Ce fut sur un conseil de Lizzy que Soren prit cette initiative. Le jeune homme n’ayant pas eu la chance qu’on lui apprenne la nage jusqu’à ses 19 ans. Il ne voulait pas vraiment que sa fille subisse la même chose que lui, ses moments d’angoisses non loin d’un plan d’eau. Comme l’Américaine était plutôt une experte en natation, c’est donc tout naturellement qu’il l’appela, mais tomba sur le répondeur… Fichu décalage horaire.

C’est le lendemain matin que Soren eut la réponse, par message vocal encore une fois… Fichu flemme du matin. Il ne s’était pas réveillé et n’avait donc pas entendu son appareil sonner. Quoi qu’il en soit, la réponse était plutôt optimiste. Oui, Abi pouvait apprendre à nager. Le message vocal tient d’ailleurs ces mots.

« Tu crois qu'on m'a jetée dans l'eau à quel âge ?! Bien sûr que tu peux déjà lui apprendre, plus tôt tu le fais, mieux c'est. Ne t'en fais pas, à son âge le corps bouge déjà tout seul. Mais ça ne t'autorise pas à oublier les brassards et t'éloigner d'elle. Fais ça et je te noie ! »

Cependant, on lui conseilla aussi de faire attention. Ne serait-ce que pour les erreurs d’inattention. Soren n’était pas infaillible et il ne fallait pas grand-chose pour traumatiser un enfant dans l’eau. Donc deux personnes valent mieux qu’une selon lui et c’est tout naturellement qu’il pensa à Riku. Mais un sms lui confirma que ce ne serait pas sur elle qu’il pourrait compter.

« Je suis un peu prise jusqu’à la fin du mois désolé. Noie pas ma nièce par contre, sinon, tu subiras le même sort !!! »

Un air blasé passa sur son visage en lisant un message aussi similaire et en parcourant les contacts, il tomba sur Puri… Hésitant un petit moment. La jeune femme avait su mettre en confiance Abi dernièrement, donc ce ne serait pas un mauvais choix. Si sa fille devait aller dans l’eau, il faudrait que ce soit avec des personnes qu’elle connaissait un minimum et là, il n’y avait qu’elle. Soren rougit doucement, c’était déplacé de lui demander ça non ? Il s’était vu deux fois et le boom, Soso lui proposait de venir à la piscine… Qui sait si elle n’allait pas le prendre mal ?

Il observa sa petite qui dessinait sur la table basse juste en face de lui et une voix lui parvint du téléphone. Il sursauta presque aussitôt, son doigt avait appuyé sur bouton d’appel. Soren s’était complétement raidi en posant le combiné à son oreille.

- Euh… Oui bonjour. Je vous appelle, car en fait, j’ai besoin d’un coup de main… Comment expliquer ? En fait, je voudrais apprendre à Abi la nage, au moins la mettre au contact de l’eau… mais disons que tout seul, je ne me sens pas trop confiant. Comme elle vous apprécie, je voulais savoir si ça vous dirait de venir dans l’eau avec nous…

Elle accepta contre toute attente. Ce qui eut le mérite de surprendre Soren qui en perdit encore plus pied. Le jeune homme observa la petite et sourit doucement. Ce fut même Puri qui donna rendez-vous dans une piscine sans laisser le choix à Soren. Puis le rendez-vous fixé, le téléphone raccroché. LE jeune homme reprit une grande inspiration.

Une fois sur place, il ne fallut pas longtemps au jeune homme pour enfiler un caleçon de bain et un maillot une pièce choisit spécialement par Riku dernièrement. Dans l’eau, Soren avait mis la petite dans une boue et enfilé les brassards. Il resta près d’elle et laissa la petite jouer, tapant du plat de la main ou faisant des vagues. Puri ne devrait plus tarder logiquement.

Depuis sa dernière rencontre avec Soren et Abigail, Purificación n’avait pas arrêté un instant. Elle avait enchaîné les shootings, les essayages, ainsi qu’un déplacement d’une semaine à Paris à l’occasion du défilé Métiers d’Art, organisé par la maison Chanel. Cela ne faisait même pas 24 heures qu’elle était revenue à Kumoru, encore fatiguée à cause du décalage horaire, quand son téléphone sonna. Avachie en petite tenue sur son canapé, de gros cernes sous les yeux, Purificación attrapa son portable en soupirant profondément après avoir coupé le son de sa télé. Qu’est-ce qu’on lui voulait encore ? C’était forcément un de ses collègues, personne ne l’appelait jamais à part eux… Ronchon qu’on ose la déranger pour le travail alors qu’elle était encore exténuée par son dernier voyage, l’expression de la mannequin changea du tout au tout quand elle aperçut « Soren » s’afficher sur l’écran de son téléphone. Se redressant d’un coup pour s’assoir en tailleur sur son canapé, bien droite, Purificación retrouva soudainement toute son énergie au moment de décrocher.

« A-Allo ? »

L’Espagnole était très tendue, mais aussi profondément heureuse. Dans cette position, aussi raide qu’un piquet sur son canapé, on aurait vraiment dit une adolescente qui avait attendu pendant des jours et des jours l’appel de son crush ! Purificación ne savait pas ce que Soren allait lui dire, mais son cœur battait déjà à tout rompre à l’idée de pouvoir les retrouver tous les deux à nouveau. Alors, forcément, quand le jeune papa lui proposa de se retrouver pour apprendre à nager à Abigail… La mannequin sentit des larmes de joie lui monter aussitôt aux yeux.

« Oui ! Ça me ferait vraiment plaisir ! »

Et voilà… Encore une réponse beaucoup trop enthousiaste et spontanée ! Sauf qu’après quelques secondes de réflexion, Purificación se rendit compte qu’elle avait fait une grosse erreur : aider Soren pour que sa fille apprenne à nager impliquait qu’ils doivent se retrouver dans de l’eau. Vu la période de l’année, une piscine serait plus appropriée. Mais qui disait piscine, disait public et aussi… Maillot de bain ! L’Espagnole était habituée à poser en petite tenue, mais parce qu’elle était maquillée et en présence de gens qui la connaissaient parfaitement bien, elle et son corps meurtri. Là, dans l’eau, elle ne pourrait certainement pas compter sur son maquillage et il était hors de question qu’elle exhibe ses monstrueuses cicatrices devant les yeux d’une enfant pure et innocente ! Et de son père aussi, accessoirement… Soren avait beau être adorable et la voir comme une personne normale, loin de son statut de mannequin, lui aussi, comme tous les autres, finirait par la trouver horrible ou la traiter avec pitié s’il découvrait toutes ces marques… Purificación ne voulait pas que leur relation change, surtout pas !

« Je connais l’endroit idéal pour ça ! Vous me laissez quelques minutes ? Je vous envoie l’adresse juste après avoir réglé quelques détails ! »

Dès que Purificación eut raccroché, elle jura en espagnol à son encontre et s’empressa de faire des recherches sur une piscine qui pourrait facilement être privatisée. Chose faite, elle appela la direction et proposa de leur verser une jolie somme d’argent en échange de quelques heures sans public à la date convenue avec Soren. L’Espagnole n’aimait pas jouer avec sa fortune en mode princesse, mais il était hors de question de louper un tel rendez-vous ou de songer à exhiber son corps sans maquillage à qui que ce soit !

Le problème de la piscine réglé, il restait encore un souci de taille pour Purificación : quel maillot de bain allait-elle pouvoir mettre pour éviter de trop en dévoiler ? S’armant une nouvelle fois de son téléphone, l’Espagnole appela sa manageuse et exigea qu’on lui confectionne une tenue de style combinaison de surf sur mesure, qui ne soit pas trop horrible à regarder. Franchement… Pourquoi avait-elle accepté aussi vite alors que ça la mettait dans une position aussi inconfortable ?

Quoi qu’il en soit, ce fut pas encore totalement remise de sa semaine harassante et du décalage horaire que l’Espagnole se rendit au petit spa où elle avait invité Soren et Abigail. L’établissement disposait d’une belle piscine où ils pourraient parfaitement apprendre à nager à la petite, ce serait parfait ! Et même si Purificación était pressée de revoir ces deux adorables personnes, elle dut avouer ne pas être à l’aise en se déshabillant et en voyant son reflet dans le miroir. Son regard sombre ne put s’empêcher de détailler chacune de ses cicatrices visibles, une moue dégoûtée s’affichant sur son visage. Elle avait beau être mannequin et faire petit à petit la paix avec son corps, l’Espagnole continuait à se détester. Elle finit par enfiler cette fameuse combinaison qui recouvrait intégralement son corps, soupirant à nouveau en voyant son reflet. On avait beau la lui avoir confectionnée sur mesure et l’avoir rendue un peu moins moche qu’une combinaison qu’on pouvait acheter dans un magasin de sport… C’était quand même vraiment horrible ! Mais Purificación n’avait pas le choix…

Après avoir remonté sa longue crinière d’ébène en un chignon négligé sur le haut de sa tête, histoire de ne pas trop faire traîner ses cheveux dans le chlore, elle tira sur la fermeture qui se trouvait dans son dos pour fermer sa combinaison. Stressée au possible, Purificación inspira profondément et quitta les vestiaires après avoir rangé ses affaires dans un casier. Elle fit couler un peu d’eau sur elle, puis passa par le pédiluve. C’était franchement agréable de se retrouver dans ce genre d’endroits sans une tonne d’autres clients ! Surtout que l’établissement était très bien décoré, c’était vraiment joli ! Et puisque les lieux étaient vides, l’Espagnole ne mit pas longtemps à repérer Soren et sa fille. Fondant d’abord en voyant la petite dans sa bouée et avec ses brassards, Purificación hésita. Ce n’était vraiment pas une bonne idée, mais en les voyant tous les deux dans l’eau à s’amuser… Non, elle n’avait pas du tout envie de partir…

« Bonjour ! Vous allez bien ? Désolée pour le retard, il y avait des bouchons sur la route ! Vous ne m’avez pas attendue trop longtemps ? Oooooh ! Mais il est magnifique ce maillot de bain Abi ! »

Et hop, détournement de conversation alors que Purificación s’avançait dans l’eau et s’accroupissait pour mieux observer le fameux maillot de la petite. Mais elle avait bien senti le regard intrigué de Soren… Alors, histoire qu’il ne se fasse pas de fausses idées, elle tourna un visage on ne peut plus sérieux vers lui.

« Le chlore abîme ma peau et j’ai un nouveau défilé dans quelques jours, d’où la tenue… peu conventionnelle. »

Voilà ! Un beau mensonge que Soren ne pourrait que croire vu l’assurance avec laquelle il avait été lancé ! Ceci dit, même si la combinaison de Purificación recouvrait l’intégralité de son corps hormis ses pieds et ses mains… On ne pouvait pas dire qu’elle n’en était pas moins un peu à nue devant le jeune papa… Sa tenue était tellement moulante qu’il aurait tout le loisir de décrire aisément chacune des courbes de son corps s’il laissait un peu traîner ses yeux !

« Alors ? Euh… Comment vous voulez procéder ? »

Ah… Nouveau détail d’importance que Purificación avait complètement oublié de prendre en compte : comment était-elle censée aider Abigail à apprendre à nager alors qu’elle-même ne savait pas comment faire ?!

La petite jouait tranquillement dans l’eau pendant que Soren gardait un œil attentif sur elle. Ils attendirent donc la jeune femme le temps qu’il fallut. Mais le jeune homme se demanda seulement pourquoi il n’y avait personne…. Peut-être que l’hiver ne donnait pas envie aux gens de se baigner. Pourtant, l’eau était plutôt bonne contrairement à ce qu’on aurait pu craindre. Même la peau de la petite ne semblait pas froide.

Le jeune homme se demandait encore de quoi elle avait voulu parlé à propos de quelques détails… Avait-elle annulé un rendez-vous ou quelque chose dans le genre ? Soren espérait que non, si c’était le cas, il s’en voudrait. Quoi qu’il en soit, l’essentiel, c’était qu’Abi serait bien entouré… Mais l’avait-il fait seulement pour elle ? Soren ne voulait pas vraiment songer à ça.

Jusqu’à ce qu’une voix le ramène sur terre. Soren releva le regard et vit Puri, un air surpris s’afficha sur son visage. Décidément, elle savait le prendre au dépourvu de façon toujours aussi inattendue. Il devait bien admettre qu’il ne l’avait pas vu venir. Mais au moment où elle descendit l’échelle, Soren eu un moment d’égarement et toussa en tournant la tête… se demandant si ce n’était pas pire qu’un maillot de bain finalement.

Bon sang, heureusement que l’eau était tout même un peu fraîche… Soren sourit en voyant la jeune femme venir voir Abi qui ne manqua pas de sourire doucement. Le jeune homme en revanche hésitait à poser la question avec un regard intrigué. Sauf que la jeune femme e tourna vers lui et lâcha la raison pour laquelle elle avait une tenue pareille. Une raison valable pour Soso qui n’y connaissait rien, il hocha simplement la tête pour faire savoir qu’il avait compris.

Puis elle demanda rapidement comme ils allaient procéder. Soren s’était un peu renseigner. Il fallait déjà habituer l’enfant à nager un peu sans la bouée, mais en le maintenant. Il sourit et prit doucement la bouée pour l’attirer vers lui.

- Pour être honnête, je suis tout sauf un expert en natation. C’est un peu complexe pour moi de pouvoir lui apprendre. Je vais faire de mon mieux.

Autant expliquer un peu cette histoire. De toute façon, il n’y avait pas de secret.

- Mon père n’a jamais jugé utile de m’apprendre à nager, visiblement m’apprendre un sport de combat était plus vitale… Du coup, j’ai passé les trois-quarts de ma vie en esquivant l’eau.

Il sourit et fixa Puri en ajouta.

- Jusqu’à ce qu’on me tire littéralement dedans.

Soren sortit doucement la petite de la bouée et la prit contre lui avec douceur. On avait aucun mal à ressentir qu’il protégerait sa petite envers et contre tous. Même des dangers pas encore arrivé. Lui apprendre à nager, c’était d’autant plus compliqué que lui-même ne savait pas comment s’y prendre, mais il comptait bien essayer.

- Vous pouvez… Oh, je pense que depuis le début, on peut se tutoyer non ? Enfin bref, Puri, tu veux bien venir tenir la bouée, pas qu’elle se fasse la malle. Je vais faire un essai.

Il laissa doucement le bas du corps de la petite entrer dans l’eau, mais déjà, elle s’affola un peu et s’agrippa à lui. Peur de l’eau ? Ou peur qu’il l’a lâché. Malgré des mots gentils et rassurants de sa part, le jeune homme ne parvint pas à calmer la petite et alors qu’elle commençait à avoir les larmes aux yeux en répétant « non » plusieurs fois. Il l’a repris dans ses bras.

- Je sais que tu n’aimes pas ça ma grande, mais il va falloir que tu apprennes. Tout va bien, voilà. Papa ne va pas te lâcher… C’est juste pour que tu bouges les jambes.

Il observa Puri et proposa.

- Vous voulez essayer, peut-être que le contact féminin la calmera peut-être un peu mieux.

Purificación était finalement arrivée un peu en retard à son rendez-vous avec Abigail et Soren, très certainement à cause de tout ce temps qu’elle avait passé dans les vestiaires à se changer pour enfiler cette combinaison moulante qui recouvrait chaque parcelle de sa peau à l’exception de ses pieds, de ses mains et de son visage. Ses cheveux relevés en un chignon désordonné sur le haut de sa tête, ce fut avec un sourire non dissimulé qu’elle rejoignit ensuite les deux Haruka dans l’eau. Après avoir salué le père, l’Espagnole reporta toute son attention sur l’adorable jeune fille qui barbotait, bien en sécurité dans sa bouée. Ce fut d’ailleurs à ce moment que Purificación percuta : comment était-elle censée aider Soren à apprendre à sa fille à nager alors qu’elle-même ne savait pas comment faire ? L’homme en profita ensuite pour expliquer une petite histoire le concernant. Et autant dire que les yeux de la mannequin s’ouvrirent en grand quand il expliqua qu’on l’avait littéralement tiré à l’eau pour lui apprendre à nager. Que c’était brutal comme méthode !

« On vous a tiré à l’eau alors que vous ne saviez pas nager ?! Mais qui a pu faire quelque chose d’aussi horrible ?! Vous avez dû vraiment beaucoup paniquer ! J’espère que vous avez fait regretter à cette personne de vous avoir fait un coup pareil ! »

Purificación se sentit frissonner en s’imaginant à la place de Soren… Si on l’avait tirée à l’eau alors qu’elle ne savait pas nager, elle aurait sans doute eu une des pires peurs de toute sa vie ! Ce geste avait peut-être été fait en douceur, mais l’Espagnole avait tout de suite déformé les propos du jeune papa pour comparer ça à de la maltraitance, à cause de son passé. Si ses parents n’avaient pas autant aimé la faire souffrir physiquement, nul doute que ça aurait pu être une de leur petite distraction de la jeter à l’eau pour voir comment elle pourrait s’en sortir… C’était bête, mais Purificación se sentit soudainement très en colère. Fort heureusement, elle se calma bien vite par la simple vision du père qui attrapait sa fille pour la serrer contre lui avec toute la douceur du monde. Aaaaah… Voilà, il n’en fallait pas plus pour que l’Espagnole se retrouve dans un nouvel état semblable à une guimauve… Jusqu’à ce que ce tutoiement soudain la fasse sursauter.

« Ah, euh, oui, d’accord ? Vous… Tu… Ehm… »

Purificación grogna et pesta en espagnol, pas du tout habituée à tutoyer qui que ce soit en dehors des enfants. Pourtant, encore une fois, ce tutoiement initié par Soren fit naître une petite bouffée de chaleur et de joie dans son cœur. Personne ne la tutoyait, c’était toujours « vous » pour s’adresser à cette mannequin de grand standing. Le surveillant ne s’en rendait sûrement pas compte, mais c’était une nouvelle petite attention qui lui fit beaucoup de bien.

« Désolée, je n’ai pas trop pour habitude de tutoyer les gens, je risque de faire quelques erreurs… Enfin, pas de souci, je m’occupe de la bouée ! »

Purificación attrapa délicatement l’objet et s’immergea un peu plus dans l’eau, de façon à ce que la bouée cache une partie de son visage. Seuls ses yeux en dépassaient pour qu’elle puisse observer la petite famille procéder au premier essai. Dans cette position, à les fixer de la sorte, on aurait vraiment dit une stalkeuse malgré toute la tendresse qui pouvait se lire dans son regard ! Mais Purificación ne resta pas longtemps immergée en voyant la petite prendre peur et s’agripper de toutes ses forces à son père. Pauvre chérie… L’Espagnole afficha une moue trahissant parfaitement sa peine de la voir dans cet état alors qu’elle se redressait. Elle avait envie de lui faire un gros câlin d’amour pour la rassurer, et c’est d’ailleurs ce que lui proposa Soren. La surprise se lut alors aussitôt sur le visage de la mannequin.

« Vraiment ? Je peux ? Vous croyez-… Ehm… Tu crois que je pourrais y arriver ? Je… Je ne suis qu’une inconnue, alors si son père n’a pas réussi, je vois assez mal ce que je pourrais faire de plus… »

Purificación détourna les yeux, visiblement gênée. Elle avait beau être une mannequin à la renommée mondiale, ce n’était pas pour autant qu’elle avait parfaitement confiance en elle ! Et si jamais Abigail la détestait à tout jamais si elle essayait ? L’Espagnole jeta un petit regard à l’enfant qui avait les larmes aux yeux. Non, impossible qu’elle reste là à rien faire ! Elle devait la consoler ! Purificación se rapprocha donc d’eux avec la bouée, calant l’objet derrière Soren avant de tendre ses bras pour récupérer la petite. L’Espagnole l’attrapa avec la plus grande délicatesse, comme s’il s’agissait d’un trésor inestimable, puis elle vint la serrer tendrement contre sa poitrine, la maintenant d’une main pendant que l’autre caressait ses cheveux.

« Shhhh… Tout va bien Abi, ne t’inquiètes pas. Tout va bien. »

Purificación continua à bercer l’enfant en la rassurant, pendant quelques instants, déposant bon nombre de baisers sur ses cheveux jusqu’à ce qu’elle se soit calmée. Chose faite, l’Espagnole lui adressa un sourire bienveillant.

« Tu n’as jamais rêvé d’avoir une grande baignoire pour toi toute seule ? Pour faire tout ce que tu voulais dedans ? Même des bêtises ? Regarde, tu peux éclabousser tout autour de toi, personne ne se fâchera ! Pas même papa ! N’est-ce pas, papa ? »

Purificación afficha soudainement un sourire taquin et, d’un geste de la main, elle envoya de l’eau vers Soren pour l’arroser. Voyant que sa manœuvre semblait avoir son petit effet sur Abigail, l’Espagnole la réinstalla dans ses bras pour la tenir toujours contre sa poitrine, mais, cette fois-ci, face à son père.

« Allez ! Arrose-le, toi aussi ! Tape fort avec tes jambes, comme si tu courais ! »

Purificación se mit à rire franchement en voyant à quel point la petite semblait s’amuser, celle-ci ne remarquant même pas que, progressivement, l’Espagnole fléchissait les jambes pour s’enfoncer dans l’eau, jusqu’à ce qu’Abigail se retrouve presque entièrement immergée. Quand elle s’en rendit compte, la petite paniqua, mais Purificación ne la lâcha pas et la garda bien contre elle, déposant un nouveau baiser dans ses cheveux.

« Tu vois ? C’est comme une grande baignoire ! Et c’est quand même plus amusant de bouger sans la bouée, non ? Surtout que, avec tes brassards de super-héroïne, il ne pourra rien t’arriver ! D’ailleurs, tu crois que tu pourrais me les prêter un jour ? Quand tu n’en auras plus besoin évidemment ! »

Purificación pouffa et plongea son regard tendre dans celui de la petite, commençant à marcher à reculons pour qu’elle puisse ressentir cette sensation de l’eau qui glissait sur sa peau. Abigail semblait prendre confiance, petit à petit, mais l’Espagnole ne voulait pas voler un tel moment à Soren. Elle revint donc vers lui et lui rendit sa fille avec un sourire heureux.

« Je pense que v-… tu… seras plus qualifié que moi pour passer à la suite. »

Soren avait raconté un peu les circonstances qui l’avaient amené à apprendre la natation. Certes, son niveau était plutôt médiocre contrairement à celui de sa prof qui était aussi sa meilleure amie et sœur de cœur… Elle cumulait les titres affectifs. Cependant, en entendant la réaction de Puri, Soren ne put s’empêcher de sourire. Heureusement qu’on ne lui avait pas fait ça volontairement, le jeune homme aurait probablement esquivé l’eau pendant un bon moment ensuite. Non, Lizzy l’avait fait sans savoir et s’était profondément excusé ensuite. Il lâcha après un petit silence.

- Non, ce n’était pas fait volontairement. On m’a tiré dans une piscine en voulant jouer tout simplement. C’était un simple accident, mais ça m’a fait comprendre que je devais apprendre et on m’y a aidé ensuite.

Au moins, c’était clair comme ça, il aurait dû le préciser depuis le début. Après quoi, il entama le début du baptême de l’eau pour sa petite, mais cela ne se passa pas si bien. Malgré un début prometteur, le petit ne semblait pas confiant et Soren ne pouvait pas vraiment la rassurer aussi bien qu’il l’aurait souhaité. Le jeune père comprit d’instinct, dans un moment pareil, ce n’était clairement pas le mieux placé. Cette pensée le rendit un peu triste, Lizzy aurait sûrement su s’y prendre. Quoi qu’il en soit, Abi semblait avoir confiance envers Puri et Soso se dit qu’il pouvait peut-être la laisser essayer. Un contact féminin serait sûrement plus efficace dans la mesure où Abi assimilerait cela à un sentiment de sécurité.

Il proposa donc et répondit d’une voix rassurante.

- Je pense qu’on est plus vraiment au stade d’une inconnue non ? Abigail en tout cas ne vous considère pas comme ça et moi non plus. Sinon, je ne vous aurais pas proposé de venir. Alors à votre tour, qui sait.

Soren avait confiance en elle, il accordait souvent sa confiance trop facilement. Sauf que cette fois, Abi était de son côté aussi et la petite était clairement plus sélective que lui. LA petite changea de bras sans rechigner le moins du monde et Soren observa la scène avec un petit sourire détendu. Elle s’en sortait très bien, le jeune père rigola même en recevant de l’eau et rassura avec des douces paroles en même temps que Puri. Cette sensation… Soren se sentait étrangement bien… Ça faisait longtemps... plus d’un an qu’il ne s’était pas senti bien. L’espace d’un instant, en voyant le regard que Puri avait sur Abi, il eut envie que ce moment dur aussi longtemps que possible, pour lui comme pour sa fille. L’espace d’un moment, il se sentit heureux et la trouva vraiment très belle. Moment qui se brisa lorsqu’elle lui tendit la petite en lui avouant qu’il serait plus qualifié que lui. Il semblait sortir d’une transe et observa sa fille avant de la reprendre contre lui.

- Tu vois, ce n’était pas si terrible.

Un petit sourire et il lâcha d’une voix amusée.

- Bientôt, tu nageras tellement bien que tu pourras lui donner tes brassards pour qu’elle fasse un défilé avec !

Un regard taquin et il balança de l’eau vers Puri sans aucun scrupule avant d’inciter Abi à faire de même, après tout, ce n’était pas juste qu’il soit le seul à prendre dans cette histoire. Sa fille ne se fit même pas prier pour recommencer à arroser de plus belle, envoyant de l’eau tellement partout que même Soso en reçu au visage.

- Ça suffit ! C’est bon ! On fait une pause ma grande ! Tu montres à Papa comment tu bats de pied dans l’eau maintenant.

La petite plus en confiance se laissa immerger pendant que son père la tenait dans ses mains à une petite distance de son corps. Il jeta un regard tendre vers Puri et lui souffla un discret.

- Merci.

Puis lui fit signe qu’elle pouvait s’approcher si elle le souhaitait.

Purificación lâcha un soupir de soulagement en écoutant les explications de Soren quant à sa première vraie rencontre avec l’eau. Si ce n’était pas volontaire, alors ça allait ! L’Espagnole ne connaissait pas beaucoup l’homme qui se trouvait avec elle, mais si jamais cet événement n’avait pas été un accident et qu’elle s’était retrouvée face à l’horrible personne qui lui avait fait vivre ça… Nul doute que cette personne aurait passé un très mauvais quart d’heure !

Quoi qu’il en soit, après le soulagement, ce fut au tour de la gêne de se lire sur le visage de Purificación quand Soren lui assura qu’ils n’étaient plus des inconnus à présent. C’était idiot, mais ça lui faisait vraiment plaisir… Résultat, elle ne put refuser la proposition du jeune papa d’essayer à son tour de mettre la petite dans l’eau pour l’habituer à évoluer sans bouée. L’Espagnole n’était pas vraiment confiante, mais elle ne pouvait décemment pas laisser cette précieuse enfant dans cet état de panique. Purificación la prit donc tendrement et fermement dans ses bras pour la rassurer, puis elle usa d’une magnifique technique de diversion pour que la petite ne se rende pas compte qu’elle s’enfonçait progressivement dans l’eau. Et ça avait fonctionné ! Abigail s’était bien trop amusée à arroser son père et à éclabousser partout pour paniquer, ne se rendant compte de la supercherie qu’après plusieurs minutes. Autant dire que Purificación était très fière d’avoir réussi à aider la petite, mais aussi de l’avoir fait rire de la sorte. C’était vraiment la plus belle récompense qu’elle pouvait lui offrir !

Et comme l’Espagnole n’avait pas envie de voler tous ces précieux instants à Soren, elle lui rendit sa fille, pouffant à ses mots. Purificación s’éloigna juste un peu pour avoir de l’eau jusqu’à mi-cuisses, puis elle prit une pose mettant merveilleusement bien en valeur chaque courbe de son corps, le menton levé et le regard intense, comme si elle posait pour un photographe.

« Il ne faut surtout pas me sous-estimer ! J’arrive déjà parfaitement à sublimer cette combinaison absolument affreuse, alors je suis sûre que je n’aurais aucun mal à faire un défilé avec des brassards sans paraître ridicule une seule seconde. »

Purificación afficha un sourire amusé et planta presque un regard plein de défi dans celui de Soren. Il ne le savait pas, mais l’Espagnole était bornée et dès qu’on lui lançait un défi, même si celui-ci paraissait impossible, elle faisait tout ce qui était en son pouvoir pour le relever. Après tout, personne n’aurait pu imaginer qu’une demoiselle avec un corps comme le sien aurait pu un jour jouir d’une telle notoriété dans le domaine du mannequinat !

Puis, à peine rapprochée de deux Haruka, Soren se vengea en l’éclaboussant à son tour, ce qui fit tout d’abord grogner la jeune femme, avant qu’elle ne se mette à rire en voyant qu’Abigail recommençait à éclabousser partout en réponse à ce geste. Purificación garda son sourire aux lèvres et se rapprocha une fois le raz-de-marée terminé, son visage et ses cheveux étant à présent trempés. On repasserait quand même pour l’excuse du chlore qui abîmait sa peau si elle ne réagissait même pas au fait que sa tête dégoulinait ! Son sourire se fit d’ailleurs plus tendre sous les remerciements de Soren, alors qu’elle récupérait la bouée et se plaçait non loin d’eux.

« Encore une fois, c’est plutôt à moi de te remercier. Je n’aurais jamais cru avoir la chance un jour de pouvoir partager de tels moments avec qui que ce soit. »

La sincérité se lisait clairement sur le visage de Purificación qui pouffa et s’approcha pour déposer un baiser sur la joue de Soren.

« J’avais oublié que je n’avais pas le droit de te remercier… Je vais donc opter pour cette technique chaque fois qu’un « merci » me brûlera les lèvres. »

Le sourire de Purificación se fit plus taquin alors qu’elle fixait Soren, son attention se reportant ensuite sur Abigail pour coller un gros bisou sur sa joue à elle aussi.

« Pas de jaloux comme ça ! En tout cas, je suis vraiment contente d’avoir pu privatiser cet endroit ! C’est bien plus simple pour qu’Abi puisse apprendre à nager sans se faire arroser ou bousculer par d’autres personnes. »

Par contre, Purificación n’avait pas prévu qu’avec une telle tenue, elle arriverait à avoir froid. À force de ne pas bouger, elle commençait à avoir la chair de poule ! L’Espagnole se mit donc dans l’eau jusqu’au cou et fit quelques mouvements pour essayer de se réchauffer. Le souci, c’était que n’importe qui aurait été nager un peu pour ça, mais qu’elle, de son côté, ne savait pas comment faire. Et si elle essayait de faire genre, Purificación sentait qu’elle ne ferait que se ridiculiser en buvant la tasse ou en nageant comme un petit chien… Et ce n’était clairement pas un bon exemple à montrer à Abigail !

« Tu ne veux pas lui montrer comment tu nages ? Qu’elle ait un modèle à imiter ? »

La situation ne se passait pas si mal, dire que Soren avait appréhendé cette journée. Peut-être s’inquiétait-il trop pour sa fille par moment, mais au final, il ne savait plus vraiment sur quel pied danser parfois. Encore moins avec cette jeune femme qui commençait doucement à chambouler leur existence. Il s’en rendait compte alors qu’Abi se laissait faire sans rechigner.

La situation prit d’ailleurs rapidement une tournure un peu plus amusante quand le jeune père reprit sa petite pendant que Puri se rendit vers un endroit du bassin pour se mettre à poser sous le regard un peu perturbé du jeune homme qui n’avait pas très bien compris sur le moment le pourquoi du comment. D’ailleurs, dans un autre registre, il constata que le mannequin avait froid… Rah ! Mais où tu regardes Soren ?! Bon sang, pourquoi avait-il fallu que sa tenue sois aussi moulante ? Elle ne cachait au final pas grand-chose de cette jeune femme qui mérité clairement sa popularité. Il sourit cependant, oubliant un peu ce qu’il avait vu pendant qu’elle lui parlait, avouant ensuite.

- Dans ce cas, faite le ? Vous allez lancer une mode, je suis sur… puis, juste pour voir la tête de ma petite sœur… je ne serais pas déçu.

Il rigola de bon cœur. Soren imaginait sans mal la blonde avoir les yeux ronds en voyant le défilé à l’écran. Après quoi, on revint au vif du sujet, habitué la petite au contact de l’eau, de la profondeur. Soren put se concentrer le dessus et s’amusa même à se venger de ce que Puri avait fait un peu avant. Abi s’y mettra de bon cœur et ils rirent tous ensemble comme… une famille. Il la remercia, mais c’était plutôt pour ce moment qui lui avait tant manqué, cette sensation qui lui avait fait tant de bien à une époque aujourd’hui révolu.

Elle lui retourna son remerciement et lui fit un bisou sur la joue qui prit un peu Soso au dépourvu… Comment faisait-elle pour garder ses lèvres aussi chaudes et douces dans un moment pareil ? Ou peut-être Soren avait-il plus froid qu’elle ? Non vu ce qu’il avait vu juste avant… impossible. Un mot arriva à son oreille, suffisamment étonnant pour qu’il le relève.

- Privatiser ?

Cela expliquait curieusement bien le manque de monde d’un coup. Donc elle avait fait ça ? Soso ne sut trop comment le prendre. Si le geste était appréciable, le jeune homme voulait clairement autre chose pour sa fille. Mais il n’allait pas en vouloir non plus à la jeune femme. Expliquant avec calme et douceur.

- Tu sais, il faudra qu’elle se fasse au contact des autres. Qu’elle le veuille ou non. Je ne tiens pas à répéter les erreurs de mon père et la garder juste pour moi en prévoyant toute sa vie à l’avance. Mais j’imagine que je devrais t’être reconnaissant d’avoir fait ça pour nous.

Soren avait passé un tiers de sa vie derrière le mur du domaine familial, à coup de précepteur et d’étude à domicile…Son père tenait à en faire un champion coûte que coûte. Pourtant, après avoir su qu’il avait fait ça uniquement pour relever le dojo familial afin de débloquer les fonds nécessaires pour offrir des soins de qualités à sa mère… Pouvait-il vraiment lui en vouloir ?

Puri proposa au jeune homme de nager, mais il n’était pas optimiste au point de se dire qu’Abi apprendrait aussitôt. Soren ria doucement en la regardant faire et avoua.

- Le but pour aujourd’hui, c’était déjà de l’habituer à l’eau. Elle est encore un peu jeune pour savoir nager… Elle apprendra.

Il ramena ses cheveux vers l’arrière pour s’épargner l’espace de quelques instants la gouttelette dans les yeux. Oubliant sa cicatrice au front lorsqu’il fit ce geste… Il n’y prêtait même quasiment plus attention depuis le temps. Abi non plus, elle s’en était toujours moquée et quand elle regardait son père, elle ne regardait jamais autre chose que son visage. Soren la prit doucement contre lui, touchant les bras et les jambes de la petite avant d’admettre.

- Elle a un peu froid, je pense qu’on devrait sortir. Je peux te la laisser un instant le temps que je récupère une serviette au bord de la piscine ?

Il tendit la petite pour qu’elle soit contre Puri une fois que cette dernière avait accepté et marcha dans l’eau jusqu’à pouvoir attraper une serviette qu’il avait prévu au cas-ou. Elle était épaisse, spécialement prévue pour la réchauffer si jamais.

Oh ? Est-ce que Soren venait vraiment de lui lancer un défi ? Purificación ne put s’empêcher d’afficher un sourire amusé et déterminé.

« Adjugé ! Et même si j’aimerais beaucoup voir la tête d’Haruka-san, j’aimerais aussi beaucoup voir la tienne quand tu découvriras que j’ai relevé le défi et que j’ai même lancé une mode en sublimant cet accessoire ! »

C’était complètement idiot, mais ce simple défi lancé sur le ton de la plaisanterie avait boosté à fond l’Espagnole ! C’était qu’elle adorait rabattre le caquet des gens et prouver qu’elle pouvait venir à bout de tout ce qu’elle décidait d’entreprendre !

Quoi qu’il en soit, maintenant qu’Abigail avait fait son premier contact avec l’eau, avec l’aide d’une Purificación pas peu fière, il était peut-être temps de passer à la suite ! L’Espagnole évoqua alors son soulagement d’avoir pu privatiser les lieux pour que la petite puisse se lancer sans aucune difficulté, sauf que les mots de Soren en réponse lui firent l’effet d’une bonne douche froide. La mannequin ne sut plus du tout où se mettre, partagée entre la honte, la gêne et la déception. Elle essaya donc bien vite de rattraper le tir en expliquant son choix, tout en agitant ses mains devant elle.

« Ah ! Oui ! Bien sûr ! Je m’étais simplement dit que ça serait plus simple pour un premier essai si elle pouvait évoluer dans l’eau sans qu’elle ne se fasse bousculer ! Les enfants sont parfois très turbulents dans les bassins, et il y a aussi des adultes peu scrupuleux qui auraient pu la bloquer ou lui faire peur, en lui faisant boire la tasse en jouant trop près d’elle par exemple ! Je n’ai jamais voulu l’emprisonner ou l’isoler du reste du monde, ce n’était vraiment pas mon intention ! C’était vraiment juste pour cette première fois ! »

Rhaaa… Purificación se sentait vraiment trop nulle… Elle savait qu’elle ne pourrait certainement jamais devenir maman, mais elle se disait que ce n’était peut-être pas plus mal si elle faisait des erreurs de la sorte… L’Espagnole baissa donc les yeux avec une petite moue sincèrement désolée.

« Je m’excuse… J’ai tout décidé sans même te consulter pour savoir ce que tu voulais pour ta fille… J’aurais dû te demander avant, désolée. »

Purificación soupira doucement. Bon, elle n’avait pas privatisé les lieux uniquement pour Abigail, elle l’avait aussi fait pour elle et ne pas risquer de mettre Soren et sa fille dans l’embarras si jamais on la reconnaissait, mais elle se rendit compte qu’elle avait commis une grossière erreur. Son sourire avait quitté ses lèvres, mais l’Espagnole ne voulait pas gâcher davantage ce moment, alors elle préféra changer de sujet et proposer à Soren de nager un peu pour montrer l’exemple à Abigail. Sa réponse lui coupa d’ailleurs l’herbe sous le pied et la mit encore face à une de ses erreurs. Pourquoi est-ce qu’elle avait proposé ça ? Pourquoi avait-elle voulu précipiter les choses ? C’était sans doute purement égoïste, mais Purificación savait au fond d’elle qu’elle aurait simplement adoré partager un moment aussi important avec eux. Mais qui était-elle pour vouloir s’incruster dans des moments aussi importants qui n’appartenaient qu’à des gens proches ?

« Oui, c’est vrai. Elle a encore toute la vie devant elle pour apprendre, ça ne sert à rien de se précipiter. »

Et alors que l’Espagnole commençait doucement à sombrer dans des pensées tout sauf joyeuses, son sourire de façade cachant parfaitement ses sentiments, son regard fut attiré par quelque chose : une cicatrice au niveau du front de Soren. Purificación ne put s’empêcher de la fixer un quart de seconde, la surprise lui ayant même fait ouvrir la bouche. L’Espagnole avait fort heureusement réussi à se retenir de poser une question indiscrète quant à son origine. Après tout, n’était-elle pas la mieux placée pour savoir que les cicatrices pouvaient souvent être un sujet douloureux dont les gens n’avaient pas envie de parler ? La mannequin garda donc cette information dans un coin de sa tête, sans en parler, avant qu’elle n’ait de nouveau Abigail dans les bras.

« Oui, pas de souci ! »

Purificación retrouva enfin un vrai sourire au contact de la petite contre elle, mettant de côté tout ce qui avait pu l’affecter. Puis, pour la faire patienter, l’Espagnole voulut faire rire l’enfant en frictionnant son dos pendant qu’elle la maintenait contre elle.

« Réchauffons-nous, réchauffons-nous ! Vite, vite, vite ! »

Purificación se mit alors à danser dans l’eau avec Abigail dans ses bras, pour ne pas qu’elle prenne trop froid en attendant que son père revienne. Chose faite, l’enfant changea de bras et se fit enrouler dans une grosse serviette bien épaisse avant de se faire hisser sur le rebord de la piscine, juste à côté de l’échelle. Les deux adultes n’avaient plus qu’à remonter eux aussi !

L’Espagnole passa la première, mais son attention fut soudainement captée par un mouvement dans le coin de son champ de vision. Ayant aussitôt eu peur que ce soit Abigail qui se soit mise debout et se soit trop approchée du bord, menaçant de tomber, Purificación sursauta. Son pied dérapa alors de la marche de l’échelle sur laquelle elle avait voulu le poser, son corps se retrouvant attiré vers le bas. Par réflexe, la mannequin ferma les yeux et la bouche aussi fort qu’elle le put, prête à potentiellement boire la tasse, mais sa chute fut amortie par…

« Ah ! Pardon ! Désolée ! Je ne t’ai pas fait mal ? J’ai eu peur qu’Abi tombe et j’ai glissé ! »

La tête de Soren avait magnifiquement retenu sa chute, le visage du jeune papa ayant pu dire joyeusement bonjour au postérieur de Purificación. Pas vraiment gênée par ce contact, parce qu’elle était bien plus inquiète de lui avoir fait mal, l’Espagnole se dépêcha de sortir de l’eau et resta près du surveillant pour s’assurer qu’il allait bien. Heureusement, plus de peur que de mal ! Par contre, ce qu’il faisait froid une fois sortis de l’eau ! Purificación se frictionna vigoureusement les bras et s’approcha du banc où les deux Haruka avaient déposé leurs affaires, sauf que…

« Ah… »

Purificación, dans sa précipitation à venir à Nara, avait oublié un détail de taille : sa serviette ! Elle avait été tellement heureuse et excitée à l’idée de passer ce moment avec le père et sa fille qu’elle n’avait pas pensé à en emporter une, ne faisant une fixette que sur cette horrible combinaison de surf qui devait cacher l’état pitoyable de son corps. Bon, tant pis ! L’Espagnole invita Abigail à venir près d’elle pour la réchauffer, frottant la serviette dans laquelle elle était enroulée pour bien la sécher et éviter qu’elle n’ait froid, essayant par la même occasion de récupérer un peu de chaleur. Purificación tremblotait un peu et ses lèvres commençaient même à légèrement tirer vers le bleu. Fort heureusement, la petite voulut monter sur ses genoux. L’Espagnole se laissa donc faire avec grand plaisir, essayant de contrôler au maximum ses tremblements, tout en profitant de ce contact et de cette douce chaleur.

Soren n’avait pas voulu qu’elle se sente mal pour ce qu’elle avait fait. Au contraire, au fond, ça lui faisait plaisir et il ne pouvait pas nier qu’il était plutôt content de pouvoir passer du temps avec elle, pour lui comme pour Abi. Mais voilà, le tact n’était pas souvent sa spécialité et il avait tendance à dire directement ce qu’il pensait sans forcément y mettre les formes. Certains y verront une sincérité sans faille.

Soren avait voulu lui dire que ce n’était rien et qu’au fond elle n’avait pas tort. Peut-être qu’une autre personne aurait pu la traumatiser de façon totalement involontaire… Ce genre de chose pouvait mettre du temps à guérir. Mais pour autant, avaient-ils le droit de se montrer égoïstes envers les autres habitués de la piscine ? Pas sur…

Le jeune homme n’ajouta rien et de toute façon, il fallut vite sortir. La petite s’amusant tellement, elle ne remarqua même pas qu’elle avait froid. Heureusement, Soren veillait pour elle et la décision fut prise de rejoindre le bord. Il laissa donc sa fille dans les bras de Puri pour partir devant afin de récupérer la serviette qu’il avait placé là.

La petite dans ses bras, enroulés dans la couverture. Il frotta avec la serviette pour la réchauffer un peu plus rapidement tout en souriant à Puri. Il pensait sincèrement qu’elle ferait une très bonne mère, dommage pour elle qu’elle n’ait pas connu ce bonheur. Oui, car même si Soren avait souffert dans son histoire, il ne comptait plus les jours de joie qu’il vivait depuis l’arrivée de ce petit être.

Petite qu’il déposa sur le sol, assez loin du rebord le temps de sortir… Ce n’était pas prudent, mais toujours plus que de sortir avec elle dans les bras. Sauf qu’au moment de vouloir monter, Puri tomba et à ce moment, heurta sa tête. Soren mit environ deux secondes avant de réalisé qu’il n’avait plus du tout froid. Bon sang, s’il avait eu mal, le jeune homme ne s’en serait même pas rendu compte tant il était mal à l’aise. Elle s’excusa, mais le jeune homme lâcha un…

- Non … non tout va …bien.

Il avait rougi l’espace d’un instant, mais avait repris sa contenance. La tenue de Puri n’y aidant pas. Il récupéra le reste de sa confiance en lui en avouant d’une voix plus amusée.

- Je te dois des excuses… Tes tenues ne sont absolument pas trompeuses.

D’autant que certaines pouvaient visiblement même être suggestives. Soren sortit alors enfin de l’eau, retrouvant une température corporelle normale assez rapidement et se dirigea vers sa serviette. Abi se mit tranquillement sur les jambes de la jeune femme et c’est là que Soren constata un détail. Oui, elle avait froid, un peu plus que tout à l’heure. Pourquoi ne s’enroulait-elle pas dans sa … Mais où était sa serviette ?

Le jeune homme déplia doucement la sienne, s’approcha d’elle dans son dos pour passer autour des frêles épaules de la jeune femme, sa serviette avec douceur. Ce n’était pas dur de comprendre qu’elle était gelée et qu’il fallait qu’elle se sèche… mais si dans sa combinaison, ce serait compliqué… Mais on ferait comme on peut. Soso avoua.

- Je pense que tu en auras plus besoin que moi. Ça va aller, pas trop froid ?

Il massa doucement les bras de la jeune femme avec la serviette, elle s’occupait bien de sa fille, il lui devait bien ça. Soren lui sourit avec douceur et caressa la tête d’Abi avant de lâcher comme pour se donner une excuse pour ce geste affectif.

- C’est à cause de mon petit monstre si tu es trempé, faut bien que je répare ses bêtises non ?

Purificación n’arrivait pas à se défaire de cette idée qu’elle avait commis une énorme erreur en privatisant les lieux, mais elle préféra essayer de ranger cette pensée dans un coin de sa tête alors qu’elle sortait de l’eau. Sauf que voilà, à trop réfléchir et à concentrer tout le reste de son attention sur Abigail, l’Espagnole manqua une marche de l’échelle et faillit boire la tasse en retombant dans l’eau. Ce ne fut heureusement pas le cas, sa chute se faisant stopper par la tête de Soren qui était juste derrière elle, sur l’échelle, prêt à sortir lui aussi. Purificación s’empressa de s’excuser et de remonter pour aider le pauvre homme à sortir de l’eau, voulant s’assurer par la même occasion que tout allait bien pour lui. Le fait qu’il se soit retrouvé avec le visage collé contre ses fesses ne l’inquiétait même pas, l’Espagnole étant bien plus inquiète d’avoir pu lui faire mal à cause de sa maladresse et son inattention. Elle n’était pas bien épaisse ni lourde, mais quand même !

Soren sortit finalement de l’eau et balbutia que tout allait bien, pendant que Purificación s’approchait de lui afin de s’assurer qu’il n’avait pas le nez cassé ou une quelconque autre blessure apparente. Son regard sombre scruta chaque centimètre carré de son visage, dont la peau semblait avoir rougi l’espace d’un instant, puis elle lâcha un petit soupir de soulagement en voyant que tout semblait en ordre.

« Je suis désolée… J’aurais vraiment pu te faire mal en plus ! Si ça se trouve, j’ai même écrasé tes cervicales en te tombant dessus comme ça ! Si jamais tu as mal au cou, tu me le diras ! Je connais de très bons kinés, je te donnerai leurs numéros ! »

La petite moue désolée de Purificación laissa toutefois rapidement place à la surprise quand Soren s’excusa à son tour pour ce qu’il avait dit lors de leurs retrouvailles au centre commercial quelques temps auparavant. Instinctivement, l’Espagnole baissa les yeux sur son propre corps. Ce fut uniquement à ce moment-là qu’elle se rendit compte que même si sa combinaison couvrait parfaitement l’intégralité de sa peau… C’était quand même un peu comme si elle était seulement couverte d’une couche de peinture en étant entièrement nue, vu comme chacune de ses courbes était parfaitement retranscrite ! Purificación sentit ses joues se réchauffer légèrement alors qu’elle couvrait sa poitrine de ses bras. C’était… gênant. L’Espagnole avait l’habitude de poser en petite tenue quand elle faisait des shootings de lingerie, mais là… Ce n’était pas pour le travail et Soren avait effectivement bien pu se rincer l’œil. Le pire, c'est que c’était vraiment sa poitrine qui avait trahi le fait qu’elle avait froid ! Depuis combien de temps est-ce que tout était aussi visible ?!

« Oh euh… Ehm… Bah voilà, au moins, le malentendu est dissipé, tu sais que tu n’avais aucune raison de tenir de tels propos et je n’ai même pas eu besoin de me débarrasser de cette combinaison pour te le prouver. »

Okay… Est-ce que Purificación n’était pas un peu trop en train de s’enfoncer en disant un truc pareil ? Pourquoi est-ce qu’elle avait évoqué l’idée de se retrouver nue devant lui, comme ça, sans préavis, alors qu’ils s’étaient retrouvés pour apprendre à nager à Abigail ? Quelle honte, vraiment… L’Espagnole avait l’impression que le chlore avait atteint son cerveau et commençait à lui faire dire n’importe quoi. Alors, plutôt que de continuer à parler avec Soren, elle préféra s’installer sur un banc avec la petite bien enroulée dans sa serviette sur les genoux. Car oui, histoire d’aller plus loin dans la maladresse, Purificación avait oublié de prendre de quoi se sécher et se réchauffer. Résultat, elle fit de son mieux pour ne pas trop trembler et se réchauffer au maximum grâce à la présence d’Abigail.

Ce fut à cet instant que Soren la surprit une nouvelle fois en déposant sa serviette sur les épaules tremblantes de l’Espagnole, qui sursauta et tourna vivement la tête vers lui, son visage trahissant clairement sa surprise. Bah ? Qu’est-ce qu’il faisait ? Il parlait d’une voix affreusement douce et ses gestes étaient délicats alors qu’il essayait de la réchauffer en massant ses bras. Purificación fut parfaitement incapable de détacher son regard de Soren, la surprise l’ayant visiblement figée sur place. Ses joues s’étaient même une nouvelle fois réchauffées devant tant d’attention sans aucune arrière-pensée, et ce ne fut que lorsqu’Abigail gigota sous la main de son père que l’Espagnole redescendit sur Terre. Elle attrapa alors le bras de Soren et tira dessus pour l’inviter à s’assoir près d’elles.

« C’est moi qui ai voulu venir ici, je savais bien qu'en me rendant dans une piscine, j’allais forcément être trempée. Il n’y a donc pas de bêtises à réparer et je ne vais certainement pas te laisser mourir de froid parce que j’ai fait l’erreur de partir de chez moi sans ma serviette à cause de la précipitation. Assieds-toi. »

Le regard sombre et intense de Purificación qui le fixait laissait clairement comprendre à Soren qu’il avait plutôt intérêt à s’exécuter, car la mannequin ne tolérerait aucun refus de sa part. Quand il fut enfin assis à ses côtés, l’Espagnole grogna et se rapprocha encore plus, de manière à ce que leurs corps se touchent, de leurs épaules à leurs pieds. Elle déplia ensuite la serviette en la tendant avec ses bras grands ouverts derrière elle, puis elle déposa une extrémité du tissu sur son épaule droite, l’autre sur l’épaule gauche de Soren.

« Voilà ! Comme ça, tout le monde peut en profiter et personne ne tombera malade ! »

Purificación offrit un grand sourire à Soren, se blottissant un peu plus contre lui pour profiter de sa chaleur et permettre également à Abigail d’être emmitouflée dans cette grande serviette avec les deux adultes. Puis, sans qu’elle ne s’en rende compte, un sourire heureux et tendre étira ses lèvres. Elle reprenait des couleurs et tremblait moins, mais était-ce vraiment à cause de la chaleur que son corps parvenait de nouveau à emmagasiner ou de celle qui inondait son cœur ? Purificación était si heureuse qu’elle se prit même à fermer les yeux et à poser doucement sa tête contre l’épaule de Soren. C’était comme un petit cocon empli de tendresse et d’amour, un petit cocon duquel elle ne voulait pas sortir. Son étreinte se resserra doucement sur Abigail, qui finit par en avoir marre de ce petit câlin de groupe. La pauvre, avec toutes ces émotions et cette énergie dépensée, elle était fatiguée et souhaitait rentrer !

« Ah ! Pardon ! Oui, il vaut mieux y aller. Tu as bien travaillé aujourd’hui Abi, il va falloir reprendre des forces avec un bon repas et un gros dodo ! »

Purificación fixa l’enfant avec un sourire amusé et tendre, caressant sa joue avant de déposer un bisou sur sa tempe. Elle laissa ensuite Abigail retrouver les bras de son papa, puis elle se leva après avoir rabattu la serviette de Soren sur son propriétaire, non sans déposer un baiser sur sa joue à lui aussi.

« Merci beaucoup, ça va mieux ! Mais je ne pourrais pas me réchauffer complètement en gardant cette combinaison trempée… Je vais aller me changer. Ça va aller pour ta serviette ? Elle doit être encore plus humide à cause de moi… J’ai un foulard dans les vestiaires, est-ce que tu as besoin que je te le prête pour te sécher ou sécher Abi ? »