Le décompte des jours précédant Noël avait commencé. Au pays du soleil levant, là où se mêlent traditions et modernité (NOOON putain ! Stop !! On n'est pas dans un documentaire à deux yens ! Par pitié !)... Au Japon, donc, Noël était davantage la fête des amoureux et du romantisme que celle du petit Jésus venant parmi les Hommes. Et comme cette année, Aki avait la chance délirante d'avoir la plus belle nana du campus comme petite amie, il avait bien l'intention de mettre le paquet pour lui faire passer un moment de rêve en sa compagnie. L'étudiant avait réuni tout l'argent dont il disposait encore jusqu'au prochain versement de son père, et était parti à l'aventure dans le centre ville de Nara, un dimanche, à la recherche d'une idée, d'un cadeau spécial, de tout ce qui pourrait l'aider dans son ambition hivernale. Les kombinis, certaines boutiques de luxe, les foires et les petits marchés étaient prêts à l'accueillir, lui et son flouz. Les dimanches du mois de décembre permettaient ce genre de recherche pour les retardataires et les indécis.

Aki avait encore un peu de temps avant d'être considéré comme "en retard" pour le choix de son cadeau, mais il était cependant dans la seconde catégorie, à savoir les indécis. Cela ne faisait qu'environ deux mois qu'ils formaient un couple. Deux mois à se dévorer des yeux et à se bécoter à l'abri des regards, ce n'était pas assez pour apprendre à vraiment se connaitre. Alors Aki avait étudié la question nuit et jour avant de se lancer à la recherche du cadeau parfait. Même s'il n'était pas encore capable de dresser un portrait psychologique détaillé de sa belle, l'étudiant avait écarté certains cadeaux clichés pour femmes, tels les bijoux, le parfum, les accessoires de mode. Premièrement, il n'était pas sûr de ses propres gouts et ne voulait pas la décevoir avec quelque chose qui ne lui plairait pas, et deuxièmement, Saya était une jeune femme avec un intellect riche et une culture très développée. Il voulait donc plutôt flatter ce côté de sa personnalité et lui trouver quelque chose qui lui ressemblerait.

C'est tout naturellement qu'il s'était dirigé vers le marché du centre ville et qu'il déambulait au milieu de vieux livres, dans une odeur charmeuse de vieux papier, lui susurrant qu'il était tout proche du trésor qu'il cherchait. Mais quel genre de livre cherchait-il au fait ? Il n'en avait pas la moindre idée. Et cela commençait à être problématique car à force de voir défiler des titres qui ne lui évoquait rien, il se demandait si son idée de cadeau n'était pas tout simplement naze et qu'il risquait de passer pour le mec hyper barbant. Pourtant, il existe des livres parfaits pour chaque type de personne, non ?

Dépité, et finalement en proie au doute, Aki s'apprêtait à quitter les lieux lorsqu'il aperçu un visage connu non loin de là. En effet, sur un banc à quelques enjambées de lui, il reconnu le bibliothécaire américain du campus. Celui-là même avec lequel il s'était retrouvé en fâcheuse posture lors du dernier typhon automnal en date. La canne que Aki remarqua aussitôt prouvait qu'il n'était pas déplâtré depuis longtemps. Mais était-il revenu travailler ? Aki l'aurait su s'il passait un peu plus de temps à la bibliothèque plutôt qu'à traquer les yeux de sa petite amie aux quatre coins du lycée, où il n'était pourtant plus censé passer autant de temps !

D'abord hésitant, car l'homme avait peut-être envie d'être tranquille un dimanche sans taper la discu avec tous les visages connus du campus, Aki se décida malgré tout à marcher vers lui, envieux de s'enquérir de son état de santé. Parce que, quand même, ils en avaient vécu de belles ce fameux jour apocalyptique. Alors, en somme, ça crée des liens... non ?

"Bonjour m'sieur Doe ! ça fait plaisir de vous revoir !" dit-il d'un ton naturel et enjoué.
D'un mouvement du menton, il désigna l'ensemble jambe/canne de l'homme assis :
"Comment ça va votre jambe ? Ils ont pu vous rafistoler ?"

A première vue, le sieur Doe était dans un bien meilleur état que la dernière fois qu'il l'avait vu, ficelé comme un jambon sur un brancard après un rude moment passé dans la flotte des canalisations des chiottes de la cafeteria ! D'après ce que lui répondait le bibliothécaire, l'os de sa jambe s'était cassé en trois, ce qui n'avait pas dû être une mince affaire pour le rafistoler. Toutefois, le ricain ne se lamentait pas sur son sort, positivant au contraire sur le fait qu'il avait évité l'opération. Un caractère digne et peu locace qui attirait la sympathie d'Aki. Lorsque l'homme s'enquit en retour de la santé de l'étudiant, ce dernier lui répondit sur le même ton positif :

"Ouais le dos ça va. C'est vite revenu, merci."

Il avait été privé de deux semaines d'entrainement, et voir les autres jouer depuis le banc de touche l'avait considérablement frustré. Cela dit, il en avait profité pour peaufiner son sens de la stratégie sur un terrain, pour mieux connaitre le jeu de ses équipiers, plus subtil que ce qu'il avait cru depuis le terrain, et en somme, il était revenu sur le parquet bien plus ouvert aux autres et bien plus fort mentalement que par le passé. Quant à ses proches, il répondit :

"Non pas trop de dégâts en fait. Plus de peur que de mal. Quelques bleus quoi. Par contre, chez mon grand-père, va y avoir des travaux. Mais bon, ce qui est matériel, ça se répare !"

Un leger silence passa entre les deux interlocuteurs. Car une fois que chacun avait pris des nouvelles de l'autre, que pouvaient-ils se dire ? Ils n'étaient plus bloqués ensemble dans le gros merdier de la dernière fois, rien ne les obligeait donc à s'échanger davantage de politesse. Malgré cela, Aki n'eut pas le reflexe de laisser là son ex partenaire de galère, parce qu'il s'était aperçut qu'il appréciait cet homme, bien qu'il ne sache pas véritablement se l'expliquer. Les occasions de le croiser étaient rares. Il était donc difficile de partager autre chose que ces trois ou quatre phrases. Mais c'était ainsi. On ne pouvait pas vraiment miser sur une amitié alors que rien ne reliait ces deux personnes à part leur obligation de se retrouver régulièrement sur le même campus. L'un pour son travail, l'autre pour ses études. C'était un fil bien mince pour créer un lien autre que simplement courtois. Et de toute façon, il en a toujours été ainsi : on ne peut pas devenir pote avec tous les gens qu'on aime bien.

"Vous cherchiez quelque chose en particulier ou vous vous promeniez simplement ?"

Cette question simple ramena Aki vers son objectif du jour, qu'il avait presque zappé avec la surprise de croiser le ricain. Mais d'un seul coup, il y eut un tilt dans son esprit. Car qui de mieux placé que Doe pourrait le sortir d'affaire aujourd'hui ?

"Oh !! Carrément ! Je cherche un cadeau pour quelqu'un ! Un bouquin qui serait vraiment special !! Le hic c'est que je ne connais pas suffisamment ses goûts pour faire mouche alors j'avoue que je galère un peu ! Pourtant je suis certain qu'il existe un livre pour chaque personne, vous voyez ? Un truc qu'on aime tellement qu'on oubliera jamais de sa vie, même si on ne le lit qu'une fois."

Aki se frotta nerveusement la nuque car pour que Doe puisse l'aider, il devait lui dire pour qui il cherchait un livre. Et bien qu'il soit fier de sa petite amie, il n'avait encore jamais dû annoncer sa relation à quiconque, encore moins à un adulte appartenant au staff du campus. Mais il se lança quand même, un poil gêné et intimidé.

"C'est pour... *tousse*... Saya Nakajima... Elle vient peut-être plus souvent que moi pour emprunter des livres "chez vous" ? Alors ... peut-être que vous avez un tuyau à me donner ?... Ou, une idée, enfin j'sais pas..."

A se frotter l'arriere du crâne avec tant de nervosité, difficile de ne pas voir l'embarras de l'étudiant...

Aki avait déjà passé un bon moment au milieu de ces livres un peu anciens, un peu rares, pour trouver celui qui pourrait vraiment toucher Saya. En vain. Alors croiser le bibliothécaire du bahut justement ici était une aubaine inespérée. Un signe du destin ! Mais l'américain lui fit rapidement revoir ses espoirs à la baisse, en lui disant que des livres tels que celui qu'il cherchait étaient quelque chose de rare. Cela dit, ce n'était pas impossible à trouver. Encore fallait-il savoir quoi chercher exactement, et ça, c'était plus compliqué.

"Dîtes moi si je me trompe... petite, porte souvent des couettes, basketteuse et cuisinière ?"

"OUI c'est ça !!!" s'empressa de répondre Aki avec enthousiasme. Car si l'homme savait pour qui on cherchait le livre rare, il pourrait certainement l'aider plus efficacement. C'est en tout cas ce qu'esperait Aki, sans se douter une seconde que le métier de bibliothécaire n'était pas d'espionner les emprunts de chaque élève, ni de les connaitre par cœur.

Mais Doe commença son aide par une interrogation primordiale : quel était le but de ce livre-cadeau ? Aki voulait-il partager avec elle une lecture qu'il l'avait particulièrement touché ? Ou quelque chose pour faire reflechir sur un sujet particulier ? Offrir du rêve ? Ou lui montrer à quel point il la connaissait bien en lui offrant, par exemple, le livre préféré de son enfance ? Cette dernière option, Aki dû l'éliminer d'office. Car il n'avait pas la moindre idée de ce que Saya lisait lorsqu'elle était enfant. Pourtant, cela l'entraina vers une piste à laquelle il n'avait jamais pensé jusqu'ici. Mais il n'eut pas le temps de suivre immédiatement son cheminement d'idée, car l'américain attira son attention sur le budget. Ce n'était pas un marché aux livres ordinaires, certes, et il fallait prévoir une certaine somme pour en faire l’acquisition.

"Oh et est-ce que vous savez ce que vous ne voulez pas offrir ?"

"Euh... pas vraiment..." avoua Aki mollement en fouillant le contenu de ses poches pour rassembler toutes ses espèces.

"J'ai... à peu près 4700 yens*. ça fait pas assez ? En fait, je me disais que... peut-être, je pourrais lui offrir un livre que j'ai beaucoup lu, moi, quand j'étais petit. Parce que j'avais tendance à... comment dire... M'identifier ? Même si ça fait con de dire qu'on s'identifie à un canard en fait... ! "

Même s'il avait une bonne raison de se sentir con de ces paroles, Aki avait le sentiment de pouvoir tout dire à Doe sans que ce dernier ne se foute ouvertement de sa gueule. Il avait de ce type une image de loyauté et de droiture, de bonté et de classe. Alors le "foutage de gueule" ne lui collait pas vraiment.

"Je lisais beaucoup "le vilain petit canard", d'Andersen. Mon grand-père me surnommait le vilain petit connard à force de me voir puni à l'école pour cause de baston. Il en avait marre. dit-il en riant légèrement.

"Saya... c'est un peu elle mon cygne en fait. Ou en tout cas, c'est grâce à elle que j'ai évolué... un peu. Je crois que c'est ça que j'ai envie de lui transmettre. J'ai envie de lui dire qu'elle me fait devenir meilleur."

* environ 38 euros

Juste après avoir exposé le fil de ses pensées pour trouver le livre idéal pour sa dulcinée, Aki se demandait quand même si au fond, ce n'était pas un tout petit peu égoïste d'envisager un cadeau pour elle avec son vécu à lui. Pourtant, il voulait vraiment lui transmettre le message que grâce à elle, il devenait quelqu'un d'autre. Quelqu'un ... de bien. Ou en tout cas, il en prenait le chemin. Mais Jilian Doe lui adressa un sourire amical et lui dit sur un ton sincère :

"Je trouve que c'est une très bonne idée ! C'est une très belle déclaration à faire. Très bon choix."

Aki s'entendit soupirer de soulagement. Il ne se plantait pas totalement puisque le bibliothécaire l'approuvait. Il se sentit ragaillardi par l'optimiste de Doe a trouver relativement facilement ce conte européen. Il ne restait plus qu'à mettre la main sur une belle édition, un truc un peu plus classe que les livres cartonnés et plastifiés des bibliothèques jeunesse. Il observa Doe fouiller ses poches et en sortir une sorte de plan plié plusieurs fois. Selon lui, il serait passé devant des exposants susceptibles de vendre ce que Aki cherchait. Mais pas de ce coté-ci du marché aux livres. Il fallait rebrousser chemin. Doe lui montra l'endroit où se rendre sur le plan. L'étudiant allait le remercier avant de s'y rendre, mais il eut la surprise de voir le bibliothécaire se mettre debout, attraper sa canne et lui passer devant, bien décidé à s'y rendre lui aussi. Aki esquissa un sourire, et posa sur le dos de l'homme un regard surpris et silencieusement reconnaissant. Puis il lui emboita le pas.

Arrivé à sa hauteur, l'homme lui adressa ces mots :

"Bon je ne peux toujours pas marcher très vite, mais cette fois au moins vous n'avez pas besoin de vous casser le dos pour qu'on avance ! Un net progrès vous ne trouvez pas ?"

Aki acquiessa avec un rire franc. Lui aussi appréciait ce progrès, d'autant plus qu'il faisait un temps agréable et que le parfum de vieux papier était nettement plus appréciable que l'eau croupie des sanitaires de la cafeteria.
Il y avait moins de monde de ce côté du marché, mais il y avait tellement de stands différents que Aki se planta au centre d'un carrefour de petites allées, se frottant la nuque, ne sachant pas par où commencer. Ni comment chercher. Tandis que Doe, lui, avait déjà le nez au-dessus des stands, à chercher du regard. Sans se détourner de sa recherche, Doe lui apprit que la littérature jeunesse avait tendance à être sous-estimée, selon le bibliothécaire, et qu'ainsi, il y avait des chances de trouver son bonheur à un prix raisonnable. Pourtant, Aki se heurta rapidement à un nouveau problème :

"Comment reconnait-on une édition rare et intéressante ?" dit-il en se penchant à son tour au-dessus des livres exposés. Et qu'est-ce qui pourrait marquer Saya à tout jamais ? Ou en tout cas, lui faire l'effet escompté, c'est-à-dire la surprendre et la toucher au cœur. Pari ambitieux et difficile. Aki ne voyait-il pas trop grand ?

Son regard se posa sur de vieux magasines de NBA, et tout naturellement intéressé, se mit à les regarder, à les ouvrir, à parcourir quelques vieux articles d'une lointaine époque. On trouvait effectivement de tout par ici. Tout était donc susceptible de se vendre et de s'acheter. Soudain, un éclair lui traversa la petite zone qui lui servait de cerveau. Il se dit qu'un cadeau pour le frère ainée de sa belle pourrait amadouer ce dernier, lui qui, à priori, n'était pas encore au fait de sa relation avec sa petite sœur. Il reposa la revue sportive, se promettant que s'il avait assez d'argent, il reviendrait l'acheter.

Mais pour l'heure, où en était les recherches du côté du professionnel ? Aki rejoignit Doe sur un stand où ce dernier semblait particulièrement étudier un vieux, très vieux bouquin à la couverture en cuir. Mise à part cette superbe couverture lustrée et bien entretenue, les pages étaient extrêmement fines, jaunies, et parfois légèrement déchirées sur un bord. Mais le texte n'était pas écrit en kanjis japonais. On aurait dit une sorte d'anglais, à première vue. Pourtant, malgré des notes en hausses dans cette matière, Aki ne reconnaissait aucun mot. C'est là qu'il entendit le vendeur dire que tout le texte était en danois. Ce n'était quand même pas... une édition originale ? D'après ce que disait le vendeur, il s'agissait du premier recueil des meilleurs contes d'Andersen en version originale.

"GENIAL !!" s'exclama Aki. Puis, sur le livre qui était toujours entre les mains du bibliothécaire qui avait fait cette trouvaille, l'étudiant remarqua quelque chose d'inscrit : "16500*... ? C'est quoi ça ??? C'est l'année ??? Genre 16500 avant Jesus Christ ? Ou le nombre de pages ???" dit-il attéré, comprenant parfaitement qu'il s'agissait bien du prix.

Deux solutions s'envisageaient alors : Négocier, même s'il ne partait pas du tout gagnant, ou renoncer. Peut-être que son idée était totalement absurde, peut-être que c'était peut-être ça la perle rare qu'il voulait. Peut-être aussi qu'il existait une autre édition un peu moins ancienne et moins onéreuse non loin de là ? Aki tourna un regard interrogatif vers son allié, le sieur Doe. Que ferait l'américain s'il était à sa place ?

"... Bah sinon, vous me disiez qu'elle aimait fabriquer des chapeaux ? On peut peut-être creuser l'idée d'un bouquin sur la couture... non ?"

(*environ 137 euros)

Quand un bibliothécaire parle bouquin, c'est tout un univers qui vous est ouvert. Aki écoutait Jilian Doe lui expliquer ces détails auxquels il n'avait jamais prêté attention. C'était aussi intéressant que perturbant, puisque l'étudiant se rendait compte de sa grande ignorance sur le sujet, ce qui était assez déplaisant et plutôt frustrant, lui qui aurait bien eut besoin de ce savoir aujourd'hui. Heureusement, il avait eut la chance de tomber sur un spécialiste en la matière et de l'avoir à ses côtés pour sa recherche !
Aki hocha la tête pour confirmer les dires de son accompagnateur, au sujet des légendes qui s'avéraient bien plus belles et plus magiques en l'absence de preuves concernant leur véracité. Puis rapidement, ils entrèrent en discussion sur le livre en danois qui faisait débat. Et encore une fois, il s'avéra que le sieur Doe avait raison. À quoi cela servirait d'offrir un livre à Saya dans une langue qu'elle ne comprendrait pas ? L'intérêt n'était-il pas justement d'allier la beauté de l'objet avec la possibilité de lire une histoire certes archi connue dans le monde entier mais avec un œil nouveau, un intérêt différent, une traduction particulière ? D'autant plus qu'on ne pouvait pas prouver l'authenticité de ce livre soi-disant original dont le prix, pourtant très élevé, était encore bien loin de la valeur réelle d'un tel objet ! À vrai dire, plus Aki agitait ses deux neurones autour de la question, et plus ça sentait l'arnaque. Il jeta même un regard suspicieux au vendeur qui affichait son grand sourire de vendeur de bagnole pas net, et ça aussi, ça apparaissait de plus en plus louche aux yeux du Japonais qui décrétait que plus rien ne lui faisait envie dans cette histoire.

Par chance, Doe avait mis la main sur un autre ouvrage bien plus intéressant, et bien plus accessible financièrement parlant. Pourtant, ce n'était pas forcément cet argument pécuniaire qui le rendait si attractif. Les gravures en noir et blanc étaient sublimes et Aki eut un véritable coup de cœur. Pour l'une d'elles en particulier qui le convainquit définitivement d'acheter ce livre. Car il en était sûr désormais, c'était exactement ça qu'il était venu chercher, même s'il n'en avait pas eut la moindre idée quelques instants plus tôt.

"C'est une édition américaine du début du 20ème siècle. Mes grands-parents avaient la même chez eux. C'est vrai que ça n'a pas la classe d'une édition originale danoise, mais celle-ci vous pourrez lui lire et les dessins sont extrêmement soignés. Et pour le coup on rentre dans votre budget !""Mais si vous voulez repartir sur l'idée de la couture, vous trouverez sans mal des manuels pour débuter, ou des livres de modèles. Et on peut réfléchir à un petit paquet de matériel pour aller avec, histoire d'être bien équipé !"

"Non, c'est parfait !" trancha Aki, même s'il appréciait grandement les efforts du bibliothécaire pour l'aider à trouver des idées. Cet homme était d'un altruisme rare, surtout pour un américain. Mais après tout, son état d'esprit s'apparentant davantage à celui d'un Japonais était peut-être une des raisons qui l'avaient décidé à s'installer dans un pays qui lui correspondait mieux. Non ?

Aki venait donc de payer la précieuse trouvaille au vendeur. Sans discuter et sans sourciller. Puis, faisant le compte de sa monnaie restante, il dû renoncer à l'achat de la revue sportive pour le grand frère, comme il l'avait envisagé auparavant. Mais ce n'était pas grave. L'objectif était atteint. Il s'occuperait d'amadouer le grand frère une autre fois, ou d'une autre façon. Pour l'heure, c'est vers le bibliothécaire qu'il se tourna et s'inclina :

"Merci !" dit-il brusquement, sans oser l'appeler par son prénom comme l'homme l'avait invité à le faire quelques mois plus tôt. Bien qu'il soit plus rustre et direct que la plupart de ses congénères, Aki restait un Japonais avec la même difficulté à se montrer intime. Il enchaina aussitôt : "Merci mille fois pour votre aide. Sans vous, je n'y serai pas arrivé." Mais tout cela n'était que des mots, et Aki voulait vraiment se montrer reconnaissant. "Si je peux faire quoique ce soit pour vous en retour... comme... ranger la bibliothèque ou... n'importe quoi de ce qui vous serait utile, dites-le moi."

Encore une preuve que Saya le rendait meilleur à chaque instant. Car en cherchant un cadeau pour elle, et en trouvant un allier pour cette difficile mission, il se montrait bien plus reconnaissant qu'à son habitude.