« Il y a un léger problème avec vos papiers, il faudrait qu'on voie le tout ensemble... »

Catherine écoutait à nouveau le message sur sa boite vocale. Elle avait manqué l'appel pendant qu'elle était à la bibliothèque pour le travail. Son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine. La fin d'année approchait et bien que son visa d'étudiant était toujours en règle, elle commençait à se demander s'il n'était pas obligatoire de renouveller le visa à chaque année. Sinon, peut-être qu'elle avait mal remplit les formulaires pour l'inscription des cours de l'année suivante. Pire, l'artiste n'avait peut-être pas les notes requises pour continuer son parcours! Elle savait que le système scolaire était beaucoup plus exigeant au Japon qu'au Canada et bien qu'elle était plutôt assidue à ses cours, elle n'arrivait pas toujours à démêler les relevés de notes chaque trimestre.

Catherine réussit à prendre rendez-vous au secrétariat pour rencontrer le gestionnaire de scolarité, Dai Murakami. Elle s'était préparée la veille avec un dossier rempli de copie des différents documents qui pouvaient être nécessaires pour la rencontre. Ainsi, il y avait une copie de son visa d'étude, de son passeport, de sa carte étudiante, de ses différents bulletins, de son contrat de travail à la bibliothèque, de son formulaire d'inscription, bref un tas de papiers importants qui se tenait bien en sécurité dans la chemise beige.

Complètement nerveuse, elle se dirigea au moment venu vers le bureau du gestionnaire. Prenant une grande respiration avant de frapper à la porte, elle entra lorsqu'on l'invita. S'inclinant respectueusement pour saluer, elle tentait de rester calme.

— Bonjour, je suis Catherine Kissouri.

Présentant le dossier avant de prendre place sur la chaise, elle continua.

— J'ai fait une copie des différents documents, j'espère qu'il ne manque rien. Je ne comprends pas trop ce qui a pu manquer. Est-ce que je suis toujours inscrite pour l'année prochaine?

Il y avait un peu de panique dans sa voix même si elle tentait de se contenir.

— C'est vraiment très important pour moi, je sais que j'ai peut-être un peu de difficulté, mais je donne tout ce que je peux pour être à la hauteur des épreuves.

Visiblement, l'artiste avait l'impression que sa place à l'académie était en jeu probablement plus à cause de ses origines que de ses talents. Ses yeux bleus ressentaient le désespoir d'apprendre qu'elle n'avait plus qu'à faire ses valises et retourner d'où elle venait. Pourtant, elle n'avait jamais autant ressenti être chez elle que depuis qu'elle était arrivée, et ce, malgré toutes les difficultés culturelles, de langues et de l'éloignement de tous ceux qu'elle connaissait.

Qui dit période de fin d'année dit forcément grosse période de travail... Outre la préparation du festival de fin d'année qui lui demandait de remplir les dossiers et discuter avec bon nombres des organisations étudiantes, il y avait bien entendu les dossiers d'inscription pour l'année à venir... les nouveaux venus et les réinscriptions... En bref, la scolarité croulait sous le travail. Littéralement. Son bureau comme celui de sa collègue Beatrix étaient couverts de dossiers en cours, photocopies, trombones et post-its.. Malgré tout, le bureau de Dai restait incroyablement proprement rangé. Certes, il était plus encombré, mais tendance maniaque oblige, tout était parfaitement rangé en pile parallèles les unes aux autres, le tout trié par ordre d'arrivé.

La semaine précédente, il avait pris le temps de vérifier les dossiers des étudiants étrangers. Il les avait trié à part des autres car ils exigeaient en général un travail un peu différent. La sélection de l'académie faisait que tout ce beau monde maîtrisait plutôt bien la langue, ce qui éliminait pas mal de soucis. Mais ce n'était pas la même chose pour ce qui était du système administratif ! Dans leur cas, ça leur faisait une corvée de plus, et certains avaient parfois tendance à oublier des étapes. D'où la vérification... et suite à ça, Beatrix et lui avaient convoqué plusieurs étudiants pour reprendre ensemble leur dossier histoire de rattraper tout ça avant la fermeture administrative de l'établissement. D'autant que pour certains, leur visa était aussi en jeu...

Du coup, il était un peu fatigué aujourd'hui. Il enchaînait les rendez-vous de ce type depuis le matin. En fonction des pays dont les gens venaient, il fallait en plus bien vérifier ce qui avait cours en terme de règlement, ce qui rajoutait une pression supplémentaire. De leur côté, les étudiants oscillaient entre inquiétude angoissée et je m'en foutisme stupide, cette dernière tendance ayant toujours le don de l'énerver... mince à la fin, c'était pour eux qu'il se décarcassait ! Ils pourraient y mettre du leur... Il venait d'ailleurs de finir avec un étudiant comme ça, le genre à considérer que tout lui était dû et que tout ça était de leur faute... il se massait donc les tempes, sentant venir le début d'un mal de crâne causé par la fatigue quand on frappa à la porte. C'était déjà parti pour le rendez-vous suivant !

"Bonjour Kissouri-san, entrez, installez vous. Juste le temps de retrouver votre dossier et je suis à vous."

Bon en fait ça n'allait pas lui prendre trop de temps puisqu'en toute logique, et en homme bien organisé, le dossier suivant était tout au dessus de la pile. Juste le temps de le reparcourir pour se rappeler de ce qu'il en était et trouver le post-it sur lequel il avait indiqué les soucis à résoudre.

Mais, petite originalité, la jeune femme lui laissa à peine le temps, elle lui tendait d'ores et déjà un dossier plein de documents photocopiés. La bonne nouvelle, c'est qu'au moins ils allaient rapidement trouver la solution ! Par contre, ça sentait la panique à plein nez ! Il tâcha de sourire, se voulant rassurant.

"Je suis sûr que ça va vite se résoudre, ne vous inquiétez pas. Ma collègue avait repéré plusieurs erreurs dans votre dossier, on va pouvoir reprendre ça ensemble."

Dai la trouvait anormalement angoissée. Enfin, dans le sens où elle semblait se faire tout un monde de cette convocation... alors qu'eux ne faisaient qu'appliquer, en soi, ils n'avaient aucune idée du niveau ou des compétences des étudiants... Il réveilla l'ordinateur, histoire que celui-ci puisse aller chercher le dossier de Catherine, histoire de voir s'il y avait quelque chose à voir de ce côté.

"À première vue il n'y avait rien de trop grave. Vous remplissez les critères pour avoir le droit de vous rinscrire, il nous manquait quelques informations sur votre situation actuelle."

Il attrapa un formulaire dans l'un des trieurs de son bureau, là aussi, parfaitement organisé.

"Je pense que le plus simple ce serait de remplir ce formulaire, comme ça nous pourrons mettre toutes vos informations à jour rapidement. Comme vous pouvez voir, certaines lignes nécessitent de fournir des justificatifs, que j'imagine vous avez ramenés, donc ça devrait aller vite !"

Il était tout souriant, il aimait bien quand les gens faisaient des efforts et se donnaient la peine, ça donnait envie de les aider...

"Nous avons vu aussi que votre visa allait arriver à terme d'ici trois mois. Vous avez commencé les démarches pour le renouveler ?"

Sous l'invitation du gestionnaire, Catherine entra dans le bureau et prit place sur la chaise qu'il lui désignait. Bien qu'il était normal qu'il ait un dossier à son nom, tout cela n'était pas pour la rassurer et alors que son coeur battait la chamade, elle sentait des sueurs froides dans son dos. Elle lui tendit d'ailleurs le dossier qu'elle avait elle-même préparé et qui, elle l'espérait, permettait d'avoir suffisamment d'information et de copie à l'intérieur pour prouver... Prouver quoi d'ailleurs? Elle ne le savait pas, mais elle espérait de tout coeur que cela irait bien.

Sans lui répondre complètement concernant son inscription pour l'année prochaine, il se voulut rassurant en lui parlant. Alors qu'il prenait place, ce n'est qu'à ce moment qu'elle réalisa la particularité de la chevelure du gestionnaire. Il avait tout le profil d'un japonais, par sa taille et son poids, ses cheveux noirs et ses yeux marron, mais les trois bandes décolorées avaient de quoi surprendre. Surtout qu'à voir le bureau, si bien rangé, il y avait de quoi se demander si cela avait été accepté par l'administration. Enfin, peut-être que c'était un super gestionnaire et que ses patrons lui avaient permis cette extravagance, ce qui était peu japonnait comme pensée. En même temps, son patron et bibliothécaire se promenait avec des chapeaux à longueur d'année, tous plus unique les uns que les autres.

Prenant une grande inspiration, Catherine tentait de calmer ses battements de coeur alors que sa main tournait sans cesser l'ourlet de sa jupe. Elle hochait doucement la tête en accord avec les propos du gestionnaire. Lui tendant un formulaire, Catherine le prit et machinalement, lui posa la question qu'elle avait l'habitude de poser à propos des formulaires.

— En majuscule?

En le disant, elle regarda le formulaire en japonais et comprit que sa phrase n'avait aucun sens à présent. Rougissante, elle secoua la tête en sortant un stylo de son sac.

— Je... oubliez...

Vu qu'en français et en anglais, les lettres s'écrivaient de différentes façons, majuscule, minuscule, attaché, imprimerie, c'était souvent demandé pour les formulaires d’écrire en caractère d'imprimerie ou en majuscule afin de bien comprendre ce qui était écrit. Le japonais n'avait pas cette variante et sa question n'avait donc aucun sens à présent. Elle devait passer pour une gourde avec sa réplique. Elle répondit aux premières questions qui étaient assez sommaires avec le nom, date de naissance, adresse, etc. Elle en venait aux questions plus complexe lorsque le jeune homme lui demanda si elle avait commencé les démarches pour son visa. Le visage blême, elle leva la tête du formulaire pour poser ses yeux bleus perdus sur lui.

— Mais... on m'a dit qu'il était bon pour 3 ans et que si mes études étaient plus longues, je devrais le faire renouveler?

Elle était complètement perdue à présent. Prenant son dossier, elle observa alors le document qui parlait justement de son visa, tout en japonais. Elle avait beau le relire, elle ne comprenait pas la subtilité entre la pré-autorisation pour trois ans, avec renouvellement à chaque année et le fait qu'il soit bon pour trois ans. En fait, elle avait l'autorisation d'étudier pour trois ans, mais devait le renouveler à chaque année tout de même. Si ses études duraient plus de trois ans, elle devrait faire une nouvelle soumission complète, mais cela n'empêchait pas qu'il fallait qu'elle soumettre des documents comme quoi elle étudiait toujours.

- Ce n'est pas ça qui est écrit dessus?

Elle lui tendit le document en question, attendant de voir ce qu'il lui répondrait, le ventre serré.

Son rendez-vous suivant était arrivé. Il fatiguait mais il comptait bien faire son travail jusqu'au bout. Il espérait juste que la personne suivante ne soit pas un de ces gens qui se moquent de tout, ou qui considèrent que c'est de votre faute s'ils se sont trompés ! Il risquait de s'énerver pour de bon ! Mais ce fût plutôt tout l'inverse. C'est une jeune femme angoissée au possible qui prit place face à lui de l'autre côté bureau. Le temps de retrouver son dossier, de se rappeler ce qui posait soucis et de réveiller l'ordinateur, il avait tenté de la rassurer. C'était embêtant, mais rien qui ne pouvait pas facilement se résoudre. Des informations à mettre à jour et une démarche à faire pour son titre de séjour. En plus, elle était venue avec tous les documents possibles et imaginables, alors ils en verraient vite le bout !

Est-ce qu'il avait été trop sec malgré ses efforts ? Est-ce que la fatigue de sa journée avait malgré tout transparu dans sa voix ? Parce que malgré son discours, Kissouri-san semblait stresser encore plus qu'en entrant. Allant même jusqu'à poser une question qu'il ne comprit pas. Il releva le nez de son ordinateur, perplexe.

"En... majuscule ?"

Il battit un peu des paupières, se retenant de lui répondre qu'écrire avec un crayon serait plus facile. Mais il se retint à temps. Ça ne servirait pas à grand chose ! Mais en attendant il se creusait la tête pour comprendre ce qui se cachait derrière cette étrange question. Question qu'elle-même laissa tomber dans la foulée. Il ramena les yeux vers son écran, toujours à réfléchir à toute allure... Il tomba alors sur la photocopie de son passeport et comprit d'un seul coup.

"HAAAAAAAAAAA ! Oui non effectivement... en japonais on n'a pas ça... En ce qui vous concert si vous le pouvez écrivez votre nom en katakana ou en romanji, en fonction de ce avec quoi vous êtes le plus à l'aise. Nous avons les deux dans la base de donnés normalement. Je vais en profiter pour vérifier d'ailleurs !"

Il essaya de sourire gentiment. C'est vrai que le changement d'alphabet pouvait être un problème pour certains. L'université faisait une sélection, si bien que les problèmes de langue étaient quand même plutôt rare. En général les étudiants savaient quand même écrire leur nom. Mais ce genre de petites incompréhensions arrivaient et expliquaient parfois les soucis dans les dossiers.

"Je sais que des fois on a des étudiants étrangers qui aiment trouver l'équivalent en kanji pour leurs noms... vous pouvez faire ça en cours ou vos amis si ça vous amuse, mais je vous déconseille de faire ça sur vos document officiels ! Ça ne correspond pas à ce que les administrations ont enregistrés alors on ne les retrouve pas, et trop souvent les étrangers se trompent..."

Bref, c'était joli et rigolo pour les étrangers qui voulaient se plonger pleinement dans leur environnement, mais c'était une perte de temps incroyable côté administration... une autre raison de râler entre eux ! Encore que cela lui offrait une occasion de plaisanter avec Beatrix sur les inventions (ratées) des étudiants, un des rares moments où il se rendait compte qu'en vrai, il l'appréciait quand même un peu.

En attendant, il expliqua à l'étudiante qu'il y avait un léger soucis avec son visa, et quand il voulut s'assurer qu'elle avait démarré ses démarches, elle paniqua littéralement. Il fût un peu surpris et quelque peu désarçonné. Il leva les mains comme en signe de reddition, la panique de la jeune fille étant légèrement contagieuse il se retrouva à bégayer un peu.

"non mais euh enfin si mais euh... pas tout à fait... enfin..."

Il reposa les mains bien à plat sur son bureau, tâcha de reprendre son souffle, repositionna nerveusement de manière bien parallèle les dossiers déjà sur la table, qui étaient déjà parfaitement rangés aux yeux du reste du monde, mais que selon lui les mouvements de la jeune fille avaient perturbé... et réussit à reprendre la parole tant bien que mal...

"C'est vrai que le système n'est pas très intuitif. Vous avez bien un visa pour trois ans, mais c'est un statut particulier comme vous êtes là en études. À la fin de la première année il vous faut transmettre les documents montrant que vous avez bien suivi les études pour lesquelles vous avez eu votre visa. C'est ce qu'on va regarder ensemble aujourd'hui, on va faire votre dossier et je vais vous montrer comment prendre rendez-vous avec les services publiques pour que vous puissiez leur transmettre. C'est un peu fastidieux, mais la bonne nouvelle c'est que c'est une démarche que vous ne faîtes que cette année. Vous n'aurez à le refaire qu'au moment du renouvellement de votre visa."

Il avait parlé un peu vite, sous le coup du stress... ce qui n'était sans doute pas une bonne idée pour une étudiante étrangère... Il tâcha de reprendre sur un rythme plus calme, mais ne pouvant empêcher sa main gauche de farfouiller nerveusement dans la boîte de trombones.

"Je ne sais pas si c'était clair... vous avez des questions ?"

Ce ne devait vraiment pas être plaisant pour le gestionnaire de voir passer plein d'étudiants dans son bureau. Catherine n'était pas non plus la plus facile à traiter, étant étudiante étrangère, mais il tenta de la mettre à l'aise malgré tout. Alors qu'elle allait remplir le questionnaire, elle lui posa naturellement une question qui au final n'avait aucun sens. Bien qu'elle lui dit d'oublier en secouant la tête et tentant de ne pas paniquer, il finit par comprendre tout de même ce qu'elle avait voulu dire et lui proposa plutôt entre deux des écritures japonaises pour son nom. Elle répondit à son sourire par un sourire un peu gêné.

— J'ai appris pour mon nom en katakana, mais je ne crois pas que je peux remplir au complet le formulaire de cette façon. Est-ce que c'est mieux si j'écris tout en romanji alors?

Si c'était vrai que les kanji étaient plus rapides pour l'écriture, elle ne serait quand même pas allée à l'utiliser pour un document officiel, mais elle pouvait comprendre que les personnes étrangères préfèrent le prendre. Sa grand-mère lui avait bien expliqué les différences entre les différentes écritures, sans vraiment lui montrer tout, mais elle lui avait montré à écrire son nom dans les différentes façons.

Alors qu'elle remplissait son formulaire tranquillement, traçant bien les symboles, le gestionnaire vint lui poser la question sur le visa. Son coeur ne fit qu'un tour et elle eut l'impression que son sang se figeait dans son corps. Elle était bien persuadée que tout était en ordre et sortit les documents concernant son visa pour lui montrer. Sa visible panique eut comme effet de faire également paniquer le jeune homme en face d'elle. Sa réplique ne fut pas du tout compréhensible par la jeune artiste, en raison du bégaiement.

— Euh, pardon?

Le choc de ne pas comprendre l'emporta sur l'onde de panique et alors qu'elle soufflait un peu, il reprit sur lui. Il expliqua en long et en large les particularités de son visa. Si elle le laissa aller tout le long, elle finit rapidement par ne plus se souvenir du début et le regardait avec de grands yeux interrogateurs au point que lui-même lui demanda si c'était clair.

— Euh... non, pas du tout.

Elle afficha un air désolé, peinée d'avoir autant de difficulté à tout comprendre.

— Je suis désolée, je ne suis pas habituée à faire autant de démarche et j'avoue que plus ça va, plus ça me dépasse.

Sa voix était un peu triste. Peut-être qu'au final, ce n'était pas l'administration le problème, mais bien elle. Peut-être qu'elle ne méritait pas cette chance de voyager.

— Est-ce que je vais pouvoir rester ici à étudier l'art?

Sa voix était suppliante. Elle espérait de tout coeur parvenir à rester dans cette université malgré les troubles qui avaient suivi les uns après les autres depuis son arrivée. Elle avait travaillé si fort pour parvenir à cette fin d'année et avait appris beaucoup au cours de celle-ci. Bien qu'elle n'était pas une personne sociable, du moins lorsqu'elle était au Canada, elle avait appris tranquillement à se faire des liens avec les autres étudiants, se sentant beaucoup plus proche d'eux au final, mais aussi, elle avait appris sur elle-même et avait peur de perdre cela si elle devait partir.

Sur le formulaire qu'elle remplissait, il y avait une section parlant du logement, si elle résidait dans les dortoirs liés à l'académie ou ailleurs et, dans lequel cas, de fournir une preuve de résidence. Elle interpréta mal la question comme étant de devoir fournir une copie de preuve de maison, sans comprendre que la lettre indiquait tout autant des appartements ou autre, et que la preuve n'était pas obligatoirement une lettre de la banque pour prouver une hypothèque, mais que la copie d'un bail de location était suffisante.

— Euh, au point 7, c'est indiqué une preuve de maison, mais je n'ai pas de maison...

Ses yeux semblaient si souvent interrogateurs que c'était à se demander si elle pourrait avoir une autre expression en sortant de ce local.

Écrire tout le formulaire en romanji... ça poserait problème. Il se débrouillait à peu près mais tous ces collègues n'étaient pas à l'aise avec et ça pourrait poser d'autres soucis. Heureusement, depuis les quelques années qu'il était là, il avait pris le temps de produire un glossaire dans plusieurs des langues les plus représentées dans l'Académie. Ça permettait de compenser les difficultés de langue administrative et d'être sûr d'éviter les coquilles de google translate. Il ouvrit un tiroir et en sortit un classeur souple avec différents intercalaires, un pour chaque langue.

"Quelle langue parlez-vous ? Il vaut mieux remplir le formulaire en japonais, même si c'est en hiragana... tous mes collègues ne maîtrisent pas l'alphabet romanji. Mais j'ai des fiches de vocabulaire dans plusieurs langues avec les principaux termes, ça devrait vous aider. Je peux vous en imprimer une version à ramener chez vous si ça peut vous aider."

Dai lui tendit le classeur à la page correspondant à la langue qu'elle avait demandé. Il n'y aurait sans doute pas tout, mais au moins elle aurait l'essentiel !

Malgré tout, ça n'empêcha pas la panique de monter de part et d'autre du bureau. Un peu comme un genre de ping pong anxiogène. Reste à savoir lequel des deux allaient laisser tomber la balle le premier ou s'ils étaient aussi crétin l'un que l'autre pour continuer à se la renvoyer jusqu'à l'infini ! Il avait parlé trop vite, incapable de s'arrêter, et bien sûr il l'avait perdue. Il s'en voulait terriblement d'avoir ainsi failli à la tâche ! Il se paralysa complètement, tout le buste et le visage étaient comme gelés sur place, pendant que sa main triturait frénétiquement les bords des piles de papier... Il fixait l'étudiante complètement incapable de comprendre ce qui se passait ni comment la situation avait pu en arriver là.

Un bruit sourd lui parvint du couloir, des étudiants qui couraient... ce qui eu pour effet de briser l'espèce de transe dans laquelle il s'était coincé. Il secoua la tête, il fallait qu'il trouve comment lui expliquer.

"Oui bien sûr, de ce que je vois dans mon ordi, vos notes sont bonnes, à partir de là, et tant que vos papiers sont en règle, il n'y a pas de problème pour nous. C'est juste.... je vous montre."

Il attrapa une feuille blanche dans l'imprimante, une règle et un crayon. Il traça une grande ligne du temps.

"Ça c'est la durée générale du visa. Là c'est votre arrivée au Japon, début de validité"

Sur cette ligne, toujours aidé de la règle, il inscrivit une marque au premier tiers de la ligne.

"Ça c'est l'étape où nous sommes, la première année. Il faut simplement confirmer à l'administration que vous avez bien fait ce pour quoi on vous a donné ce visa. Donc leur transmettre les bulletins de notes et de présence de cette année. Ce que je vais vous donner aujourd'hui, ce sera des versions temporaires parce que les officielles ne sont pas prêtes encore, mais ça suffira pour l'instant."

Il écrivit à côté du très, avec l'écriture la plus régulière qu'on ait pu voir, les documents nécessaires qu'il venait d'évoquer. Puis il glissa jusqu'à la fin de la ligne du temps et là aussi, commença à écrire les documents nécessaires, toujours de sa belle écriture.

"Et dans deux ans, il faudra refaire tout votre dossier pour un nouveau visa si vous souhaitez continuer à étudier ici, le dossier à fournir sera alors beaucoup plus gros..."

Il lui tendit la feuille sur laquelle il avait écrit tout ça pour qu'elle puisse en garder une trace écrite. Il se sentait un peu mieux... Pour le coup, il voyait mal comment il pourrait être plus clair...

"C'est mieux comme ça ?"

Pitié faites que ça soit mieux... Qu'est-ce qu'il allait pouvoir inventer si ça ne marchait toujours pas ? En plus, c'était vraiment bête parce qu'à première vue, il n'y avait rien qui clochait dans son dossier, juste une mise à jour à faire à l'académie et une démarche à faire pour être sûr d'être à jour.

À moins que... la question suivante lui fit lever des yeux toujours aussi paniqués vers elle. Peut-être bien que oui, il y avait un gros problème !! Pas de logement ?? Mais comment on avait pu laisser une étudiante toute seule à la rue comme ça ??? C'était indigne de l'académie ! Il afficha soudainement un air mi-inquiet mi-affolé.

"Depuis quand n'avez-vous plus de logement ? Il s'est passé quelque chose pour que vous vous retrouviez dans cette situation ? Vous auriez dû venir nous voir, on aurait cherché ensemble une solution. On ne va quand même pas laisser une de nos étudiantes à la rue ! Je comprends mieux que vous soyez inquiète à ce point dans cette situation..."

Chaque situation semblait se trouver une solution avant de rempirer. C'était à savoir si l'une des deux personnes dans ce bureau sortirait vivant de cet entretien à cause de la panique montante de part et d'autre du bureau. La réaction de l'un avait un impact sur la réaction de l'autre et on se demandait bien qui des deux finiraient par comprendre ce qu'il devait vraiment avoir lieu.

Premier problème résolu, l'écriture du formulaire. Le gestionnaire avait des feuilles avec les correspondances selon différentes langues et lui proposa même de lui faire une copie personnelle, ce qui l'aiderait sans aucun doute pour l'avenir.

— Français et anglais, mais le français est ma langue maternelle. Si ça ne vous dérange pas, est-ce que vous pouvez me faire une copie dans les deux langues? À force de connaitre plusieurs langues, parfois j'oublie des mots dans l'une ou l'autre.

Aussi, c'était parfois plus facile pour certaines situations dans l'une ou l'autre langue. Il faut dire, si l'anglais et le français se ressemblaient quand même beaucoup, on était très loin avec le japonais. Avec la fiche en main, elle pouvait aisément remplir le questionnaire et au pire, demander une précision si une section n'était pas couverte dans les possibilités.

La suite ne fut pas des plus faciles et le gestionnaire perd complètement Catherine qui n'arrivait plus à suivre à cause de la panique. Elle sursautait en même temps que lui avec le bruit de pas rapide dans le couloir derrière elle. Bien que la porte était fermée, elle avait entendu la course faire par au moins deux ou trois étudiants. Cette idée de courir dans les corridors! Ramenant son attention vers le gestionnaire, Catherine l'écouta alors qu'il décortiquait alors ses propos, s'aidant même d'une feuille pour tracer les différentes étapes. Elle hocha la tête, prenant bien le temps de comprendre et de garder son attention sur ce qu'il indiquait.

— Donc, juste pour être certaine que je comprends bien, c'est juste de confirmer que je suis bien étudiante et que j'ai les résultats escomptés pour garder ma place à l'académie et au Japon. Puis dans deux ans, lorsque mon visa arrive à terme, je dois refaire ma demande de visa pour finaliser mes études, c'est ça?

Elle espérait avoir bien pigé le truc.

— Mais dans deux ans, je fais une demande différente, vu que je vais être déjà ici, ou je peux refaire la même demande? J'imagine que je dois fournir les résultats de mon cursus et où je suis rendue pour justifier le prolongement, c'est ça?

Elle semblait enfin mieux comprendre et posait plus des questions de compréhension, afin de s'assurer que tout était vraiment clair dans sa tête, mais ça devenait de plus en plus logique. Elle commençait aussi à être plus calme, on réglait tranquillement chaque point et il fallait juste espérer que c'était de mieux en mieux.

Jusqu'à ce qu'elles ne comprennent pas une question où alors les deux reprirent sur la panique en puissance mille. Ce qui lui semblait une question banale se transforma en une catastrophe anxieuse pour le gestionnaire. Elle eut les yeux ronds, agrandis par la peur de sa réaction.

— Je... Mais je n'ai jamais eu de maison!

Elle ne comprenait pas ce qu'il voulait impliquer. Comment une jeune adulte, encore à l'université, pouvait se payer une maison, ça n'avait aucun de sens!

— Mais, et ceux qui sont en dortoir, ils font quoi pour cette question?

Bien oui, eux non plus n'avaient pas de maison!

— Parce que ce n'est pas avec mon travail à la bibliothèque de l'école que je vais pouvoir avoir un prêt... un prêt... un prêt pour une maison!

Elle ne savait pas du tout le mot pour hypothèque, du coup, elle reprenait celui de maison qu'elle connaissait. Par contre, lorsqu'il mentionna qu'elle était à la rue, elle tilta.

— Euh, mais non, je ne suis pas à la rue...

Là, elle était perdue.

Voilà au moins un problème de réglé ! Elle allait pouvoir remplir son dossier tranquillement et au moins tout le monde serait sûr que ça serait correctement rempli. Il était plutôt soulagé de voir qu'avec un peu de patience, ils allaient y arriver ! Il reporta son attention sur son ordinateur et en quelques clics, retrouva les fichiers pour les imprimer. Le bureau de l'ordinateur étant aussi bien rangé que le bureau sur lequel celui-ci était posé, ça allait vite. L'imprimante eut même la politesse de bien vouloir fonctionner du premier coup, un vrai miracle ! Il était soulagé, voilà quelque chose qui marchait. IL tendit les deux feuilles à la jeune femme.

Bon évidemment, rapidement, les choses se réemballèrent à nouveau quand il essaya de lui expliquer le fonctionnement du renouvellement de visa. Un moment de flottement plus tard, il repassa par un schéma écrit pour lui indiquer ce qu'il fallait faire et quand, quels papiers fournir et à qui. Les choses avaient l'air un peu plus claires... ne restaient qu'à vérifier qu'ils s'étaient bien compris tous les deux.

"Oui voilà c'est tout à fait ça ! Dans deux ans le dossier sera légèrement différent de quand vous l'avez fait depuis votre pays d'origine, puisqu'effectivement vous êtes déjà sur place. Normalement, ce devrait être un peu plus simple. On vous demander sans doute l'ensemble de vos relevés de notes, justificatif de domicile, vos revenus, ainsi que la preuve de votre future inscription. Rien de bien sorcier donc !"

Il réfléchit un instant, tâchant de se rappeler quels étaient les principaux soucis rencontrés par les étudiants à cette étape.

"Enfin rien de bien compliqué si vous n'avez pas perdu vos documents au fur et à mesure... il faut bien faire attention à tout garder d'accord ? Sinon après il faudra qu'on retrouve le tout et ça peut parfois être compliqué..."

Après le typhon notamment, des dossiers avaient été détruits ou perdus et il avait difficile de pouvoir fournir des copies aux étudiants qui n'avaient pas été suffisamment consciencieux avec leurs propres documents... alors ils avaient tiré les leçons de l'événement, mais on n'était jamais à l'abri de futurs ennuis...

Parlant de futurs ennuis ! La panique n'était semble-t-il pas partie bien loin puisque quelques minutes seulement suffire pour que surgisse un nouvelle question qui le laissa complètement sans voix. Comment ça elle n'avait pas d'habitation ??? La suite de questions qui fusa le laissa bredouillant, marmonnant...

"Comment font... les étudiants en dortoir ? ... et bien... euh... ils... ils... ils fournissent juste l'attestation de résidence du dortoir ???"

C'était quand même simple non ??? Même si des fois le papier pouvait être un peu compliqué à avoir parce que les gérants de la résidence travaillent à des horaires bizarres qui ne correspondaient pas à celles des étudiants alors il était obligé d'intervenir mais de toute façon elle n'était pas concernée alors ça ne changeait rien pour elle non ? Pourquoi elle ne lui disait pas simplement dans quel type de logement elle vivait, comme ça il pourrait lui dire quoi fournir et même où le trouver si besoin ?? Qu'est-ce qui se passait à la fin ?

Il était devenu livide et déchirait maladivement une brochure qu'il avait pioché sur le coin du bureau, essayant désespérément de ne pas laisser la panique de l'étudiante l'envahir s'il voulait pouvoir l'aider. Ce n'était pas une franche réussite d'apparence, mais c'était la seule façon qu'il avait de rester concentré à l'intérieur... l'idée lui vint que peut-être elle avait des problèmes de logement, voire pas de logement du tout. Ce qui lui parut absolument intolérable ! Il fallait agir ! Il posa alors la question... mais apparemment...

non ??
et puis c'était quoi cette histoire de faire un prêt ???

Il se mit à battre des bras au dessus de la tête, ce qui avait toujours le don d'amuser Beatrix...

"Attendez attendez PAUSE..."

Il frotta sa tête des deux mains, poussa un profond soupir, étira ses bras par dessus le bureau puis replaça ses mèches en se massant les tempes.

"On recommence... où habitez-vous ? Pas sur le campus si je comprends bien... vous avez une adresse ?"

Faire les choses dans l'ordre, voilà... c'est ça qu'il fallait faire...reprendre les choses dans l'ordre point par point et voir ce qu'il en était vraiment.

"Vous payez un loyer ? Si oui vous vivez seule ou en colocation ?"

C'était un peu comme dans un jeu où il fallait trouver la bonne option à chaque embranchement pour enfin avoir la bonne solution...

C'était une véritable course mentale que pratiquait le gestionnaire et Catherine. Pour un peu, elle était convaincue qu'il ne voudrait plus jamais la revoir dans son bureau. Dans un sens, elle non plus ne voulait pas revivre ce qui se produisait dans le moment. Prenant une grande respiration, cela permit à la jeune femme de reprendre tranquillement la rédaction du formulaire à l'aide des feuilles guides qui l'aidait vraiment beaucoup en fait. Il devrait y avoir des feuilles-guides partout en fait.

Les montagnes russes administratives n'étaient pas encore terminées. Déjà que les paperasses, ce n'était pas une chose évidente, la barrière de la langue n'aidait pas. Elle s'améliorait, mais l'artiste était encore loin d'être parfaitement bilingue. Dans le milieu scolaire artistique, ça allait. Pour ce qui était des courses standards, aussi. À force d'écouter les autres étudiants dans les clubs, elle était même prête à dire qu'elle pourrait faire du « small talk » sans trop de soucis. Par contre, des tâches administratives, cela sortait un peu trop de son quotidien pour qu'elle puisse y arriver sans aide. Elle devait avouer par contre que le gestionnaire était vraiment très attentionné et désirer vraiment qu'elles comprennent, prenant différentes façons pour y arriver comme le schéma qu'il lui dessina en expliquant plus lentement. Elle synthétisa ce qu'elle crut comprendre et au grand bonheur des deux, elle avait enfin compris cette partie. Il la rassura en disant que ce ne devrait pas être compliqué dans deux ans, pourvu qu'elle garde tous ses documents. Elle lui fit un sourire entendu.

— Oui, je garde tous mes documents officiels dans un coffre antifeu et inondation.

Une suggestion de sa mère lorsqu'elle avait emménagé au Japon, d'avoir ce petit coffre qui protège de tout. Avec les tornades, typhons et autres, sa mère lui avait suggéré d'acheter ce coffre qui lui permettrait de garder son passeport, document important et personnel à l'abri de pas mal tout. C'est d'ailleurs ce qui avait sauvé ses documents lors du typhon en juillet dernier et elle était d'ailleurs à se demander si elle ne devrait pas en acheter un deuxième pour ses oeuvres...

Tout semblait enfin se régler. Il ne restait presque plus de détails à ajouter. Mis à par la question du logement. Un légers quiproquo et mauvaise interprétation de lecture entre le besoin d'une hypothèque et de vivre à la rue. La panique remontait en flèche de plus belle des deux côtés du bureau alors qu'ils tentaient en vain de se comprendre. Ce n'est qu'avec une partie de phrase qu'un premier déclic se fit, puis un autre avant que l'homme ne lève les bras dans les airs, demandant un tant d'arrêts. Catehrine avait le coeur qui battait la chamade dans sa poitrine et se demandait si cet enfer allait un jour se terminer. Elle soupira en même temps que lui. Tout cela l'avait épuisée. Elle allait envoyer un texto à Dae après ça pour savoir s'il avait le temps pour prendre un thé.

Penchant la tête sur le côté, elle attendit les questions du gestionnaire avant de lui répondre plus calmement. Il lui demanda son adresse et cela lui prit un peu de temps, sachant qu'au Japon, l'adresse est indiquée à l'inverse de la manière occidentale...

— J'habite à Nara, Naramachi, Takahicko, 3e, 2-340. Je vis seule et je loue le studio.

Voilà l'endroit qui l'avait mis en erreur. Si Catherine ne s'en rendait pas compte, le terme studio était différent dans son écriture par rapport à maison ou appartement. Certaines personnes prenaient des studios pour avoir un lieu de travail différent de la maison alors qu'ils pourraient très bien faire le travail de la maison, alors que d'autre, comme Catherine, y vivait et cela devenait donc une sorte d'appartement, ayant de base toutes les commodités nécessaires, mais en plus restreint. Elle espérait vraiment que ça finirait bientôt ce cauchemar.

"Oh, alors le coffre anti-feu et inondation c'est une bonne idée !"

Il ne pouvait que saluer une telle inventivité. Il était sincèrement admiratif. Vraiment si tout le monde pouvait avoir la même prévenance, on perdrait beaucoup moins de temps dans ce bureau ! Tout le monde à commencer par la direction d'ailleurs ! Un peu amer, il se frotta la nuque en soupirant.

"Si on avait eu ce genre de matériel ça nous aurait évité bien des ennuis après le typhon..."

Plusieurs bureaux avaient été inondés. Le mur juste derrière lui s'était même écroulé en partie sur lui Kyojiro ! De nombreux dossiers avaient donc été perdus ou endommagés et il avait fallu des mois pour que les services administratifs rattrapent le retard causé par ça. Et encore aujourd'hui, ils se retrouvaient avec des dossiers incomplets, ou illisibles, sans doute des conséquences de l'inondation... En bref, depuis des mois, ils n'avaient pas arrêté de convoquer les étudiants les uns après les autres pour éviter qu'ils en soient pénalisés... si ça se trouve, Kissouri-san était justement dans son bureau à cause de ça, il ne pourrait jamais le savoir. Mais ça lui posait vraiment problème que des étudiants comme elle puisse se retrouver dans des états de panique pareils, potentiellement à cause d'une méprise de l'académie.

Il se reprit, ce n'était pas vraiment le moment de se lamenter là dessus ! Ils avaient déjà suffisamment de mal à se comprendre l'un l'autre, alors s'il fallait rajouter les incompétences de la direction, on était pas sorti de l'auberge !

"Pardon je m'égare ! C'est la fatigue."

Et puis la situation s'était emballée à nouveau. Il sentait venir le mal de tête, à ce rythme, son nez allait se transformer en volcan sanguinolent et il allait tâcher son bureau de partout ! Ça serait encore un sacré bazar que tout ça... il demanda un temps mort et tous les deux s'interrompirent. Il devait bien y avoir une solution quelque part... Il se massa les tempes et lui demanda simplement où elle logeait. Enfin, les choses s'éclairaient. Un sourire fatigué se dessina sur son visage. Il était soulagé. C'était un simple problème de langue. Pas un problème de logement. Ouf !

"Ok, donc, il n'y a aucun problème. Est-ce que vous louez auprès d'une agence immobilière ou directement auprès d'un propriétaire ?"

Il essayait de se calmer et de prendre son temps au maximum. Il réfléchissait à comment faire pour parler le plus lentement possible en simplifiant les choses au maximum. Ça ne devrait pas être bien compliqué, avec un peu de bonne volonté, ils allaient y arriver tous les deux.

"Pour le justificatif de domicile. Il faut donner votre bail, c'est-à-dire le papier que vous avez signé quand vous avez emménagé. C'est le contrat de location. Il faut compléter ça avec une facture plus récente. Comme une facture d'eau ou d'électricité par exemple. Est-ce que vous avez ce type de document ?"

On arrivait au bout non ? Pourvu qu'il n'y ait pas d'autres mauvaises surprises !

Il y a de ses journées où on se demande si elle allait enfin terminer. Cette rencontre s'éternisait en longueur par la faute de mauvaises compréhensions. Catherine se sentait responsable de tout cela et ça ne l'aidait vraiment pas à se mettre confortable dans la situation. Le mal de tête s'en venait en plus de la panique généralisée dans son corps. Ils avaient fini par démêler une bonne partie des problèmes quand même et si la tension diminuait, la fatigue augmentait grandement. Une chance qu'elle n'avait ni cours ni club après cette rencontre, elle aurait bien besoin d'un peu de repos. Le gestionnaire félicita l'initiative du coffre anti-feu, avouant qu'il y avait eu des problèmes suite au typhon. Elle s'en doutait un peu, ayant vécu le feu dans une des salles et par les discussions à ce propos lors du retour en classe. Elle savait que certaines parties s'étaient effondrées alors que dans d'autres endroits, l'eau s'était infiltrée. Ce qui l'avait cependant le plus surprise, c'était la rapidité avec laquelle tout avait été remis en état fonctionnel après les vacances estivales qui avaient été plus longues. Enfin, plus longues qu'elles auraient dû être, pour Catherine qui avait l'habitude des cours qui se terminait le 23 juin au plus tard et dont la nouvelle année scolaire recommençait que fin août, début septembre, c'était assez nouveau d'avoir des étés aussi courts. Elle avait encore l'impression d'être en plein milieu de l'année scolaire alors qu'elle se terminait. Il n'y avait pas que le changement d'heure dont il fallait s'adapter, mais aussi tout le style de vie qui était différent.

Il s'était passé un moment, mais Catherine avait été perdue dans ses pensées et n'en tient pas rigueur au gestionnaire qui s'excusa. Elle secoua simplement la tête. Tout cela semblait ne jamais finir. Ce qui devait être qu'une rencontre courte, convaincue d'avoir tout ce qu'il lui fallait, s'est révélé beaucoup plus complexe. Elle réalisa même que son visa ne durerait pas tout le temps de ses études, convaincue que cela prendrait plus de trois ans, les études étant beaucoup plus longues ici que ce à quoi elle s'était attendue. Cela ne la dérangeait pas, mais c'était une formalité supplémentaire à faire.

Vint alors la problématique du logement. Elle avait mal interprété les signes sur le formulaire et s'en suivit une nouvelle montée catastrophique de problème de communication. Elle allait se demander si à la longue, le gestionnaire n'allait tout simplement pas lui dire que finalement, son dossier était refusé et qu'elle n'avait plus qu'à retourner chez elle. Il sembla comprendre finalement ce qu'elle n'avait pas compris et posa de plus simples questions, l'une après l'autre. Le soulagement était visible sur sa personne et même Catherine commença à se calmer doucement.

— Je loue directement auprès d'une propriétaire. Je n'ai pas pensé à faire une copie du bail pour mon dossier par contre, mais j'ai l'original à la maison, je peux vous apporter une copie demain matin.

Elle prit un temps, réfléchissant pour les factures. Ses yeux se plissèrent légèrement alors qu'elle cherchait dans sa tête.

— Oui, j'ai bien ma facture d'électricité que j'ai eue dernièrement, je peux l'apporter demain aussi.

Ils allaient finir par tout comprendre! Catherine observait le formulaire et compléta ce qu'elle put dans les cases restantes. Il ne restait que la signature en bas de contrat et la date. Fort heureusement, Catherine était considérée comme majeure au Japon et donc n'avait pas besoin de faire signer par un tuteur les documents. Cela lui faisait tout de même drôle d'avoir tout juste la majorité au Japon alors que depuis ses 18 ans, elle était majeure dans son pays. Au moins, ça évitait maintenant les problèmes d'avoir aussi l'âge adulte au Japon.

Tout semblait en règle si on omettait les deux papiers manquants. Elle se prit un rappel dans son cellulaire pour ne pas l'oublier. Au final, c'était tout de même une personne organisée malgré tout.

— Je suis navrée pour tous les soucis que je viens de vous créer. J'espère que vous aurez de meilleurs cas par la suite ou du moins, qui seront plus rapide à régler que le mien.

En tout cas, si c'était des étudiants japonais, il y avait moins de chances qu'ils aient autant de problèmes de communication que ces deux-là. Quoique...

Après plusieurs vagues de panique, les choses commençaient enfin à rentrer dans l'ordre ! Ouf. Il avait bien cru qu'il allait finir par se vider de son sang par le nez à force ! Ou par s'arracher les cheveux... Il faudrait vraiment qu'il fasse quelque chose pour sa nervosité un jour... c'était quand même pénible de se retrouver dans des états de panique ou de paralysie pareils ! Mais ça n'était pas pour aujourd'hui. Et puis il n'avait pas vraiment le temps de se pencher sur ce genre de questions ! Dans l'immédiat, il voulait juste trouver une solution pour que la jeune femme en face de lui puisse être dans les règles et ainsi continuer ses études sereinement. Et lui.. et bien il verrait plus tard pour régler ça !

Les deux comparses voyaient enfin arriver la lumière au bout du tunnel ! Le fin mot de l'histoire se dégagea enfin de tous les bugs de communication et de langue. Ouf ! Dai se réjouit de voir que tout cela serait donc vite résolu.

"Ce sera très bien oui. Je vais juste mettre une note dans votre dossier, vous pourrez passer nous déposer tout ça demain. Comme ça si jamais c'est ma collègue qui doit s'en charger elle saura quoi faire."

Le temps d'attraper un post-it, d'y indiquer les documents manquant et que l'étudiante repasserait dans la matinée pour les déposer. Il voulut coller le post-it dans le coin du dossier mais ne réussit pas à le faire parfaitement... on voyait bien que les lignes ne se suivaient pas... il dût faire un effort surhumain pour s'empêcher de le décoller pour le recoller... Il savait très bien que s'il se lançait là dedans il allait encore se coincer dans une boucle où il allait coller et décoller le post-it jusqu'à n'en plus pouvoir.

Il se força donc à se remettre sur l'ordinateur pour y entrer les dernières informations dont il disposait, avant de répondre à Kissouri-san avec un sourire certes un peu crispé, mais sincère.

"Ne vous inquiétez pas, ça arrive régulièrement ce genre de choses. C'est normal quand on ne maîtrise pas complètement une langue. Qui plus est, la langue administrative c'est une presque une langue à part entière ! Et puis nous sommes là pour ça."

C'est vrai que c'était fatigant parfois, mais c'est aussi pour ça qu'il faisait ce travail. Aider au bon fonctionnement et que chacun puisse faire sa vie au mieux dans l'académie. Même si c'était quand même stressant par moment...

Ceci dit... quand la jeune femme sortit, il récupéra son dossier, avec dans l'intention de le ranger. Mais il se rappela soudain du post-it... et rouvrit aussitôt le dossier, décolla le post-it, le recolla, le décolla, le recolla, et ainsi de suite... en grommelant de plus en plus fort. Jusqu'à ce que Beatrix revienne de sa pause pour constater l'état de son responsable, s'empare du dossier, colle le post-it pour de bon et range le dossier à sa place.

"J'allais y arriver !
-Aller prendre une pause !"

Asséna son assistante d'un ton brusque... il râla un peu, pour le principe... et partit pour sa pause. Elle avait raison, il était temps, et ce dernier rendez-vous l'avait achevé !