrai, elle n'avait rien demandé et la jeune brune avait été là pour elle, au taquet. Mine de rien, ça réchauffait le coeur. Parfois, il n'en fallait pas plus, vous savez ?

Alors que Kaori signalait à sa camarade du club de tir à l'arc qu'elle n'était pas obligée de l'aider, elle répondit qu'elle savait. Oui, sûrement, ce qu'elle avait dit était un peu stupide en fait. Mais elle ne faisait pas particulièrement gaffe. Elle réagissait à l'instinct, ce qui lui venait en premier, tellement elle était vulnérable. Enfin, à force de marcher, elles arrivèrent doucement à leur but et Catherine le fit remarquer. Cela arracha un sourire à la blondinette qui était contente qu'elles y soient presque. Plus que quelques mètres. La brunette demanda alors si Kaori voulait se rendre seule au kiosque. Après tout, il ne restait qu'une petite distance... Avant qu'elle puisse réagir, sa camarade lui dit qu'elle était en spécialité dessin.

- Oh c'est super ça ! Je suis en design grahique alors on est complémentaires on peut dire. Ce sera un plaisir de travailler avec toi un jour ! Pour l'heure je vais juste aller me faire soigner, et on verra... Merci encore, Catherine, et à bientôt !

Cela pouvait paraître un peu précipité, mais de toute façon Kaori savait qu'elles se recroiseraient bientôt au tir à l'arc et qu'elles pourraient alors apprendre à mieux se connaitre, peut-être. Elle se dirigea sur ces mots vers le kiosque et se fit vite prendre en charge par les étudiants qui s'occupaient des premiers soins. Alors qu'elle faisait des grimaces parce que les soins lui faisaient un peu mal, elle redirigea son regard en direction de là où elle avait laissé Catherine et lui adressa un sourire. C'était vrai qu'elle se sentait mieux maintenant qu'elle était un peu seule... En y repensant, oui, c'était sûrement le contact physique et sa vulnérabilité du moment qui l'avait poussée à criser. Mais c'était fini, maintenant, tout allait bien !

Alors qu'elles étaient presque rendues, Kaori fit une pause en se détachant de Catherine. Respectant son choix, l'artiste se dit qu'elle avait peut-être été trop loin. Au moins, par contre, il ne restait plus beaucoup de chemin à faire. L'étudiante blonde lui dit qu'elle était plutôt en spécialité design graphique, ce qui était assez proche du dessin que des autres médiums, mais en version électronique. Hochant la tête à l'invitation de faire un projet ensemble, Catherine lui fit un sourire.

— En effet! Fais attention à toi!

Elle la regarda se diriger vers le kiosque d'infirmerie à quelques pas et vit qu'elle se fit prendre en charge rapidement par le personnel soignant. Lorsqu'elle vit le sourire que Kaori lui fit alors qu'elle se faisait soignée, Catherine lui envoya la main avec un sourire avant de repartir dans sa quête vers les kiosques du club de cuisine.