« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe]

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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyJeu 15 Avr - 15:56
Quelques jours passèrent depuis cette rencontre. Je ne saurais dire combien exactement. Le temps était à la fois important et secondaire à mes yeux. Il n’était rien de plus qu’un chiffre sur une montre, un téléphone…m’indiquant telle ou telle tâche à effectuer et, en ce sens, il avait son utilité capitale. Et d’un autre côté, je n’étais pas attentif à son écoulement irréversible. Les événements passaient, les paysages, les relations, les choses…Tout passait. Je ne savais même pas s’il y avait vraiment un début et une fin, si on pouvait vraiment parler de création et de destruction. Je voyais les choses plutôt ainsi: un jour un quelque chose arrivait que cela nous convienne ou non puis, sans crier gare, il repartait. Parfois ça laissait des traces, parfois tout allait dans l’oubli. Ce fut à cela que je réfléchissais tôt le matin, un café bien chaud tout droit sorti du Thermos dans les mains. Je regardais, installé en hauteur sous les arbres, les paysages époustouflants de la préfecture de Nara. Il était seulement sept heures. Comme à mon habitude, je m’étais levé très tôt afin de pouvoir assister au lever de l’aurore. C’était un de mes plus grands plaisirs du week-end. L’événement naturel que je trouvais le plus beau, le plus sublime, le plus merveilleux. J’avais besoin de cette bouffée d’air frais, de ce moment pour ne pas complètement sombrer. C’était ma façon de trouver l’énergie nécessaire à avancer depuis qu’Ajite avait laissé un énorme vide dans mon existence. Ajite… Voilà trois jours qu’il m’avait laissé un message, un « sms » auquel je n’avais pas encore eu le courage de répondre. Je ne l’avais pas encore ouvert. Un mauvais pressentiment me dictait de ne surtout pas le lire. Si seulement j’avais au moins pensé à changer de numéro, qu’il disparaisse définitivement de mon existence n’était-ce pas le mieux pour moi ? Avais-je vraiment envie de cela d’un autre côté ?

Et toi grand Soleil indifférent qui se déplace selon des lois spécifiques dans la galaxie, pourquoi restes-tu si silencieux ?, me demandais-je en soupirant. Sa lumière me suffisait. C’était toujours cela de pris. Je me devais de me ressaisir parce que vers midi nous avions prévu avec Jilian de se retrouver au parc. Cela restait un endroit calme et serein pour déjeuner et discuter bouquin. Suite à l’incident de la bibliothèque, nous n’avions que fait brièvement connaissance sans pouvoir pousser la discussion plus loin. Pourtant bien des ressemblances nous liaient. Il y avait parfois des surprises dans la vie, des drôles de hasard difficiles à expliquer. Et pour la première fois de ma vie je pris le courage de prendre l’initiative de proposer une sortie. Ma propre mère n’avait pas été pour rien là-dedans et m’encourageait énormément à maintenir des liens. J’en avais longuement discuter avec elle, ma seule et unique confidente, le soir-même de cet incident. Depuis, elle n’avait cessé d’insister me rappelant que je n’avais pas d’ami sur lequel compter et que c’était une occasion à ne pas laisser passer. J’avais fini par céder admettant qu’elle avait sans doute raison. Réalisant néanmoins que Jilian avait mon numéro mais moi pas le sien, je lui avais rapidement et discrètement un mot lors d’un passage dans la semaine à la bibliothèque dans lequel je lui proposais un pique-nique tout simple au parc, le samedi vers midi. Chose qu’il accepta. Buvant mon café, je me posais alors mille et une question sur le déroulement de l’après-midi. Est-ce que ça allait aussi bien se passer que le jour de l’incident ? Est-ce que ce sera sympa ou est-ce qu’on s’ennuiera ferme ? Allait-t-il finir par me trouver sans intérêt comme tous ? Mais ces questions ne firent que passer, toutes se concentraient sur ce mystérieux message d’Ajite que je n’ouvrais pas mais que je n’avais pas non plus supprimé.

Une fois mon café terminé, je ne pus résister à l’envie de fumer une cigarette. J’en sortis une de mon sac ainsi qu’une allumette pour l’allumer. J’avais aussi un petit cendrier portable qui me permettait de conserver mes mégots sans avoir à cramer quoi que ce fut. Une sale habitude dont je ne me dépêtrais pas mais je ne connaissais pas d’autre moyen de me faire passer ces moments d’angoisse, ces moments durant lesquels j’avais l’impression d’errer sans but dans des sables mouvants. J’avais beau placer un pied devant l’autre, je ne savais pas dans quelle direction j’allais. Et Ajite m’enfonçait, il avait beau n’être plus qu’un lointain souvenir, tout juste un long rêve, le poids de son absence m’enfonçait et mes pas se faisaient plus lents dans le désert. Je restai donc ainsi à penser en boucle incapable d’ouvrir ce fichu « sms » pendant que je fumais ma cigarette. Je la terminai à peine que j’en attaquai une deuxième le temps qu’il soit l’heure que je reparte à la ville. Après quoi je rangeai le tout dans mon sac et me remis en chemin comme je l’avais prévu. Je rejoignis ma mère devant une petite supérette car elle s’était proposée de s’occuper du pique-nique avec moi. Nous faisions souvent équipe lorsqu’il s’agissait de faire la cuisine. Je lui précisai que seulement quelques gâteaux suffiraient et qu’il ne serait pas nécessaire d’en faire beaucoup. Après tout il n’y aurait que moi et Jilian d’autant plus que je n’étais pas grand mangeur. Une fois chez ma mère, nous préparâmes donc quelques gâteaux aux chocolats et à la confiture de fruits rouges, à la façon occidentale. Depuis qu’elle était mariée à mon beau-père très porté sur la culture occidentale, ma mère s’était laissé aller vers la même tendance.

Et dans tout cela je n’avais pas encore regardé cet SMS qui troublait ma tranquillité. J’avais peur de ce que j’allais y découvrir. A première vue il s’agissait de quelque chose d’assez long, ce qui le rendait encore plus redoutable, plus terrible, plus difficile à ouvrir. Je connaissais Ajite, il n’était pas d’un tempérament à faire de grands discours mais lorsqu’il se mettait à écrire quelque chose de long, c’était qu’il s’agissait d’une nouvelle sérieuse. Je me sentis soudainement morcelé, partagé entre deux identités: une de ces identités voulait plus que tout revoir Ajite, même en simple connaissance, une autre voulait le virer définitivement loin. Il avait refait sa vie non ? Quel besoin pouvait-il avoir de me perturber ainsi ? Se rendait-il compte du mal qu’il me faisait ? Devrais-je lui dire cela ? Je soupirai longuement. Heureusement la cuisson des gâteaux fut terminé et cela m’offrit une excuse de me sortir de ma rêverie et de me préparer. Comme à mon habitude j’avais mon fameux sac remplit de tout ce que je considérais comme essentiel pour ma survie en extérieur. J’y mis donc les gâteaux, mes carnets, mes livres, un Thermos, des mouchoirs…Bref tout ce petit arsenal du genre.

Arrivé au parc auquel je me rendis à pied comme à mon habitude, je regardai d’abord furtivement aux alentours si je n’apercevais pas déjà mon collègue. D’après ma montre il n’était pas encore l’heure alors je ne le fis que par prudence puis, ne le voyant pas encore, j’entrepris de faire le tour des lieux afin de trouver la place la plus calme et la plus tranquille possible. J’en trouvai rapidement une malgré le fait qu’il y avait pas mal de mouvements. Ce n’était pas étonnant pour un samedi après-midi ensoleillé. J’allais donc sur la pelouse un peu en retrait de la présence des gens et des bruits, sortis une nappe fine en tissu que j’installai sur l’herbe, posai mon sac puis m’assis attendant avec impatience. J’avais l’espoir que ça irait et que les conversations potentiellement intéressantes que nous pourrons avoir me détournerons de ce SMS horrible qui m’attendait sur mon téléphone.
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptySam 17 Avr - 17:01
Évidemment, dans la précipitation (comprendre par là que c'est moins l'enchaînement d'événements que la simple existence d'événements imprévus qui l'avait perturbé), Jilian n'avait pas donné son propre numéro à Mun...Il avait accepté le sien avec plaisir, mais n'avait pas pensé à lui donner le sien... ni à lui envoyer par SMS dans les jours qui suivirent... le jour même, il avait dû rattraper le retard accumulé. Dans les jours suivants, il lui avait fallu faire des rapports d'incident, échanger avec l'équipe technique de l'académie, planifier une date pour le changement du système... tout ceci venant s'ajouter à la fin de l'année scolaire et la préparation de la nouvelle à venir... les mois de mars et avril étaient toujours des mois chargés pour le bibliothécaire. Si bien qu'il lui était extrêmement difficile de penser à quoi que ce soit qui sorte de l'ordinaire.

Alors quand il trouva le mot dans le livre, il fût tour à tour surpris, ravi et complètement horrifié de voir qu'il n'avait pas écrit à Mun depuis ce fameux jour. Alors évidemment, son premier réflexe fût d'écrire à l'enseignant pour s'excuser platement d'un tel manquement... tout en se disant que c'était sans doute stupide et inutile puisque Mun lui même était revenu vers lui pour lui proposer une activité hors de l'académie... mais il n'avait pas pu s'en empêcher. Et bien sûr il avait accepté dans la foulée. Un picnic dans le parc lui ferait le plus grand bien ! Le parc était magnifique à cette époque, et ça faisait trop longtemps qu'il n'y était pas allé...

D'autant que les journées s'enchaînaient comme des grands tunnels dans lesquels il s'engouffrait sans toujours trouver la sortie. C'était des moments comme ça où il se rendait bien compte de toutes les responsabilités qu'il avait sur les épaules, là où le reste de l'année, les choses étaient assez équilibrées. Et comme toujours à cette période, à cause du stress, il se retrouvait à manger moins, sautant des repas ou les remplaçant par des bonbons. Comme tous les ans, il avait donc maigri un peu. Il rentrait tous les soirs fatigué et les migraines s'enchaînaient sur une base régulière. Bref, il était temps qu'il fasse un peu attention à lui !

Malheureusement, il n'avait rien eu le temps de préparer de la semaine. Jilian avait eu le temps d'avoir toutes ces idées de choses chouettes à ramener pour cette sortie, de petites attentions à préparer et autres succulences, mais tous les soirs, il avait été trop fatigué pour seulement faire plus de courses qu'il ne fallait. Le samedi matin, il dût se rendre à l'évidence : il allait devoir faire plus simple. Il avait encore la tête un peu embrumée de la migraine de la veille. Heureusement, sa vision était revenue à la normale, et manger aiderait sûrement. Il pouvait entendre la voix d'Ayame dans sa tête, le sermonnant de ne pas avoir mangé ni bu... Alors qu'il fouillait ses placards, il trouva enfin : un brownie ! à la noix de coco ! C'était simple, rapide et il avait tout ce qu'il fallait. Il avait même une bombe de chantilly non entamée dans un placard. Parfait !

Jilian grignota rapidement un bol de céréales et se lança dans la confection de son gâteau. Le temps qu'il cuise et refroidisse, le bibliothécaire chargea son propre petit panier avec de quoi faire des sandwichs... et bien sûr, des bonbons. Jilian ne serait pas Jilian sans bonbons ! Il découpa ensuite le brownie en petits carrés qu'il rangea dans un tupperware. Ne lui restait plus qu'à ajouter à son sac un thermos de thé, un livre, le travail de couture sur lequel il n'arrivait pas à avancer en ce moment (un chapeau récupéré dans un vide grenier sur lequel la Terre entière semblait avoir marché et auquel il comptait rendre une forme décente). Et voilà, il était prêt ! Même s'il était fatigué, traînant des restes de migraine et plus pâle qu'à son habitude, il irradiait quand même une certaine forme de bonheur à l'idée de retrouver un ami.

Le bibliothécaire enfila sa veste préférée, même si elle baillait un petit peu à cause de la perte de poids, et son chapeau préféré : un haut de forme bleu profond sur lequel il avait épinglé ici et là des cartes à jouer stylisées. Son panier au bras, direction le parc ! Juste... est-ce qu'ils avaient convenu d'un point de rendez-vous ??? Relisant les SMS, il se rendit compte que non. Ça leur ressemblait bien tiens... Et bien sûr, au lieu d'appeler Mun aussitôt pour lui demander où il était, il préféra se lancer à sa recherche au hasard dans le parc. Ça lui paraissait beaucoup plus logique, comme si de toute façon il était trop tard pour l'appeler. Marchant calmement, Jilian réfléchit simplement à quel pouvait être l'endroit le plus calme du parc... un endroit d'où on pourrait voir les cerisiers en fleurs sans non plus être noyés sous les gens... il avait peut-être une idée ! Il fallait juste qu'il retrouve... ce coin du parc... et... bon ça lui prit un peu plus longtemps que prévu, ce qui était d'autant plus facile qu'il n'avait rien prévu, mais il finit quand même par reconnaître la silhouette de l'enseignant, ce qui le remplit aussitôt d'un certain bonheur innocent, alors même que sa tête recommençait à tourner : la migraine n'en avait pas fini ! Lui faisant de grands signes de la main, il interpela l'homme.

"Kagami-san ! Je vous ai trouvé ! Je m'excuse pour le retard... j'avais... enfin j'ai un peu la tête qui tourne... migraine. Alors la matinée était décousue. Vous n'attendez pas depuis trop longtemps ?"

Le discours était un peu embrouillé. Le temps qu'il reprenne son souffle et de s'assurer que son équilibre ne fasse pas n'importe quoi. Il avait repris de quoi ce matin, alors la migraine revenait sans doute parce qu'il n'avait pas assez mangé, rien de bien grave. Et ce serait bientôt résolu. Il déposa son panier et vit que Mun aussi était venu équipé.

"Et vous ? Vous allez bien ? Très bon choix d'endroit. J'aime beaucoup ce coin aussi..."
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyLun 26 Avr - 3:03
« J’ai rêvé tout ce temps. Je suis un rêveur, un croyant, un errant. J’ai cru en ce monde mais j’ai fini par le rêver, j’ai cru en la vie mais j’ai fini par la rêver, j’ai cru à un avenir meilleur mais j’ai fini par errer. Oui, j’erre maintenant. Je ne fais que cela. Je pose mes pas au hasard. Ils vont partout et nulle part à la fois et j’avance, j’avance, j’avance sans trop savoir pourquoi. C’est vrai…Pourquoi ? Pourquoi avancer quand on n’est pas capable de savoir où aller ? N’est-ce pas la définition même de l’errant après tout ? N’est-il pas censé ne pas savoir où aller mais y aller quand même ? Il ne se demande pas le sens des choses, il ne se pose pas de questions. Il sait que c’est dans sa nature d’être ainsi. Il l’a en lui comme un instinct. Cela ne requiert aucun questionnement, aucun recours philosophique. Je devais donc être un errant d’un autre genre, celui qui ne sait pas où il va mais qui aimerait paradoxalement le savoir. Sauf que j’ai rêvé, j’ai rêvé tout ce temps, j’ai rêvé trop de temps et je ne peux plus me réveiller. Plus précisément, je n’ose plus me réveiller…», commençai-je à écrire dans mon carnet alors que j’attendais l’arrivée de mon collègue. Ce SMS terrible faisait remonter bien des pensées et les écrire était un moyen de les extirper en dehors de ma tête. Il fallait que je l’oublie au nom de cette journée qui s’annonçait. Je ne pouvais pas me permettre de me montrer si négatif devant Jilian. Il fallait que cette journée soit bonne et que rien ne la gâche. Et qui aurait envie de se retrouver avec un presque inconnu complètement déprimé pour un SMS idiot qu’il n’avait même pas le courage de lire parce qu’il était de son ex petit-ami d’il y avait déjà deux ans. Cela faisait vraiment beaucoup.

Je soupirai et tentai de me concentrer de nouveau sur mon écrit en attendant l’arrivée de mon collègue qui ne devait plus trop tarder. Mais rien n’y faisait. Ce n’était pas le jour. J’avais déjà écrit ce que j’avais à écrire et il n’y avait rien de plus à ajouter. N’y tenant plus, je finis par reprendre de nouveau mon téléphone en main prêt à appuyer sur le bouton afin de lire ce SMS en priant que rien d’important n’y était présent. Puis, une abeille s’approcha cherchant à butiner sur les quelques fleurs éparses qui étaient présentes. Je la regardai immédiatement oubliant mon téléphone sur la nappe, mon carnet d’écriture encore grand ouvert. Il s’agissait d’une abeille assez grosse, je ne parvenais pas à voir si elle était pleine de pollen. En tous les cas, elle me fascinait. Sa besogne était pourtant tous les jours la même, elle allait de fleurs en fleurs sans aucun autre objectif. Et je la trouvais formidable. Mes yeux ne se lassaient jamais de ce spectacle. Un sourire s’afficha inconsciemment sur mon visage, admiratif. Je me mis à m’imaginer à sa place, incapable de me poser toutes ces questions incessantes qui me brûlaient la cervelle, alors je vivais l’instant, sachant que seule ma mission était de butiner alors je butinais. Butiner parce qu’il fallait butiner sans plus de questions, sans plus de pensées, sans tous ces murs que je dressais moi-même devant mes yeux.

« Kagami-san ! Je vous ai trouvé ! Je m'excuse pour le retard... j'avais... enfin j'ai un peu la tête qui tourne... migraine. Alors la matinée était décousue. Vous n'attendez pas depuis trop longtemps ? »

J’avais beau avoir eu qu’un simple échange avec mon collègue, je reconnus immédiatement cette voix qui me fit élargir davantage mon sourire. Je tournai la tête vers lui hésitant un instant à détacher mon regard de l’abeille. Je fis un mouvement négatif de la tête comme pour dire que je n’avais pas attendu longtemps et que de toute façon j’avais fini par ne plus faire attention au temps. Néanmoins, je remarquai assez rapidement que Jilian semblait fatigué, cela devait être particulièrement éprouvant pour lui ces derniers temps. Je fus touché donc que malgré la fatigue il avait pris la peine de venir. Écoutant le reste de ses paroles, je répondis enfin toujours souriant:

- Ravie que cela vous plaise ! L'endroit est calme, assez éloigné des nuisances sonores et ça m’évoque un poème de William Butler Yeats, ajoutai-je avant de réciter les quelques vers dont je me souvenais, « Je vais partir maintenant, partir pour Innisfree, J'y construirai une petite hutte d'argile et d’osier, J'y aurai neuf rangées de fèves, et une ruche qui donne du miel; Et je vivrai seul dans la clairière bruissante d’abeilles. ».

Mon regard se tourna rapidement de nouveau vers l’abeille qui butinait et je revins à mon collègue réalisant soudainement que je venais de partager pour la première fois depuis longtemps un texte qui m’avait marqué. Je me mis à rougir, honteux.

- Excusez-moi je n’aurais pas dû, cela m’a échappé mais loin de moi l’envie d’épater la galerie. Je suis vraiment confus…, m’excusais-je en me grattant nerveusement la tête. Je pense que c’est cette abeille. La voir butiner ainsi m’inspire profondément. Je me disais que je devais en apprendre beaucoup d’elle. Elle accomplit sa mission et elle donne l’illusion de l’accomplir avec un certain bonheur, comme si tout allait de soi !, dis-je encore la regardant de nouveau fasciné. Puis me souvenant que Jilian parlait d’une migraine, j’ajoutai encore: Vous me parliez de votre migraine, ça doit être douloureux. J’imagine que vous avez dû vous surpasser ces derniers temps. Mais ça va aller pour vous ? Vous êtes certain de ne pas avoir besoin de vous reposer ? Je suis admiratif de vous voir si capable de tenir un tel rythme. J’ignore si j’aurais autant de force. Oh et sinon, tout va bien pour vous en dehors des désagréments de santé ?

J’étais si troublé par ce SMS mystérieux que je me rendis compte à quel point j’allais dans tous les sens. Je priais de ne pas avoir complètement perdu mon collègue avec lequel je me surprenais déjà à prendre quelques libertés. Était-ce parce que je sentais qu’il était le seul capable de me comprendre ? En toutes les façons, j’allais tellement dans tous les sens que j’en oubliai de sortir la nourriture de mon sac et de proposer, comme il était d’usage, de faire le service. Quand il s’agissait de relation sociale, j’oubliais tout et je n’étais plus bon à rien. Ma tendance à oublier de me nourrir n’aidait guère à améliorer les choses, et encore moins cette abeille qui avait tant occupé mon esprit.
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyMer 28 Avr - 15:26
Jilian était dissipé, certes. La fatigue, le reste de la migraine, l'agitation de cette période de l'année... tellement d'éléments qui étaient venus perturbés son petit quotidien. Il avait quand même fait tout son possible pour retrouver Mun. Parce qu'au milieu de tout ce bazar, l'idée de retrouver l'une des rares personnes qui semblaient pouvoir le comprendre vraiment dépassait tout le reste. Cahin Cahat, le bibliothécaire avait donc fait en sorte de le retrouver dans le parc. Il ne fût pas vraiment surpris de découvrir que l'enseignant était absorbé dans la contemplation d'un insecte, exactement comme ce jour-là à la bibliothèque. Image qui lui arracha un sourire tendre. Comme l'impression de retrouver un endroit sûr... Il s'en voulait presque de signaler sa présence. En fait non, il s'en voulait vraiment, aussi avait-il attendu le plus longtemps possible sans bouger, de peur de déranger l'abeille et Mun, avant de finalement signaler sa présence.

"C'est vrai, vous avez bien choisi !"

C'était tellement agréable que pour une fois sa sensibilité au son ne soit pas moquée ou ridiculisée, tout simplement parce que pour une fois, ils étaient deux comme ça ! Décidément, il allait avoir du mal à se faire à faire partie de la normalité... Le bibliothécaire ne fût pas au bout de ses surprises puisque l'enseignant se lança dans la récitation d'un poème de Yeats. Même si ça faisait drôle de l'entendre en japonais, le tout avait quelque chose de familier, là aussi, une douce odeur de maison. Jilian écouta donc sans bouger, sans réagir, simplement absorbé par le plaisir des mots. Il fût presque triste de l'entendre s'excuser. S'il y avait bien quelqu'un qui n'allait pas se formaliser qu'on lui récite des livres, c'était Jilian ! Aussi préféra-t-il répondre en continuant simplement la récitation...

"And I shall have some peace there for peace comes dropping slow, Dropping from the veils of the morning to where the cricket sings; There midnight’s all a glimmer, and noon a purple glow, And evening full of the linnet’s wings*."

Conclue-t-il en souriant, plutôt surpris que les mots soient sortis de sa bouche aussi facilement. Il ne pensait pas qu'il s'en souvenait encore ! La mémoire était définitivement un drôle de truc...

"Je ne suis pas complètement sûr de ne pas m'être trompé, ça fait longtemps... mon père aime beaucoup Yeats alors il m'en lisait souvent le soir. Je m'en souviens quand même mieux que ce que je pensais..."

C'était vraiment quelque chose d'incroyable la mémoire. Depuis combien de temps est-ce qu'il n'avait plus repensé à tout ça ? Autre vie autre monde. Petit goût de nostalgie. Malgré tout, c'était un bon souvenir. Et il était content que le poème ait le droit à une nouvelle vie à ressortir ici et maintenant.

"Et puis les abeilles... c'est hypnotique... vous saviez qu'elles communiquaient en dansant ? Il y a les phéromones c'est vrai, mais en fonction des mouvements et déplacements qu'elles font, elles peuvent indiquer aux autres où sont les fleurs ou ce genre de choses. C'est incroyablement précis et complexe..."

Lui non plus n'avait pas spécialement l'intention de se vanter ou d'étaler sa science. Il était juste passionné par tout ce qui avait trait à la langue, et il avait eu sa période où la langue des animaux l'avait passionné encore plus que le reste. Il trouvait fascinant que les mouvements qui avaient absorbé l'enseignant, et l'absorbaient lui-même régulièrement, recèlent en fait tout une richesse communicationnelle qui leur échappait complètement à eux pauvres humains... le bibliothécaire se retrouva à son tour complètement hypnotisé par la danse de l'abeille, ça avait quelque chose d'apaisant. Avant que finalement, les questions de Mun finissent par se frayer un chemin dans l'esprit du bibliothécaire, qui battit des paupières, massa ses yeux et reprit le fil des questions.

"Oh... ça va aller... je crois. C'est tous les ans pareil... Je suis très fatigué, et je crois que mon corps que mon corps a du mal à suivre. Mais c'est important, plein de choses à faire pour que l'année après se passe bien. Malgré tout, j'avais quand même très envie de venir ici. Faire quelque chose en dehors du travail... profiter des cerisiers... et puis ne pas faire semblant de ne pas être tout cassé pour une fois..."

C'était un peu confus comme réponse. Lui-même, n'était pas vraiment certain d'où il allait avec ça. Il n'avait pas envie d'inquiéter inutilement Mun. Mais pas envie de mentir non plus. C'était bizarre, parce que d'un côté il savait pertinemment que le rythme qu'il s'imposait était trop élevé pour lui, en témoignait les migraines et son régime alimentaire chaotique. De l'autre, il avait l'habitude de trouver ça normal et voulait parfois s'imposer un rythme similaire aux autres, les gens normaux... Il faisait largement le ping pong entre les deux positions !

"Et vous alors ? J'imagine que de votre côté aussi la fin d'année scolaire et la rentrée ce doit être une période particulière non ?"

Il trouvait bien que Mun avait l'air soucieux, mais il aurait eu du mal à trouver pourquoi...

*Je goûterai un peu de paix, car la paix coule lentement, Coule des voiles de l’aube, là où le grillon chante. Minuit est une lueur, midi un éclat pourpre, Et des linottes font du soir un envol d’ailes.
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyDim 9 Mai - 2:42
Ma première réaction à la réplique de Jilian fut la surprise. La bonne surprise, celle qui nous surprends, celle que l’on n’attend pas. Si bien que je tournai instantanément la tête vers mon collègue, oubliant brièvement l’abeille lorsque j’entendis la récitation du poème en version originale. Je ne m’y attendais tellement pas que je m’en demandai si ce que j’avais entendu n’était pas le fait de mon imagination. Non seulement il était extrêmement rare de tomber sur des personnes connaissant Yeats mais aussi il l’était encore davantage qui pouvait être capable de sortir des citations par coeur en langue originale. Je n’avais encore jamais rencontré jusqu’alors une autre personne capable de mémoriser des extraits entiers sans faire la moindre erreur dans les mots. J’eus presque honte d’avoir récité mon morceau de poème en japonais et de ne pas en avoir mémorisé la véritable version. Après tout n’importe quelle personne trempant un minimum dans les mots savait pertinemment que les traductions n’étaient pas totalement fiables. Une traduction pouvait modifier le vrai message de fond d’un texte et apparaître ainsi comme un voile sur les mots que l’auteur souhaite utiliser. Plongé dans mes pensées, je ne m’étais pas rendu compte que je le fixais anormalement. Ce ne fut que lorsqu’il sourit que je secouai la tête pour me sortir de ma rêverie. Je souris donc en écho au sien continuant à écouter, ravi d’en entendre davantage sur la vie qu’il avait mené. Alors comme cela j’avais animé en lui, sans le savoir, des souvenirs ? Il n’était pas non plus très commun de grandir avec les poèmes de Yeats.

Il me rappela soudainement que nous observions des abeilles. J’acquiesçai à ses paroles étant également familier de ces informations. J’avais été fasciné tout comme lui par ce langage si complexe qu’elles employaient entre elles afin de communiquer. Il me sembla même qu’il y avait certainement des subtilités dans le langage animalier qui n’existait pas dans le langage humaine et vice versa. Les êtres humains ne pouvaient pas se vanter d’être capable de communiquer un itinéraire avec des capacités dansantes. Quel drôle de tableau nous devions former assis là devant cette abeille l’observant attentivement…Une autre ressemblance avec mon collègue qui me troubla particulièrement. Je regardai de nouveau mon collègue du coin de l’oeil tentant de faire en sorte qu’il ne se sente pas trop observé. Qu’est-ce que cela signifiait ? Il existait vraiment d’autres personnes capables de s’extasier devant les simples événements de la nature et ayant un véritable intérêt pour la culture littéraire ? Je fus peiné d’apprendre qu’il ressentait une telle fatigue. Je ne pouvais que le comprendre, j’avais beau aimer mon métier, il m’arrivait de me sentir complètement vidé de ma substance, comme si plus aucune énergie ne circulait dans mon corps. Néanmoins mon métier était le seul moyen que je possédais d’oublier les blessures de mon passé. Je m’y accrochais donc comme une moule à son rocher en plus de cette passion pour la réflexion philosophique qui m’animait. « …Ne pas faire semblant de ne pas être tout cassé pour une fois… » résonna étrangement à mes oreilles. Je lui souris à nouveau à la fois heureux et triste pour lui. Heureux d’être utile à quelqu’un pour une fois au lieu d’être le boulet habituel, triste parce que je savais combien porter un masque pouvait être compliqué. C’était vrai il fallait toujours faire comme si nous étions normaux. J’avais le sentiment que c’était ce que l’on attendait de moi en général. Oubliant l’abeille je finis par répondre:

- Oui je ne sais plus par où commencer par moment mais cela ne me dérange pas. Lire, préparer les cours, corriger les copies, les réunions… C’est tout un monde qui me fait me sentir un peu plus…hum…en sécurité. Mais j’avoue que passer du temps à observer la nature en bonne compagnie, cela fait beaucoup de bien. J’ai l’impression de mieux respirer, dis-je surpris de parler de moi-même avec autant d’aisance alors que ce n’était pas habituel. Vous m’avez vraiment épaté concernant Yeats !, m’exclamai-je après quelques secondes, je comprends l’intérêt que votre père lui portait. Je me retrouve à travers ses poèmes, ils sont emplis de toute cette magie de la nature, plus particulièrement des sentiments humains en lien avec elle. Le week-end je vais observer le levé du soleil loin de la ville, je pense souvent à Yeats dans ces moments-là. Je devrais avoir honte de ne pas connaître aussi bien la version originale.

J’émis un rire puis réfléchissant un instant puis posant mes mains au niveau des brindilles d’herbe que je survolai de la paume, j’ajoutai jugeant que j’avais suffisamment parlé de moi:

- Je ne veux pas paraître inconvenant mais… Vous devriez sûrement écouter un peu votre corps. Enfin… je suis mal placé pour dire cela, dis-je en riant. Le plus difficile c’est lorsque la cassure est à l’intérieur. Ces cassures, elles sont à la fois les plus faciles et les plus dures à cacher. N’hésitez pas à être vous-même, j’en serai ravi. Il est rare de trouver un vrai confrère.

Je m’allongeai sur le drap cessant le mouvement de mes paumes sur la surface de l’herbe et j’admirai le ciel réfléchissant à ce que je venais de dire. J’ignorais comment Jilian le prendrait. Je restais toujours autant préoccupé par ce SMS, je ne savais pas ce que j’avais à en faire. Puis je finis par dire encore:

- Peut-être qu’observer un peu le ciel pourrait soulager votre migraine ? Sans vouloir vous en provoquer une autre, ajoutai-je en hésitant, si vous aviez…hum…un message d’une personne du passé mais que vous craignez lire son contenu, vous le liriez quand même ?, demandai-je d’une petite voix à peine imperceptible, encore étonné de demander l’avis d’une autre personne que ma mère.
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyJeu 13 Mai - 15:43
Ça, il ne s'était pas attendu à réciter du Yeats (ni même à s'en souvenir pour commencer), pas plus qu'il ne s'était attendu à regarder les abeilles quand il était venu. Encore que...ce n'était pas si surprenant après tout, surtout quand on repensait à leur première rencontre. En tout cas, c'était des plus agréables! Même s'il était fatigué, Jilian ne regrettait vraiment pas de s'être poussé à venir. Il se sentait définitivement bien ici. L'impression que Mun et lui parlaient la même langue, ce qui facilitait drôlement les choses !

Il avait quand même à coeur de savoir comment les choses allaient pour son ami. Après tout, c'était une période particulière pour lui aussi, même si c'était d'une autre façon. Encore une fois, Jilian comprenait tout à fait ce qu'il voulait dire, cet étrange mélange entre le fait d'être complètement perdu devant le nombre de tâches à faire et la vitesse avec laquelle elles peuvent s'enchaîner durant certaines périodes, et la capacité de ses environnements à vous faire vous sentir à l'abri. Il s'en était violemment rendu compte d'ailleurs après le typhon, quand il avait dû être en arrêt maladie, le temps que sa jambe guérisse un minimum et qu'il avait été privé de son lieu de travail. Ce n'était pas facile à expliquer cette sensation, le fait qu'un lieu pouvait autant vous sécuriser que vous épuiser... Aussi il ne pouvait qu'hocher vivement la tête en souriant pour marquer son approbation et sa joie de trouver quelqu'un qui connaissait ça ! Ce qui n'était que la moitié d'une bonne idée puisque le mouvement réveilla une partie de la migraine et la vue du bibliothécaire se voila un instant. Oups... Il préféra faire comme si de rien n'était et se concentra sur la suite de ce que disait Mun. Il leva rapidement les mains comme pour s'excuser lui aussi.

"Non non voyons ! Il ne faut pas vous en faire pour ça. Je suis américain, mon père aussi... alors forcément, ces mots me viennent plus naturellement en anglais. C'est la langue de la maison, de l'enfance... d'autant plus que comme je disais, mon père m'en lisait le soir..."


Il hausse les épaules, sourit un peu, quoique peut-être un peu mélancolique.

"Vous savez, mon père est interprète. C'est comme ça qu'on est venu au Japon. Et Yeats était son poète préféré. Enfin... c'est toujours le cas ! Il essaie régulièrement de le traduire en japonais. Je crois que c'est un de ses sports. Vous savez, il y a des gens qui font et refont les mêmes puzzles. Papa traduit et retraduit ses poèmes préférés. Il pourrait vous parler des heures de pourquoi il a fait un choix ou un autre, des différentes solutions qu'il a pu essayer. C'est passionnant de l'écouter... il vous en parlerait mieux que moi... j'aime Yeats parce qu'il me rappelle cette époque, comme un autre monde qu'on ne peut plus attendre."

Il s'arrête un instant, regarde autour de lui. Sa vision se stabilise lentement, mais les contours restent un peu flou. Ayame serait là, elle le gronderait encore ! Tant pis. Il préfère se laisser absorber par cette conversation. Ça passera bien ! Il suffit qu'il ne s'agite pas trop. Reprenant son souffle, il reprend.

"Je crois que pour papa, c'est un peu comme vous. Les poèmes de Yeats, c'était une façon de se reconnecter à la nature. Il disait toujours qu'il y a une simplicité sophistiquée dans ses textes. Comment est le soleil le matin ? Vous avez un endroit préféré pour ça ? Enfin vous n'avez peut-être pas envie de partager ça ! Je comprendrai."


Nouveau temps de réflexion.

"J'habite près du parc au daim. Là-bas il y a un grand saule-pleureur dont les branches viennent chatouiller l'eau. J'adore aller me cacher en dessous. Les jours de pluie c'est encore mieux, vous avez l'impression d'être dans un abri de feuillage, et on peut regarder les gouttes tomber sur l'eau, ça fait... comme de la musique toute douce."

C'est un de ces endroits préférés de la ville. Jilian essaie d'y aller aussi souvent que possible, histoire de s'obliger à sortir. Il y emmène un livre, son ouvrage de couture, du thé... et des bonbons bien sûr ! Il lui arrive si souvent d'y passer des après-midis entiers qu'au final, il ne connait que très peu ce parc, même après presque trois ans passés ici ! Mais à ce moment-là, Mun le ramena à la dure réalité. Écouter son corps... oui son dire... il soupira, replaça sa mèche pour cacher son oeil aveugle, il savait que Mun avait raison. Mais il fût surpris par la suite. Tellement surpris qu'il ne savait pas quoi répondre et resta là à le regarder avec des yeux ronds, surpris, rougissant un peu.

"C'est... c'est vrai que c'est... rare... en fait, je ne savais même pas que c'était possible..."


murmura-t-il.
Quand on y pensait, c'était presque un miracle d'avoir pu trouver quelqu'un capable de comprendre ça. Mais il savait pas trop comment lui dire. Ou plutôt... comment l'en remercier.... tant de fois on avait voulu le changer de force qu'il avait vraiment du mal à croire qu'il soit possible qu'on l'accepte pour ce qu'il était. Encore aujourd'hui il avait du mal à croire que James soit toujours son ami. Alors les mots de Mun, c'était l'effet d'une tornade dans sa tête. Le temps qu'il se ressaisisse, Mun s'était allongé, et surtout avait repris la parole, mais dans un tout autre registre. C'était... une question. Pas une petite question. Jilian pouvait sentir que ce n'était pas de la pure théorie. Et même s'il ne savait pas de quoi il était question, il pouvait sentir que c'était important. Il fallait donc qu'il se concentre, et qu'il pèse le moindre de ses mots. Il vint s'allonger aux côté de Mun, doucement. Plaçant son bras au dessus de ses yeux pour les protéger, il reprit doucement la parole.

"Et bien... je crois que je lirais oui. Parce que... si je ne le faisais pas, ça me tournerait dans la tête encore et encore et encore jusqu'à me rendre fou... je ne serais pas capable d'oublier que ce message existe, alors je passerais mon temps à imaginer le pire. Tout le temps. Jusqu'à ne plus dormir ou manger. Alors le mieux, ce serait de le lire... après, j'imagine que je ferais en sorte de choisir un moment où e peux me reposer après, ou bien d'être avec quelqu'un qui puisse m'aider à le lire... ou encore de préparer quelque chose, comme une armure..."

Il réfléchit encore un instant. Jilian ne voulait pas se montrer intrusif. Et en même temps, il comprenait ce genre ce genre de difficultés, et il s'il pouvait l'aider à traverser tout ça un minimum, alors il le ferait !

"Vous... vous avez un tel message qui vous attend ?"
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyMer 26 Mai - 19:55
Aux paroles de mon collègue, je réalisai effectivement comme il me l’avait indiqué auparavant qu’il était d’origine américaine. Son aspect physique devrait me le suggérer mais n’étant pas attentif à ces détails, il n’y avait que les mots pour m’inciter à y faire attention. Ce fut alors comme une surprise lorsqu’il m’expliqua à nouveau son origine américaine. Il était vrai qu’en me remémorant la récitation du poème de Yeats par Jilian, il avait bien un anglais impeccable suggérant qu’il s’agissait à coup sûr de sa langue natale. Cela me fit penser soudainement à une étrangeté qui m’avait souvent interpellé. Pour quelle raison nous parlions si bien la première langue apprise dans notre vie et rarement les autres ? Est-ce que parler une langue avait un impact sur les cordes vocales ? Est-ce qu’elles prenaient une forme quelconque qui ne pourrait jamais en prendre une autre comme une inscription marquée dans le marbre. Mais mes pensées s’évacuèrent rapidement, intéressé par les paroles de Jilian concernant sa vie. Une image de lui et de son père, que je n’avais pourtant jamais vu, apparut dans mon esprit. J’imaginais étrangement un homme calme et sérieux, penché sur son texte dans une réflexion intense comme pour extirper quelque chose de ce texte pour en donner une meilleure traduction possible. J’acquiesçai donc à ces paroles souriant et réalisant que la traduction était tout un art. Je comprenais que l’on puisse se passionner.

Puis un « comment est le soleil le matin ? Vous avez un endroit préféré pour ça ? » me sortit de ma rêverie. Le levé du soleil était un moment magique, pensais-je à par moi-même, c’était un événement riche en phénomènes physiques notamment au niveau atomique. Les particules atomiques étaient les responsables de ce mariage impressionnant de couleurs dans le ciel surtout durant les saisons comme le printemps. Je voulus répondre à la question mais je me retins sentant qu’une réflexion de mon collègue allait suivre. Lui aussi semblait absorbé par des pensées et elles allaient sans doute sortir de sa tête. Je préservai donc le silence, attentif. Il me parla donc d’un coin naturel au sein d’un parc. La contemplation de la nature au sein d’une ville avait une dimension magique que seuls les mots ne suffisent pas à décrire. Je souris heureux que ce plaisir fut partagé. Les gouttes de pluie qui tombent et roulent sur les feuillages, je l’imaginais aisément. Il était vrai que la Nature était belle aussi en jour de pluie, c’était comme si elle prenait une forme différente. Ce fut lorsque vint la suite que mon visage s’assombrit quelque peu. Quand il s’agissait d’Ajite, je ne pouvais m’empêcher d’éprouver comme une pointe au coeur, un semblant de nostalgie et de mélancolie. Mais il avait raison, ne pas lire ce message était une vraie torture. Je ne faisais qu’y penser et je ne pouvais pas me concentrer pleinement sur ce moment agréable avec mon collègue. Etre en présence de quelqu’un pour le lire ? Je me mis à réfléchir rapidement à ces paroles. Effectivement, cela ne me paraissait pas idiot comme idée. Peut-être que le coup serait moins terrible avec une personne pour nous épauler à nos côtés.

Je tournai la tête donc vers Jilian faisant un simple hochement de tête à sa dernière question. Je pris une grande inspiration et je m’emparai de mon téléphone l’index tremblant devant l’écran. Puis je relâchai mon courage préférant répondre à mon collègue avant. Je soupirai longuement puis finis par dire pour répondre à mon collègue, désirant prolonger le plus possible le moment de lecture de ce SMS:

- Le matin, c’est magique. J’aime la fraîcheur qui se dégage de la végétation. La rosée qui humidifie légèrement l’air et en même temps mon café brûlant entre les mains. Et surtout, j’admire cette couleur rosée qui teinte le ciel au lever. Cela est dû aux longueurs d’onde, les couleurs de faible longueur d’onde disparaissent et laissent donc place au rouge, au rose…Les phénomènes physiques sont impressionnants. Quand on y pense, le monde peut se montrer magique par moment et pas toujours froid et sombre. Il doit être magnifique ce coin dont vous me parlez avec le saule pleureur…Vous me montrerez ?

Puis tournant mon regard vers mon collègue, je réalisai qu’il avait l’air pâle. Il semblait prendre beaucoup sur lui comme si un mal quelconque le rongeait. Il avait parlé d’avoir la tête migraineuse. Peut-être était-il encore pris par cette migraine ? Cela m’inquiétait bien plus que ce SMS sur le moment. J’en fus moi-même surpris. Je m’en voulu de l’avoir mis ainsi dans mes histoires alors qu’il n’était pas bien. Je me redressai soudain pensant à une chose. On n’avait pas prévu un pique-nique normalement ? Ni une ni deux, je pris mon sac et sortis les plats sucrés que j’avais préparé avec ma mère. Je l’avais complètement oublié. Mais où avais-je la tête encore ? Un peu plus et j’aurais été capable de revenir avec les plats intacts. J’y avais repensé en me disant que le sucre apaiserait sûrement ses maux de tête. Je les plaçai donc devant mon collègue souriant:

- Je vous remercie de vos conseils pour le message. Ils me sont sincèrement précieux. Mais assez parlé de moi. Je pense qu’il vaut mieux penser à vous. Je ne veux pas vous terrifier mais vous me semblez vraiment pâle. Je m’en voudrais presque de vous avoir fait subir ce déplacement alors que vous n’allez pas bien. En tout cas, j’ai entendu dire que le sucre pouvait aider à redonner un peu d’énergie quand on se sent faible. Sans nourriture, votre cas risque d’empirer et vu que nous n’aimons pas les imprévus, je pense qu’il serait préférable que l’on s’évite un malaise.

Je ris légèrement essayant de détendre au mieux l’atmosphère afin de ne pas laisser mes préoccupations tout gâcher. J’en vins à me demander soudainement pour quelle raison je venais d’agir ainsi. Il n’était pas dans mon habitude d’être prévenant et encore moins de prendre ce genre d’initiative. Sur le moment je fus surpris de mes propres réactions. Est-ce parce que nous nous comprenions si bien ? Pourquoi me comportais-je ainsi ? Secouant la tête, je laissai échapper au mieux mes pensées puis lui tendant un des plats j’ajoutai:

- Je les ai fait en compagnie de ma mère. On cuisine souvent tous les deux et je peux vous promettre que ce sera un régal.
Jilian Doe
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyLun 31 Mai - 15:36
Jilian avait fait de son mieux pour répondre à la question de son collègue. Il sentait bien que c’était une question importante qui était loin d’être posée au hasard. Mais sans connaître les tenants et aboutissants de la chose, ce n’était pas évident. Sauf que tout ça avait vraiment l’air de travailler Mun, il pouvait le sentir. Il fit donc attention à chacun de ses mots…enfin… plus que d’habitude dirons nous ! Quand Mun sortit son portable, il sut qu’il avait raison. Que la question était bien plus personnelle qu’elle n’en avait l’air. Jilian ne dit rien, lui laissant le temps de se lancer. Le bibliothécaire était à la fois curieux et terrifié de savoir ce que pouvait bien contenir le SMS qui effrayait à ce point son collègue.

Mais finalement… non. Mun se ravisa, préférant faire diversion en revenant aux conversations précédentes, comme si tout cela n’avait été qu’une étrange parenthèse. Jilian sourit tendrement, préférant faire comme s’il ne s’était rendu compte de rien. Chacun son rythme ! Peut-être que s’ils continuaient à bavarder tranquillement, l’enseignant finirait par se sentir suffisamment en confiance pour lire son message et affronter son contenu. Et puis c’était toujours aussi intéressant de l’écouter ! Jilian ne savait pas pour cette histoire d’onde. D’ailleurs il n’était pas complètement sûr d’avoir compris ce qu’il voulait dire pas là… il sourit quand même.

« Ha oui si vous voulez ! On doit pouvoir loger à deux sous cet arbre. Vous verrez c’est magique, c’est comme si la pluie vous enlaçait mais sans le froid. On se sent à l’abri du monde… tout dehors est ralentis et on est hors de portée. Je vous montrerai si vous voulez. Mais il faudra me réexpliquer cette histoire d’ondes, je crois que je n’ai pas bien compris… »

Avoua-t-il avec un sourire désolé. Peut-être que c’était la migraine qui revenait, mais il sentait ses neurones tourner au ralenti. Alors si ça lui disait quelque chose, il était bien incapable de remettre les informations dans l’ordre.

Mun sembla avoir une illumination et se releva subitement. Ha mais oui ! Le picnic ! C’est vrai… ils avaient préparé des choses et lancés dans la conversation ils avaient oublié. D’une certaine façon, ce n’était pas bien surprenant. Jilian se releva… trop vite. Petit vertige. Il tâcha de le dégager sans que ça ne se voit trop. Il ne voulait pas inquiéter son collègue. Il avait l’habitude, et puis il en avait déjà eu bien pire ! C’était juste de la fatigue. Rien de bien grave… et puis il en avait marre de devoir abandonner des moments qui lui faisaient plaisir parce que son corps ne suivait pas ! Apparemment, Mun s’était quand même rendu compte de quelque chose. Jilian rougit violemment, s’en voulant d’inquiéter ainsi ce pauvre homme. Décidément, quoi qu’il fasse, il fallait toujours qu’il soit un boulet qu’on traîne !

« Ha euh non… ne vous inquiétez pas ! Je vous jure que tout va bien ! C’est juste… juste un peu de fatigue… et de surmenage peut-être… Mais tout va bien ne vous en faîtes pas ! »


Ceci dit, il avait raison. Manger lui ferait du bien. Et après tout, ils étaient venus pour ça… et puis Mun n’avait pas spécialement l’air de le juger. Bien au contraire. Il parlait d’un « nous ». Avec le recul, cette toute petite syllabe frappait les oreilles de Jilian. Comme si elle semblait indiquer que pour une fois il ne serait pas tout seul dans sa galère.

« Mais euh… vous avez raison… ça ira sans doute mieux après avoir mangé quelque chose… je n’ai pas mangé grand-chose ce matin… Je suis sûr que ce que vous avez fait avec votre mère sera très bon ! Vous cuisinez souvent ensemble ? en plus j’ai la dent sucrée, alors je suis sûr que ce sera très bien ! »

Rougissant encore, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs à ce stade, Jilian plongea dans son propre panier pour en extirper ce qu’il avait lui-même préparé, à savoir la boîte contenant le brownie découpé en cubes, le thermos de thé et la boîte de bonbons.

« Je suis désolé je n’ai pas eu le temps de faire des courses cette semaine, alors j’ai fait avec ce que j’avais dans mes placards. Mais on ne peut pas se tromper avec un brownie pas vrai ? Je ne savais pas ce que vous aimiez en thé, je me suis dit qu’un thé aux fruits rouges irait très bien à ce type de journée. »


Sortant deux verres, Jilian les servit chacun. Boire lui ferait aussi du bien. Tendant son verre à Mun, le bibliothécaire reprit la parole, timidement.

« Vous… vous voulez qu’on parle de votre message ? Ou vous préférez qu’on fasse comme si ça n’était jamais arrivé ? »

Il n’avait pas pu s’en empêcher. Certes, c’était peut-être une diversion, lui aussi n’avait pas envie de s’étendre sur son état. Mais il s’inquiétait aussi sincèrement. Et puis, s’il voulait pouvoir aider Mun le mieux possible, c’était quand même mieux de savoir de quoi il avait besoin non ? Peut-être qu’il avait besoin qu’on l’encourage, auquel cas autant le relancer maintenant. Mais peut-être qu’il avait plutôt besoin qu’on le soutienne simplement en lui vidant la tête. Jilian trouvait plus simple de directement lui demander plutôt que d’essayer de deviner et ainsi prendre le risque de le blesser inutilement.

« Enfin ce ne sont pas mes affaires dans le fond hein ! Je ne vous oblige à rien bien sûr. Simplement si vous avez envie… enfin… je suis là… vous n’êtes… vous n’êtes pas tout seul… quoi qu’il se passe… »

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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyVen 4 Juin - 1:15
Je ne pus m’empêche de réprimer une espèce de sourire quand mon collègue m’expliqua honnêtement qu’il n’avait pas compris mes histoires de physiques quantique. Il était vrai que parler d’onde comme cela sans expliquer ce que cela pouvait bien être, c’était comme parler d’un seul coup une langue inconnu. Je me grattai la tête un peu gêné de ne pas avoir été plus précis sur ces notions très abstraites. Mais en y repensant il était difficile de décrire ce qu’était une onde et plus particulièrement une onde de lumière. C’était une espèce d’élément microscopique informe dont on ne savait pas s’il fallait la définir comme une particule ou une oscillation ou les deux à la fois. Bref le monde de la physique quantique n’était pas aisé à comprendre. Il était contraire à ce que nous pouvions imaginer et bien trop contre-intuitif. Je n’en connaissais et comprenais que les grandes lignes, admiratifs de ceux qui étaient capables de le comprendre à un niveau bien plus élevé et de le maîtriser sans la moindre difficulté. Vraiment il y a avait des choses et des personnes impressionnantes en ce monde. C’était pour cela qu’il était intéressant, sans ces quelques trésors, j’ignorais ce que je pourrais en penser. Déjà qu’il m’était difficile d’y accéder et de vraiment y prendre part. Mais bref, trêve de pensées qui ne servent à rien, ce n’était pas le plus important ce jour-là. Je restais surtout aux aguets de l’état de mon collègue qui était quelque peu préoccupant.

Il avait beau affirmer que tout allait bien et qu’il n’y avait rien de grave, je restais quand même méfiant. Mais je ne savais que trop bien ce qu’il ressentait. Ce n’était pas une surprise pour moi qui avait tendance à me surmener et à ne pas penser à me nourrir. Heureusement cela ne me provoquait que très rarement les symptômes de mon collègue, à la longue, le pire que je pouvais avoir était juste une sorte de moment à vide durant lequel je me sentais me déconnecter de tout. Peut-être était-ce sa manière de se déconnecter de tout aussi bien qu’il ne demandait rien concernant ses ressentis corporels. Je décidai néanmoins d’acquiescer et de le croire sur parole. Il était le seul vraiment capable de savoir s’il pouvait tenir le coup ou non. En tous les cas la nourriture allait sûrement aider à reprendre un peu de force surtout qu’il y avait pas mal de sucrerie au final. Ce qui était le moyen le plus efficace pour aider Jilian à sentir un petit mieux. Du moins c’était ce que j’espérais pour lui. Je l’invitai à se servir les petits gâteaux préparés par moi et ma mère puis j’entrepris de me servir d’un morceau de brownie. Le voir me donna l’envie d’en manger une petite bouchée. J’avais beau ne ressentir que très peu la faim et l’envie de manger, il y avait des mets sur cette planète dont je ne parvenais pas à résister. Je m’inclinai et le remerciai poliment pour le verre de thé. C’était bien pensé. Il n’y avait rien de mieux qu’un thé pour accompagner les gâteaux.

Alors que je m’emparai du verre que mon collègue me tendait, il me questionna de nouveau sur ce fameux message. J’avais voulu esquiver d’une certaine matière en posant l’attention sur lui mais j’avais commencé à en parler et je ne pouvais plus faire marche arrière. Je savais par avance que cela allait être difficile et je n’aimais pas me montrer trop vulnérable aux yeux des autres bien que j’éprouvais spontanément une forme de confiance envers Jilian. Il m’inspirait l’envie de montrer une partie plus fragile de moi-même, après tout il avait été témoin de mes angoisses avec cette histoire de bibliothèque et lui aussi m’avait montré, en quelque sorte, cette partie de lui-même bien qu’il faisait un gros travail sur lui ce jour-là. Par ailleurs, il semblait sincèrement inquiet comme s’il sentait que quelque chose me tracassait. Il me connaissait très peu et pourtant il m’avait compris comme rarement on avait pu me comprendre dans ma vie. Je le regardai hésitant toujours. Je déposai le verre de thé et le brownie sur la nappe n’ayant mangé qu’une petite bouchée. Je pris mon téléphone et fis une grande inspiration:

- Non il faut que j’affronte ce message…Et il est vrai que cette entreprise sera bien plus facile en votre présence. En fait…Il est de la personne avec qui j’ai partagé une vie de couple quelques années. Ça va fait deux ans qu’il est sorti de ma vie et c’est la première fois que j’ai des nouvelles., expliquais-je en devenant légèrement sombre.

J’ouvris alors le message d’un coup afin de ne plus laisser mes pensées me détourner. Mon coeur battait la chamade. Qu’est-ce que j’allais lire ? Qu’est-ce que j’allais faire de cela ? Je ne le savais pas encore mais l’angoisse était bien là me tenaillant l’intérieur du corps. Je commençai la lecture invitant mon collègue à le regarder aussi. Après tout il avait raison, être deux rendrait peut-être les choses plus faciles. Voici ce que le message disait:

«  Hey Mun ! Il y a longtemps que nous n’avons pas pris de nouvelles. J’espère que tu évolues bien et surtout que tu es heureux. Je t’avoue que si je prends contact avec toi c’est aussi intéressé (mais je veux vraiment de tes nouvelles). J’ai quelques soucis de mon côté et…Je n’ai nulle part où aller. Aurais-tu la possibilité de m’abriter pendant un temps ? Ce ne sera pas long, c’est juste pour reprendre pied. Je te laisse y réfléchir et je comprendrai si tu refusais. Bye bye ! Ajite ».

Ce franc parlé c’était bien lui dans toute sa splendeur. Je le reconnaissais pleinement à travers ce message, même s’il n’avait pas signé son prénom je l’aurai reconnu entre mille. Seul cet excès de politesse n’était pas vraiment de son caractère. Il devait être dans une espèce de situation de dernier recours pour faire ainsi appel à moi. Sur le moment, je restai saisi, figé comme une statue face à ce message. Je me surpris à le relire plusieurs fois et, d’un coup, ce fut à mon tour d’en ressentir comme une forme de vertige. Je reposai donc mon téléphone décidé à prendre le temps de respirer calmement.

- Eh bien…Je ne vois pas vraiment quoi faire là. Tout cela ne me dit rien qui vaille. Je suis vraiment navré, dis-je en souriant du mieux que je le pouvais, je ne voulais pas ternir ce moment mais je n’avais pas prévu ce retournement. Déjà rien que cela me perturbe…Qu’est-ce que vous feriez ? Vraiment je me sens perdu pour être honnête.

Je pris une gorgée de thé comme pour continuer à m’apaiser au mieux.

- Il est délicieux ce thé, et le brownie ! Merci beaucoup pour tout cela. J’espère que le duo entre moi et ma mère est une réussite pour nos sucreries, ajoutai-je souriant encore.
Jilian Doe
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyDim 13 Juin - 16:15
Le thé et les gâteaux faisaient quand même du bien... et c'est vrai que ce qu'avaient cuisiné Mun et sa mère étaient délicieux ! Manger, boire... ça soulageait un peu, il fallait bien admettre. Oh il faudrait encore du temps avant que les vertiges ne disparaissent totalement. Mais au moins la nausée qui s'installait s'en retourne d'où elle vient. Et puis c'est si agréable de manger des douceurs en bonne compagnie ! Malgré tout, il voit bien que cette histoire de message pèse sur son compagnon du jour. Il se voit mal faire comme s'il ne voyait rien. Alors tant pis, quitte à paraître impoli, il jette la bombe. Il préfère demander et se faire envoyer sur les roses que de fermer une porte son Mun aurait besoin...

Quand Mun lui donne quelques éléments de contexte, il comprend aussitôt... il serait sans doute dans le même état si du jour au lendemain Hirumi lui réécrivait... et puis il trouverait ça louche aussi... tant de temps après, c'était souvent bizarre... Il pouvait voir toutes les questions passer sur le visage de Mun.

"C'est... c'est effectivement assez inattendu comme message oui. Je n'en mènerai pas large non plus si mon ex-compagnon m'écrivait soudainement de nulle part comme ça..."

Il ne sait pas trop comment exprimer sa compassion autrement. Juste qu'il comprend. Il ne juge pas... il serait sans doute même dans un état encore pire ! Il aurait fait les cents pas comme un lion en cage dans son appartement, se cognant tout seul et se cognant à tous les meubles sans même s'en rendre compte à cause de la nervosité ! Mais Mun était venu quand même partager un picnic avec lui... c'était déjà incroyable ! Alors Jilian voulait se montrer digne de la confiance qui lui était donnée.

Saisissant le signe silencieux, il se rapprocha de l'enseignant afin de pouvoir lire à ses côtés. Et le moins qu'on puisse dire c'est que... c'était désarçonnant. Et un peu culotté... enfin bien sûr, il ne connaissait pas tout le passif entre les deux hommes, ni comment s'était terminée leur relation. Mais entre l'air sombre qu'affichait Mun, son angoisse à la mention de message, et les deux ans de silence radio qui finissaient magiquement au moment où ce Ajite avait besoin de quelque chose... ça n'inspirait pas vraiment confiance ! La seule chose qu'il avait pour lui, c'est d'avoir été honnête sur ses intentions. Mais sur le principe de base, ça n'en demeurait pas moins abusif... Et Mun lui demandait son avis... le bibliothécaire se plongea dans une profonde réflexion, essayant de combler les trous, réfléchissant à la façon de ne pas paraître jugeant ou prescripteur. Il n'avait pas la prétention de savoir mieux que lui...

C'est la question sur les douceurs qui le sortir de sa torpeur.

"Oui ! C'est vraiment délicieux ! Vous avez fait un super travail tous les deux. Remerciez votre maman de ma part."

Mais c'était encore une tentative pour éviter le sujet non ? Il fallait qu'il trouve une réponse à la question de son ami... il aurait vraiment pouvoir lui donner une question solide, définitive... mais il savait que ce n'était pas si évident... il soupira.

"C'est vrai que c'est compliqué... je crois... je crois qu'avant de savoir quoi décider, il faudrait savoir comment choisir..."


Jilian avait du mal à mettre les phrases dans le bon ordre. Il voyait à peu près ce qu'il voulait lui dire, mais tout était emmêlé. Entre les restes de migraine et les informations qui lui manquait... mais il voulait répondre ! Alors il faisait des efforts.

"D'abord... est-ce que vous vous sentez capable de le revoir ? est-ce que vous en avez envie ?"


C'était le plus important déjà. Faire le tri. Parce que s'il ne voulait pas le revoir, ou si c'était beaucoup trop douloureux, alors ça ne servait à rien de continuer.

"Parce que... enfin... je ne connais pas votre histoire... mais après deux ans de silence... vous ne lui devez rien... alors... alors si ça vous fait trop mal de simplement lui parler... je veux dire, vous êtes déjà mal d'avoir un message de sa part... alors il faudrait savoir si c'est la surprise, ou si c'est impossible pour vous d'avoir une conversation avec lui..."

Parce que là, on arrivait au noeud du problème. Si un SMS suffisait à le mettre dans cet état, comment il ferait s'il devait le revoir ?? Et encore plus s'il devait l'héberger !

"surtout si vous devez le revoir par la suite..."


Jilian but un peu de thé, cherchant ses mots pour formuler la dernière étape.

"Et puis... ça vous ferait un gros changement... dans votre vie... dans votre routine... vous pensez pouvoir le supporter ? Ce SMS vous a déjà tellement secoué...alors vivre sous le même toit à nouveau ? Vous pensez pouvoir le faire ?"
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptySam 26 Juin - 13:19
La réaction de mon collègue confirma mes craintes. Ce message n’avait rien de mal, c’était bien un sale message, un message empoisonné, des mots que j’aurais préféré ne jamais recevoir et encore moins de lui. Lui que je ne parvenais pas totalement à oublier et dont je commençais seulement à me remettre de l’absence. Dix ans de vie commune, deux ans à tenter de me reconstruire, à redevenir la version de moi-même que j’avais été avant lui, avec quelques améliorations. Il avait disparu et j’étais convaincu que plus jamais je ne le reverrai, plus jamais je ne rirai ou discuterai avec lui, et quelque part au fond de moi j’avais accepté cette idée. J’avais accepté que la vie c’était cela, c’était un enchaînement de rencontres et de départs avec des portes d’entrée et de sortie. Des événements, des personnes, des intérêts, des sentiments, des pensées venaient et partaient de manière alternative comme dans un flux. Et bien que c’était toujours quelque de beau, d’intense, de puissant que de laisser entrer le meilleur en soi, c’est toujours une blessure indélébile qui reste lorsque tout repart quelque part ailleurs. Comme une partie de soi que l’on laisserait au bord d’un trottoir. C’était ce que j’avais ressenti lorsqu’Ajite partit pour la première fois, lorsque j’avais regardé notre logement et le vide pesant qui l’habitait tout entier. Je ne l’avais pas supporté, si peu supporté que je dû partir vivre chez ma mère pendant un temps.

Ce terrible message fit remonter tous ces souvenirs. Celui de la dégringolade comme celui où j’ai remonté la pente, prit mon autonomie en main comme jamais je ne l’avais fait auparavant. La chose positive que m’avait apporté notre rupture. Est-ce pour autant que c’était bien ? Pouvais-je prétendre d’ailleurs que je l’aimais encore ? A l’heure actuelle ce fait n’était plus une certitude. Pourtant penserais-je la même chose en le voyant. Puis regardant mon collègue et réalisant les points communs que nous avions, me vint la pensée que les nouvelles rencontres avaient aussi leur bon côté. Jilian représentait la possibilité d’avoir un horizon, un futur quelconque loin des méandres du passé. Etait-ce cela que je me devais de faire ? Profiter de cette chance d’avoir rencontré une personne intéressante et qui me comprenne et laisser loin derrière moi celui qui m’avait laissé du jour au lendemain ? Cela était sans doute le plus rationnel pourtant je ne pouvais m’empêcher d’avoir tout de même comme une pointe dans le fond de mon coeur.

J’écoutai donc mon collègue méditant sur ses paroles bienveillantes. Je lui décochai au mieux un sourire manifestant ma reconnaissance pour l’aide qu’il tentait de m’apporter au mieux. Après tout, nous nous connaissions peu et je réalisai que je lui demandais quelque chose de difficile et comme il l’avait souligné lui-même, il ne connaissait rien de la situation. J’avais l’art de tout gâcher, il fallait dire qu’Ajite avait aussi l’art de toujours se manifester quand il ne le fallait pas. Je me souvins que c’était un de ses traits de caractère les plus spécifiques. Avec le recul je me demandais comment j’étais parvenu à vivre sans broncher avec une telle personne. Je me sentis néanmoins très gêné à l’idée que le mal que cela me faisait se voyait aussi clairement. Je n’aimais pas montrer mes émotions et l’idée que cela se manifestait de manière aussi claire me fit totalement rougir de honte. Mon pauvre collègue, je ne lui facilitais pas la journée, lui qui souffrait d’un affreux mal de crâne. J’espérais par ailleurs que les bonbons allaient suffire à calmer tout cela. Je commençai à en manger quelques uns, me régalant du brownie de mon collègue comme pour me donner du courage à lui répondre. Après tout il n’avais pas tord:

- Merci pour votre honnêteté ! Je pense que c’est justement les mots que j’avais besoin d’entendre, et les questions que vous me posez sont celles que je me pose moi-même. J’ignore ce qui serait vraiment le mieux. Si je choisis de penser à lui, je choisis d’aider une personne qui a sans doute besoin d’aide. Pour qu’il me demande ainsi mon aide, à moi qui est bien la dernière des personnes à laquelle on pense pour un service, c’est qu’il doit traverser des épreuves. Mais si je pense à moi, je pense que ce n’est pas ne bonne idée de le revoir. J’ai l’impression que ça me ferait reculer, j’ai mis trop de temps à avancer et je ne veux pas gâcher tout ce travail fait sur moi-même.

Je m’arrêtai pour boire une gorgée du thé, encore surpris de parler aussi facilement avec quelqu’un. Chose qui ne m’était pas arrivée depuis Ajite. Il soulevait d’ailleurs un autre point auquel j’avais pensé et qui n’était pas du tout négligeable :

- La routine en plus c’est un précieux met si difficile à obtenir, qui demande tant d’investissement et d’effort. Je ne suis pas certain de pouvoir faire face à cela non plus. J’ignore vraiment ce que je dois faire. J’aimerais qu’il y ait vous savez comme une sorte de manuel de conduite qui prend en compte tous les événements sociaux, et que toutes les réponses à toutes les situations possibles soient consignées. Cela m’aiderait grandement. Pourquoi tant de dilemmes alambiqués ? Vraiment je ne comprends pas ce monde.

Je fis ensuite une pause me disant que j’avais sans doute suffisamment parlé. Réfléchissant un instant je finis par dire d’un ton cette fois plus bas et plus timide comme si j’allais demandé une chose de la plus haute importance, cela avait de fait de l’importance à mes yeux :

- Dites je me disais comme nous nous entendons plutôt bien, ce serait peut-être une bonne chose que l’on passe à un mode de langage moins distant, enfin je veux dire en se tutoyant. Bien entendu, si vous le ne désirez pas, je respecterai.

Je soufflai enfin heureux d’être parvenu à faire la demande puis j’enchaînai une autre question me venant soudainement en tête:

- Et vous, vous êtes passés par des cas de figure compliqué ? Je veux dire en matière de relation ?
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyMar 29 Juin - 15:25
Jilian avait fait de son mieux pour répondre à son ami. Ce n'était pas facile parce qu'il y avait tout un tas de zones d'ombre. Il n'avait pas la prétention de connaître très bien Mun, et encore moins son histoire avec cet homme, qu'il ne connaissait pas non plus. Vraiment, il avait l'impression de devoir dire des choses au hasard. Malgré tout, il avait réfléchi, pesé soigneusement chaque mot, pour pouvoir offrir la meilleure réponse possible. Heureusement, Mun l'avait laissé parlé, même s'il avait dû faire beaucoup de pauses pour arriver au bout de sa pensée. C'était vraiment quelque chose qu'il appréciait chez lui, comme chez James d'ailleurs. Il le laissait parler à son rythme, même s'il était beaucoup plus lent que la plupart des gens. Finalement, le mieux qu'il avait trouvé, ça avait été de proposer une série de questions à Mun pour lui donner des éléments afin de faire le tri dans ses priorités. Jilian espérait que de cette façon, l'enseignant pourrait trouver ses réponses sans s'être montré intrusif ou avoir dit des bêtises.

Finalement, heureusement que tous les deux avaient ramené sucreries et gâteaux ! Ça n'allait résoudre aucun problème, mais au moins ça leur assurait un peu de douceur pour passer au travers de ces événements désagréables ! Et puis, la bonne compagnie rendait les douceurs bien meilleures...

Jilian le laissa donc parler. Il se sentait un peu triste pour lui... il comprenait parfaitement le dilemme que Mun traversait. Et il savait à quel point c'était difficile de trouver une réponse satisfaisante. Mais égoïstement, il espérait quand même que l'enseignant choisirait de se préserver lui... Il sourit tristement quand il évoqua le manuel de conduite. Ha ! Qu'est-ce qu'il en avait rêvé...

"J'ai cherché mais je n'ai pas trouvé... je ne désespère pas ! Puis c'est mon métier, alors si je finis par trouver, je vous ferai signe ! Promis."

C'était à la fois une tentative de plaisanterie ET une vraie promesse. Il avait tellement souvent éprouvé de difficulté avec tout ça qu'il comprenait à quel point c'était douloureux. Et puis l'angoisse de ne pas pouvoir fournir la bonne réponse aux attentes que les gens avaient... C'était si fatigant de devoir toujours tout deviner... pourquoi les gens ne pouvaient pas être clairs dance qu'ils voulaient ??? Et comment Mun allait réussir à trouver la bonne option pour résoudre son dilemme ?? Quoi qu'il fasse, il était perdant d'une façon ou d'une autre, 'était vraiment horrible.

D'ailleurs, Mun lui demanda directement s'ils pouvaient changer leur façon de se parler. Jilian se sentit étrangement réjoui par cette demande, ça lui faisait tout chaud à l'intérieur. À la fois parce qu'il appréciait l'idée que Mun puisse lui faire à ce point confiance, mais aussi parce qu'il l'avait clairement formulé. C'était si simple ! Pourquoi tout le monde ne pouvait pas faire comme ça. La réponse fût donc enthousiaste et ne se fit pas attendre.

"Ça me ferait très plaisir oui ! La demande me touche beaucoup. Merci."


Évidemment, accepter un rapprochement, ce n'était pas sans risque. Et la question lui revint bien vite... il rougit un peu, piquant du nez dans son verre de thé. Ça lui faisait drôle de repenser à tout ça... et il n'y avait pas beaucoup de gens avec qui il se sentait à l'aise pour en parler. Mais il avait le sentiment que Mun comprendrait ce par quoi il était passé...

"Euh... oui..."

Il attrapa un bonbon dans lequel il mordit nerveusement, comme pour se donner du courage.

"Je n'aime pas les endroits bruyants, j'ai une phobie de l'alcool, j'ai besoin de ma routine...et... enfin je suis asexuel. Je n'ai pas spécialement de libido. J'ai toujours été honnête là-dessus avec les gens dont je suis tombé amoureux. La plupart du temps, ils ont tous commencé mais je me suis souvent rendu compte qu'ils attendaient que je change..."


Sauf que ce n'était pas possible. Jilian embrassait, calinait, mais pour le reste... il trouvait ça intrusif, envahissant, parfois même terrifiant. Les quelques fois où il avait cédé n'était pas des bons souvenirs.

"En fait je suis venu à Nara parce que l'homme avec qui je vivais avait fini par me mettre dehors après plusieurs années de vie commune... j'étais devenu trop ennuyant à son goût, trop plan plan, trop dur à vivre. Et d'autres choses dans le genre... J'habitais à Tokyo, je me suis dit que quitte à ce que le monde s'écroule, autant aller voir ailleurs... que ça serait plus facile... peut-être que c'était pour le faire mentir, ou parce que c'était insupportable de rester vivre dans cette ville après tout ça..."

C'était vraiment bizarre de déterrer tout ça de cette façon. Puis il n'était pas sûr que ça aide beaucoup Mun de lui parler d'Hirumi. Encore que... dans le fond, comme il ne savait rien de leur relation, peut-être qu'il y aurait des points communs. Dur à dire... Il attrapa un autre bonbon qu'il grignota tout aussi nerveusement. Puis il reprit, la voix basse, comme s'il voulait pouvoir reprendre les mots le plus vite possible au cas où.

"Tu sais... dans ma langue on dit "you can't pour from an empty cup", ça veut dire "on ne peut rien verser d'une tasse vide". Si tu t'épuises ou que tu vas trop mal, tu ne pourras pas l'aider... peut-être qu'il y a d'autres moyens de l'aider sans te mettre en danger..."

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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyMer 7 Juil - 4:24
Je fus très heureux lorsque mon collègue accepta le tutoiement, après tout nous avions un lien qui était en train de se tisser et je ne me voyais pas de continuer à le préserver à distance. Après tout Jilian représentait pour moi une rencontre rare, le genre de rencontre que l’on ne faisait qu’une ou deux fois au maximum dans une vie. Celle dont on se demandait si c’était un coup du destin, d’une machinerie quelconque derrière laquelle s’amuse un vilain petit lutin ou si c’était vraiment le hasard, cet univers qui suivait son cours de manière indifférente, se fichant bien du sort des êtres vivants qui la peuplaient. Est-ce qu’une rencontre comme celle-ci pouvait relever des lois de la physique ? Je ne le savais. En tout cas quitte à se référer à la physique, il y était admis qu’une marge d’erreur existait toujours et que rien ne pourrait jamais être sûr. C’était cela la condition humaine, ne jamais vraiment toucher les choses du doigt dans leur essence la plus pure. Malgré ces pensées je revins rapidement à Ajite. Je ne pouvais pas réfléchir de façon claire quand il s’agissait de lui mais je ne pouvais pas tourner en rond sur ce sujet. Jilian avait déjà dit ce qu’il avait à en dire et j’étais même tombé d’accord avec lui. Je n’avais rien à y ajouter. J’avais maintenant un choix à faire alors je me mis à prier pour qu’un tel livre tel qu’on le rêvait moi et mon collègue puisse exister. Je souriais à nouveau en y repensant sincèrement persuadé qu’il arriverait à ses fins. Après tout face à l’impossible nul n’est tenu dit le proverbe.

Je me mis à grignoter légèrement un autre gâteau, me sentant tout de même heureux d’être en si bonne compagnie. Il était rare que des personnes soient capables de me donner le sourire. Je me rendis soudainement compte que je souriais justement, que je ressentais une forme de bien-être qui n’était depuis des années. J’en fus si surpris que j’arrêtai de mordre dans le gâteau, laissant mon action en suspens. Étais-je en train de développer un certain intérêt pour mon collègue ? En tous les cas, bien que je ne ciblais pas clairement ce qui m’attirait à lui et me donnait l’envie de passer un bon moment en sa compagnie, ce que je savais, c’était que ce lien qui se construisait me convenait. Je fermai mon téléphone et le rangeai dans ma poche déterminé pour le moment à ne pas donner de réponse. J’allais attendre qu’une réponse claire me vint dans la tête. La nuit allait sûrement me porter conseil mais pour l’heure ce n’était pas le moment de prendre une décision. Tout ce que j’espérais était que quelque soit mon choix, je n’allais pas endosser des regrets en plus sur les épaules.

J’entrepris plutôt d’écouter mon collègue qui m’ouvrit assez facilement son coeur en retour de l’ouverture du mien. Je fus à la fois triste et touché de cette attention, de cette confiance qu’il manifesta à mon égard. Il était rare que l’on me prenne pour une épaule sur laquelle compter. J’étais plutôt considéré comme l’handicapé social qui ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait autour de lui et qui donc ne pouvait rien faire pour les autres. Ce n’était pas toujours complètement faux, j’étais incapable d’agir dans certaines situations et cela me pesait en un sens. Mais ce n’était pas totalement vrai non plus. S’il y avait bien une chose que je maîtrisais, c’était l’écoute et la parole. J’étais aussi très intéressée à l’idée d’en apprendre de plus en plus sur lui. Encore une fois je ne pus qu’acquiescer face aux nombreux communs que je partageais avec lui. Le bruit, l’alcool, les odeurs fétides de cigarette ou autre étaient pour moi aussi des tortures psychologiques. Je ne pouvais que le comprendre mieux que personne. Puis il me fit un aveux, une parole importante pour lui: son asexualité. Il devait me donner bien plus de confiance que je ne l’imaginais jusqu’alors afin de parvenir à me le dire. Ce n’était pas choquant à mes yeux , dans un premier temps parce que j’avais une facilité à accepter les autres dans leur totalité, dans un second temps, j’éprouvais aussi ce non-besoin de sexualité. Je n’étais pas asexuel mais ce n’était pas un moment que je partageais régulièrement avec Ajite. Mon envie restait relativement rare.

Je me fis néanmoins encore plus attentif lorsqu’il me parla de la relation qu’il avait eu avec un homme. Ma première réaction fut la surprise. J’avais l’impression d’entendre ma propre histoire. Comment était-il possible de rencontrer ainsi son miroir dans la réalité ? J’étais à la fois heureux et triste, heureux de me dire qu’il me comprenait sans doute mieux que personne, triste car je n’aurais souhaité ma douleur à personne d’autre. Chaque douleur était certes personnelle, je savais ce que l’on ressentait lorsqu’on avait l’impression que tout un monde s’écroule autour de soi. Je me mis alors à réfléchir aussi à ses dernières paroles. Après tout oui ma relation avec Ajite n’était plus, ce n’était qu’une coupe vide et il n’y avait rien à en sortir, rien à en tirer de très positif. Au fond j’avais même le sentiment que je ne l’avais jamais vraiment aidé.

Je levai alors la tête vers le ciel réfléchissant puis je me mis à parler les jambes repliées sur mon torse, les bras autour des genoux:

- Merci de ta confiance à mon égard, cela me touche beaucoup. Les autres sont toujours ainsi, dès que tu ne rentres pas dans la même case que tout le monde, on finit par te mettre à l’écart et à te culpabiliser de ton trait de caractère. Pourtant il n’y a rien de bien dramatique à être asexuel, la sexualité n’est qu’une partie de la vie parmi bien d’autres choses bien plus importantes. Du moins c’est vraiment ma conviction…, puis tournant mon regard vers Jilian j’ajoutai, j’ai eu une attirance pour Ajite mais il a été une exception. En soi je suis plutôt comme toi, il m’arrivait parfois de vivre cette sexualité comme une dépossession. Comme si je laissais mon corps à un autre. Cela me mettait mal à l’aise.

Je lâchai mes genoux afin de m’asseoir en tailleur et mordit un morceau de gâteau, surpris d’être devenu aussi bavard d’un coup:

- Je pense que c’est en partie aussi pour ça que comme toi, j’ai fini par me faire lourder. Je n’ai pas été mis dehors mais il est parti comme ça du jour au lendemain. Il m’a juste expliqué que j’étais un boulet, qu’il en avait marre de tout gérer avec toutes mes difficultés sociales et qu’il rêvait depuis longtemps d’une vie de famille. Chose qu’il a décrété ne pas pouvoir avoir avec moi. Ce fut les mots les plus blessants que je pus entendre. Je suis navré que tu aies dû vivre cela. Il aurait dû être un soutien pour toi ! C’est un homme avec qui tu as vécu longtemps ? Tu as réussi à te remettre comment de tout cela ? Et es-tu vraiment remis ?, enchainais-je soudainement curieux.

Puis désirant me montrer aidant et positif, j’ajoutai souriant du mieux que je le pouvais:

- Maintenant qu’on se connait et qu’on a beaucoup à partager en commun, au moins on n’a plus à en souffrir seul.
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyVen 9 Juil - 21:50
C'était étrange de parler de tout ça. Étrange et un peu inconfortable. Un mélange de tristesse, de honte et de sentiment d'être perdu face au monde, trop bizarre. Alors c'était terrifiant d'en parler à Mun de la sorte. Et en même temps... Jilian avait la sensation que ça se passerait bien, qu'il comprendrait. Mais c'était quand même effrayant. L'impression de sauter d'un avion sans parachute. Il avait du mal à savoir pourquoi il lui avait fait confiance si vite. Il était le premier surpris... D'habitude il ne s'ouvrait pas si vite ni si facilement. Depuis qu'il était là, il n'y avait bien qu'avec James qu'il avait réussi à vraiment s'ouvrir. Si bien qu'il était toujours terrifié à l'idée de lui peser s'il lui parlait trop de tout ce qui lui tournait dans la tête...

Peut-être que c'était la migraine qui faussait son jugement. Mais il sentait qu'il pouvait faire confiance à Mun. Il se sentait bien en sa compagnie. Alors il avait juste... eu envie d'être honnête avec lui. C'était si tentant de pouvoir être entier pour une fois, sans être jugé. D'autant plus que c'était si rare de trouver quelqu'un qui comprenait ce qu'il vivait, pas parce qu'il avait dû faire un effort d'explication brillant, mai parce qu'il vivait la même chose... pour une fois, il n'était pas un drôle de truc tombé sur Terre par accident. C'était bizarre... triste pour Mun qui devait subir ça aussi, et en même temps, réconfortant... même si c'était sans doute égoïste de sa part de penser ça...

La dépossession... oui... Jilian hocha la tête, déglutissant difficilement. C'était le bon mot... Il essaya de compléter tant bien que mal.

"Oui et puis... comment dire... j'ai toujours trouvé ça... invasif ? Enfin... il y a trop de choses en même temps tu sais... des odeurs des sons et tellement de mouvements et de sensations... j'ai l'impression que ma tête va éclater parce que... enfin... c'est trop... c'est comme d'être pris dans une tornade finalement, avec le vent qui vous déchire petit bout par petit bout..."

C'était compliqué à expliquer. Jilian espérait que ces quelques éléments permettraient quand même à Mun de comprendre ce qu'il en était pour lui. Peu-être que le mot dépossession n'était pas le meilleur pour lui, mais ça y ressemblait quand même un peu. C'était peut-être jute une autre forme de dépossession. Pourtant, il était sûr que pour une fois, on le comprendrait. Et rien que pour ça, il lui en était vraiment reconnaissant. Il allait lui demander comment il avait pu gérer ça avec Ajite, mais la suite du discours de Mun répondit d'office à cette question. Jilian en fût terriblement triste pour lui... il savait à quel point c'était une expérience douloureuse... être rejeté pour ce qu'on était... par la personne qu'on aimait...

"Je suis désolé pour toi... qu'il t'ai dit toutes ces choses... c'est vraiment... enfin c'est vraiment violent."

Il se fit la réflexion qu'il aurait voulu pouvoir remonter le temps pour que Mun n'ait pas à vivre ça. C'était bizarre non ? De se dire ça de quelqu'un qu'on connaissait depuis si peu de temps... Pourtant c'était ce que Jilian ressentait. Il savait ce que c'était de vivre ça, et il avait envie d'effacer cette douleur de son coeur. Et ce même s'il ne savait pas vraiment d'où lui venait un tel élan d'affection...

"On a vécu trois ans ensemble. Et je..."


Est-ce qu'il était remis ? Ça c'était une bonne question... il attrapa un nouveau bonbon, qu'il se mit à suçotter avec ardeur, comme si le goût du sucre envahissant sa bouche allait lui donner la réponse qu'il attendait.

"Je... j'ai fui. J'ai quitté Tokyo parce que c'était devenu insupportable et que tout me ramenait à lui. Je suis bien ici. C'était terrifiant au début et souvent... souvent... enfin j'ai fait des crises beaucoup, souvent, dans plein d'endroits... mais j'ai réussi à me construire une vie. J'aime mon métier, j'ai un véritable ami... la plupart du temps tout va bien... mais... enfin... j'ai peur de me rapprocher des gens... et de revivre ça... J'ai toujours eu peur de ça... mais là, depuis Hizumi, c'est encore pire..."

C'était un drôle d'aveu. Il avait énormément progressé depuis sa rupture. Et puis grâce à James, il avait même réussi à sortir de sa zone de confort et à faire des choses qu'il n'aurait jamais crues possible. Mais il restait toujours cette angoisse qui le prenait aux tripes que tôt ou tard, les gens allaient lui tourner le dos et le rejeter.

Ne plus avoir à souffrir seul ? Jilian sourit, triste et heureux à la fois. Mun ne se rendait sans doute pas compte que c'était potentiellement le plus cadeau qu'il pouvait lui faire...

"Merci... c'est... c'est difficile en vrai de parler de toutes ces choses. Et toi alors ? Tu as pu t'en remettre ?"
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyDim 25 Juil - 1:15
En un sens je comprenais ce qu’il voulait dire, je n’étais pas à l’aise avec le contact physique un peu comme si l’autre représentait une menace peu importait son statut. C’était une sensation étrange. Je voyais bien autour de moi que les autres ne le vivaient pas ainsi, quand ils aimaient une personne que ce fusse en amour ou en amitié je ne pouvais que constater que le contact physique leur était agréable. C’était même un état qu’ils recherchaient. Cela leur paraissait si spontanée, comme allant totalement de soit. En tous les cas bien que je dusse me prêter au jeu avec mon ex-compagnon, les propos de mon collègue ne m’étaient pas étrangers. Je les comprenais parfaitement. Je l’écoutai donc attentivement, ce qui en un sens me permettait de me concentrer sur autre chose que ma propre situation. Je n’aimais pas à me focaliser sur ce qui me rendait anxieux et avait toujours préféré pouvoir être une oreille pour les autres bien que je ne fusse pas la personne à laquelle on pensait spontanément dans ce cas de figure. Même si d’un autre côté je devais bien reconnaître qu’il était agréable de se sentir soutenu et d’avoir un avis extérieur sur la question. Je me sentis soudainement moins seul.

Encore une fois lorsque je l’écoutais parler de son cheminement, j’avais l’impression qu’il évoquait le mien. La seule différence était que grâce à ma mère j’avais évité plusieurs situations d’angoisse sévère ou de crise bien que cela m’arrivait quand même par moment. Elle ne pouvait pas toujours être présente et il fallait bien que j’apprenne à gérer mes émotions par moi-même sauf que cette prise de conscience ne fonctionnait pas à tous les coups. C’était épuisant de concevoir la vie comme une possibilité qu’il peut arriver n’importe quoi n’importe quand et de ne pas pouvoir se sortir cela de la tête, j’en avais une inquiétude constante qui ne me laissait jamais en paix. Les métiers que nous exercions n’étaient pas non plus d’une aide précieuse pour apaiser. Être bibliothécaire ne devait pas être de tout repos et demandait sans doute beaucoup d’adaptabilité autant que chez un professeur. En prenant un peu de recul je n’avais plus pris le risque d’une relation non plus depuis Ajite. Comme lui, je ne sentais pas prêt à me jeter dans les abysses de l’avenir incertain et encore moins auprès d’un être humain. Les hommes me paraissaient si inconstants que je ne savais quoi en penser réellement. Arriverais-je à aimer quelqu’un à nouveau et en toute confiance ? Je n’en avais pas la moindre idée.

Je me mis de nouveau à observer l’abeille qui allait et venait. Elle ne faisait qu’accomplir sa mission inlassablement sans jamais se fatiguer, sans jamais remettre en question le sens de ce qu’elle faisait et d’ailleurs elle se fichait bien de savoir si cela avait un sens ou non. Elle butinait et c’était tout. Pourquoi ne pouvais-je pas faire pareil ?

- Ce serait chouette de ne pas se prendre la tête, comme cette abeille. Juste d’avoir un programme dans la tête, de le suivre sans être gêné du pourquoi puis laisser tout le reste couler. C’est impressionnant ce lâcher-prise dans une aussi petite vie, tout ça dans un organisme minuscule, c’est vraiment troublant, dis-je ne pouvant m’empêcher de continuer à commenter l’activité de l’abeille mais je revins rapidement à mon collègue, je te comprends. Perdre quelqu’un c’est comme laisser une partie de soi partir, une partie de ses souvenirs, de ses émotions, de ses sentiments. Tu as eu un long vécu avec lui. Alors tu as vécu à Tokyo pendant un temps ? Ici l’avantage c’est qu’on n’est pas obligé de supporter la ville, on peut se permettre de s’offrir un moment dans le calme dans la nature sauvage. C’est ce que j’aime à Nara et qui fait que je n’ai jamais quitter cette région.

Je pris une dernière gorgée de thé mon estomac se remplissant vite, j’étais rapidement calé. Je continuai ensuite réfléchissant à mes mots:

- En tous les cas je suis heureux que tu aies trouvé une issue heureuse à tout cela. Après tout la vie ce n’est pas juste le sentimental, c’est aussi tout un ensemble de choses. En plus du travail et de la possibilité de se faire des amis, c’est aussi le bonheur de lire de magnifiques ouvrages, voir de beaux paysages, vivre de bons moments avec ceux qui veulent bien le partager. C’est à cela que je m’arroche le plus car je suis…hum…incapable de m’accrocher comme auparavant. Du moins je ne m’en sens pas les capacités. C’est tellement risquer de s’approcher de quelqu’un, on sait à quel point on peut s’attacher et s’accrocher, ce qu’on ne sait pas c’est à quel point la chute peut être lourde si ça se termine. J’ignore si on a raison ou tord mais penser ainsi, c’est plus fort que moi.

Puis ce fut à mon tour de parler de ce passage compliqué de ma vie qui avait consisté à tout reconstruire. Maintenant que j’étais parti à me confier, je ne m’arrêtai pas sur ma lancée.

- Ma mère a été là, j’ai reconstruit mon quotidien de façon quand même à être entièrement autonome. Je me sers de post-it pour ne rien oublier, je me mets aussi des visuels pour ne pas oublier le déroulé de certaines tâches quotidiennes. Il peut m’arriver pour quelque chose d’aussi banal que la vaisselle, de ne pas mettre le produit pour nettoyer, expliquais-je en souriant. C’est tout ce que je peux dire, je ne sais pas si je suis remis ou non. Je mène ma barque, je fais ce que j’aime faire puis je ne cherche pas davantage…Il me vient une question. Il y a des livres en particulier qui t’on aidé à remonter la pente ?
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyJeu 29 Juil - 21:32
Mun était revenu sur l'abeille. Par effet miroir, Jilian avait fait de même. il y avait définitivement quelque chose d'hypnotique au ballet aérien auquel elle se livrait. Est-ce que les abeilles se prenaient la tête elles aussi ? À leur façon d'abeille bien sûr... ça lui rappelait la question qu'il posait toujours quand il était enfant : à quoi rêvent les chats et les chiens ? à quoi ça ressemble ? est-ce qu'ils font des cauchemars eux aussi ? d'ailleurs... est-ce que les abeilles dorment elles aussi ? Et si elles dorment, est-ce qu'elles rêvent ? à quoi ? Puis finalement, Mun revint sur des choses plus prosaïques.

"Pendant longtemps même. On est venu y vivre quand on est arrivé au Japon. J'avais 7 ans... et j'en suis parti il y a deux ans donc... donc j'y ai vécu vraiment longtemps... plus longtemps qu'aux États-Unis finalement..."


Ce qui était une configuration bizarre pour un Américain quand on y réfléchissait un peu. Mieux valait donc ne pas trop s'étendre là-dessus, c'était encore un coup à se faire des noeuds au cerveau ! Le bibliothécaire préférait encore s'interroger sur les rêves des abeilles.

"C'est bête, sans ça je n'aurais sans doute jamais bougé de là-bas parce que... parce que c'est trop compliqué une nouvelle ville. Alors que finalement, la vie est sans doute plus facile ici qu'à Tokyo... moins bruyante... et comme tu dis, il y a du vert partout, c'est plus reposant."


Et puis Mun reprit la parole. Jilian triait les bonbons par couleur dans les boîtes. Garder ses mains et son oeil occupés, ça l'aidait à rester concentré sur ce que son compagnon disait. Il comprenait, cette peur de s'accrocher à nouveau à quelqu'un... c'était compliqué de prendre un risque pareil après ce genre de souffrance. Pourtant, il y avait des limites à ce qu'on pouvait supporter comme solitude. Et si Mun était effectivement aussi similaire à lui qu'il en avait l'impression, il était certes d'un tempérament plus solitaire, mais ça avait quand même ses limites. Il y avait une différence entre une solitude choisie et une solitude subie. Et si on ne faisait pas attention, on avait vite fait de basculer de la première vers la seconde.

Comme toujours, avant qu'il ait eu le temps de verbaliser, Mun lui avait posé une autre question. Il était parti sur sa lancée alors forcément, elle était venue d'un coup. Pas grave, Jilian pourrait toujours compléter par la suite. De toute façon, ça avait l'air d'être comme ça qu'ils fonctionnaient, par aller-retours dans la conversation. Ça ne marchait pas trop mal non ? Il réfléchit un peu...

"Et bien... pour être honnête au début je n'arrivais même plus à lire. C'est comme si les mots se décollaient de la page. Je n'arrivais pas à rester concentré. Ou alors je lisais et d'un coup je me rendais compte trois pages plus loin que je n'avais aucune idée de ce que j'avais lu. Et finalement... je me suis lancé dans Les Chroniques de San Francisco de Armistead Maupin. En anglais. Relire dans ma langue, des histoires de chez moi... je crois que ça m'a fait du bien. Ça n'était pas lié à lui, ni au Japon. Et puis c'est une série de livres alors ça m'a occupé. Et j'ai pu me remettre à lire après ça."

Ça avait pris quelques temps quand même, mais c'était revenu !

"Et toi alors ? Tu t'es replongé dans un classique ?"

Ce n'était pas moqueur, mais après tout, Mun lui avait déjà expliqué qu'il appréciait relire régulièrement les mêmes choses. Alors suite à un événement pareil, ça pouvait paraître logique d'aller se réfugier dans un livre qu'on connaissait déjà bien non ? C'était réconfortant...

"Moi je me cogne dans les meubles et je renverse des choses... avec mon oeil ça n'aide pas, mais c'est vrai que des fois je suis trop dans ma bulle alors j'oublie un peu le monde extérieur ! Je suis beaucoup trop maladroit. Alors ça m'est sans doute déjà arrivé de faire la vaisselle sans produit en vrai... je ne m'en suis juste pas rendu compte !"

Par définition... Les bonbons étaient maintenant triés par couleur. Jilian laissa passer un temps, et finalement, se décida à dire ce qu'il avait mis de côté plus tôt pour répondre à la question de l'enseignant.

"C'est vrai que c'est difficile de se risquer à s'accrocher à quelqu'un d'autre à nouveau, ou à quelque chose... mais je crois... je crois que des fois on se dit qu'on se protège en s'isolant, mais qu'il faut faire attention à ne pas rester piégé. C'est comme... c'est comme creuser une fosse pour s'y abriter, et se rendre compte trop tard que les parois sont trop abruptes pour qu'on puisse en sortir et qu'on est finalement coincé... on ne peut pas vivre dans une fosse pour l'éternité... et... enfin... j'imagine qu'à un moment toi et moi il faudra qu'on trouve le moyen de sortir..."
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyMer 11 Aoû - 0:26
Écouter l’histoire de mon collègue me permit de me focaliser sur autre chose. Je pus mettre mes réflexions à plus tard concernant Ajite. Je ne me sentais pas d’humeur à lui répondre dans l’instant et mon intuition me disait que je me devais de le laisser encore patienter. Je ne savais pas s’il attendait sincèrement une réponse de ma part. Je me demandais à quelle point la situation dans laquelle il se trouvait était grave pour qu’il envisage de se tourner vers moi, qu’il ne considérait pas comme un soutien. J’ignorais même en quoi je pourrais être une aide. En tous les cas sa vie devait avoir bien changé s’il envisageait de faire appel à mes services. Je n’aimais pas l’idée qu’il puisse être en difficulté mais d’un autre côté je ne pouvais pas prendre cela à la légère au vue du temps que cela m’avait demandé à me reconstruire, à construire un quotidien dans lequel je pouvais vivre pleinement en autonomie. Les paroles de Jilian coupèrent toutes ces pensées et me poussèrent à réfléchir à ce qu’il me racontait sur le ton de la confidence. Ce n’était sans doute pas des choses faciles à dire, je me dis qu’il devait rassembler un grand courage de me révéler tout cela. Ce fut la raison pour laquelle je m’imposai de l’écouter le plus attentivement possible. Se reconstruire…c’était sans doute ce qu’il avait dû faire pour pouvoir avancer.

C’était assez étrange l’idée qu’il connaissait mieux un pays dont il n’était pas originaire que son pays d’origine. L’Amérique n’avait été rien d’autre que la contrée de son enfance, elle devait lui apparaître comme un rêve. Je me demandai si c’était ainsi que j’aurais envisagé les choses à sa place. Le choc des cultures ne devait pas être toujours simple à envisager. Moi qui n’avait jamais bougé de ma région, je ne pouvais pas comprendre parfaitement ce que cela pouvait être. J’appartenais à Nara, j’y avais toutes mes racines et en raison de ce fait, je ne me sentais pas le courage d’aller ailleurs. Ailleurs c’était à la fois fascinant et si plein de surprises tout aussi angoissantes les unes que les autres. Seule ma famille avait été capable de m’embarquer vers d’autres terres lors de moments de vacances. En tous les cas ce déplacement avait semblé nécessaire à Jilian pour se détacher de cette relation qui avait été destructrice pour lui. Il avait fallu de cela pour qu’il se donne tout le courage du monde pour se déplacer vers l’inconnu.

- Cela a dû te demander tellement de courage et d’effort. Tu auras connu un déracinement deux fois dans ta vie. Je me demande si j’y aurais survécu puisque je n’ai jamais pu avoir le courage de bouger. Je réalise pourtant en t’écoutant que partir avait été nécessaire pour tu te reconstruises. Je me trompe ? Comment es-tu parvenu à t’enraciner à nouveau ?, demandais-je plein de réflexions intérieures.

Puis le tout bifurqua sur une référence littéraire que je ne connaissais pas. Je préservai en tête le titre de l’ouvrage que je ne connaissais pas. Je ne savais pas de quoi il parlait mais j’étais curieux et peut-être était-ce l’occasion de me mettre à la littérature américaine. Je méditai également sur la place des livres dans ma vie au moment de la rupture. Ce fut une phase où je lisais beaucoup, où j’allais même jusque’à dévorer n’importe quel morceau de papier. Il m’arrivait parfois de lire avec la plus grande attention un simple ticket de caisse. Je ressentais le besoin d’occuper mon esprit avant tout si bien que je fus incapable de me rappeler un ouvrage en particulier. Qu’avais-je lu exactement ? Moi qui avais bonne mémoire, je me surpris être incapable de me souvenir de quelque chose de précis concernant cette période de ma vie.


Tout revint en effet au problème de s’isoler. M’isoler c’était mon réflexe premier. Jilian également, sans doute parce que c’ était ce qu’il y avait de plus sécurisant pour lui comme pour moi. Cela signifiait plus d’attache, plus de risque, plus de souffrance, plus rien qui puisse perturber notre monde intérieur. Je finis par répondre, pensif:

- Sans aucun doute. Ma mère me dit souvent que la communication est une clé essentielle pour ne pas finir isolé, pour s’ouvrir et s’épanouir. Pourtant il n’est pas si simple que cela de communiquer. J’ai bien conscience que tu as raison, il faut que nous trouvions un moyen de sortir mais d’un autre côté j’ai toutes les peines du monde à me représenter l’action concrète à mettre en place. Peut-être qu’on pourrait se lancer un défi ? Avec un objectif à accomplir, on pourrait peut-être sortir de notre coquille ? Je ne sais pas par exemple en s’imposant de faire ce que l’on ne ferait pas habituellement même si on se sent angoissé à l’idée de le faire. Par exemple, proposer de soi-même une sortie à quelqu’un qu’on connait un peu, ou encore essayer de tenir une journée sans post-it…Ou que sais-je ? Et si on relève un défi s’offrir une récompense et sinon des malus.

Mon cerveau était bouillonnant. Je ne savais pas si c’était réellement une bonne idée ou si mon collègue le prendrait bien. J’avais pourtant lu que cette méthode de défis à se donner chaque jour avait été porteur pour relancer des couples ennuyés, ou des amitiés, ou opter pour une conception différente de la vie. Cela m’était revenu en mémoire et si nous nous parlions en sachant que nous nous ressemblions beaucoup alors ce n’était pas pour rien. Il fallait s’apporter quelque chose pour se dépasser, pour devenir une meilleure version de soi-même.

- Honnêtement je ne me souviens de presque rien de l’après Ajite. J’ai du édulcorer ce souvenir douloureux pour faire comme s’il n’avait jamais eu lieu. Je me suis renfermée depuis. Je peux néanmoins citer un classique, le De Profundis de Oscar Wilde qui invite à ne pas haïr même après avoir subi la pire des trahisons qui l’aura mener vers la prison. Je me suis dit à ce moment que le chemin de la « non-haine » serait toujours le mieux. C’est en cela que ça m’a changer.

Je m’étais alors allongé dans l’herbe, alors que nous parlions le temps continuait sa course folle. Il fallu que je vois que le ciel commençait à prendre une légère teinte que je compris que la fin de l’après-midi pointait le bout de son nez.
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyMar 17 Aoû - 15:20
Comment... c'est vrai, comment il avait fait ça ? Quand ils avaient quitté les États-Unis, c'était simple, c'était un enfant, il n'avait pas eu le choix. Il avait juste suivi, même si c'était terrifiant et que la première année avait été compliquée. C'était même pas la langue qui lui avait tant posé problème. C'était le sentiment de culpabilité, sentiment qui persistait même maintenant qu'il était adulte, et que pourtant il savait que ça n'avait rien à voir, que ce n'était pas de sa faute. Simplement un timing étrange, qui avait pourtant soulagé tout le monde. Jilian avait gardé cette impression que ses parents avaient perdu leur pays à cause de lui. C'est seulement aujourd'hui qu'il en discutait avec Mun et qu'il mettait ces deux départs côte à côte qu'il pouvait voir les liens entre les deux.

"En fait... je crois que dans un cas comme dans l'autre, j'avais surtout l'impression de fuir. À cause de moi mes parents avaient des problèmes à l'époque. Mon père a eu une offre d'emploi au Japon, alors d'une certaine façon, ça tombait bien..."


Jilian réfléchit. Comment on reconstruit des racines ?

"Je crois... enfin dans les deux cas, il n'y avait pas le choix d'une certaine façon ? Ce n'était plus possible de rester, alors il allait partir... quand à reconstruire... ça prend du temps. J'imagine d'abord avoir un "chez soi", un endroit où revenir dès que le monde fait trop de bruits... refaire des routines..."

Il se perdait dans les explications. Au final, il avait fait parce qu'il fallait faire, mais il avait du mal à remonter le cours des choses. C'était comme si un genre de pilote automatique s'était enclenché et s'était chargé d'agir à sa place pour être sûr que les choses se fassent. Ça n'empêchait pas les nombreuses crises d'angoisse au début... il s'était perdu si souvent à son arrivée à Nara.

"Je crois... oui voilà... d'abord... d'abord il faut se concentrer sur les petites choses. Ce qu'on mange. Une boutique qu'on aime bien. Le chemin pour aller au travail. Juste ça. Et... et se concentrer sur ça. Et après, quand on peut faire tout ça tranquillement, on peut voir plus grand. Ou peut-être que c'est juste l'addition de toutes ces petites choses qui fait le plus grand."

Le bibliothécaire n'était visiblement pas trop sûr de lui, mais il avait fait de son mieux pour répondre. Après, il n'avait pas vraiment la prétention d'être un expert en la matière, ni qu'il accepterait de le faire encore et encore... ça lui avait coûté tant d'efforts et d'énergie à chaque fois !

Sans surprise, ils se retrouvent à nouveau à parler littérature... et isolement. Des sujets que l'un comme l'autre maîtrisent étonnamment bien. Ceci dit, la proposition de Mun le fait sourire. Comme quoi, il en arrive là avec tant de gens autour de lui.

"C'est vrai que ça marche ! Je fais ça avec mon meilleur ami depuis quelques temps... Grâce à ça j'ai réussi à partir en weekend plusieurs fois avec lui ! Et pour son anniversaire, on s'est même retrouvé dans un concours de danse... c'était pas ce qui était prévu, je me suis trompé dans les réservations, mais on est resté quand même et on s'est même bien amusé !"

Quelques mois après, Jilian avait encore un excellent souvenir de cette soirée, et toute la culpabilité qu'il avait ressenti devant sa bêtise initiale avait disparu pour ne plus laisser que le souvenir de la joie ressentie à tenter de faire de leur mieux avec James, même si c'était un peu n'importe quoi à cause de sa maladresse et du perfectionnisme du médecin.

"Donc si tu veux on peut faire ça aussi ensemble."

Pour le coup, sa voix avait retrouvé son enthousiasme. Il était si content que Mun lui fasse suffisamment confiance pour lui proposer un tel accord ! À eux deux, il était sûr qu'ils allaient trouver un moyen de sortir de leur propre trou.

Pour le reste, Jilian comprend que Mun ait cherché à édulcorer ses souvenirs pour survivre à la douleur. C'était finalement assez courant. Il hocha la tête lentement. C'est vrai...

"Oui, c'est souvent plus compliqué comme chemin, mais ça vaut souvent mieux... Au moins tu n'as pas de reproche à te faire comme ça..."

Enfin, si Mun était comme lui, il avait sans doute trouvé d'autres raisons de s'en vouloir... Jilian s'allongea à ses côtés, à nouveau. L'obscurité du soir commençait à tomber, ainsi qu'un agréable silence entre eux. Le parc se vidait tranquillement de ses occupants. Les voix au loin se faisaient moins nombreuses, et plus lointaines. C'était agréable de pouvoir rester à côté de quelqu'un sans avoir à parler, juste être là, profiter du moment. Malgré tout, Jilian décida de briser le silence en demandant doucement :

"Ça te dit de rester regarder les étoiles avec moi ? Ça pourrait être un premier défi..."


Après tout, à la base ils étaient juste censés picniquer... et voilà que tout l'après-midi était passé, et que la nuit allait arriver... alors pour un premier défi, prolonger un moment imprévu, c'était un bon début non ?
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyLun 6 Sep - 22:48
En écoutant mon collègue je me dis que mes questions étaient plutôt bêtes. Après tout il n’avait pas eu son mot à dire dans l’histoire et j’avais fait face tout comme lui aux impératifs de la vie, à ces impératifs impitoyables que l’on ne pouvait vraiment éviter. Ceux-mêmes qui nous obligeaient à un travail d’introspection si énorme qu’on pouvait en perdre la boussole. Dans ces instants de changement de vie, je me renfermais toujours davantage sur moi-même. Je me sentais tellement en danger qu’il me fallait me recroqueviller dans le creux de mon lit pendant une période comme un besoin de se mettre dans un cocon. Tel la chenille avant qu’elle ne devienne un papillon, je tissais des frontières autour de moi comme pour me donner une impression de sécurité. Rien de tel qu’un milieu restreint avant de s’ouvrir peu à peu vers un extérieur plus vaste. C’était ainsi que Jilian semblait fonctionner également. A vrai dire c’était notre seul et unique moyen de survie quand il n’y avait pas d’autres solutions. En tous les cas son déracinement avait été la preuve qu’il était possible d’aller d’un endroit à un autre sans embûche, sans danger. Après tout ce changement même si c’était difficile au départ avait été l’ouverture vers quelque chose de différent. Rien ne l’avait empêché de se reconstruire, rien n’y avait fait obstacle. Néanmoins, j’avais beau rationaliser. Ma crainte du changement prenait le dessus et je pouvais constater que mon collègue ne s’en sortait pas beaucoup mieux.

Puis vint une information qui m’intéressa fortement. Il avait donc un meilleur ami ? Cela me fit comme une chaleur au niveau du coeur. J’étais heureux à l’idée qu’il ait pu trouver quelqu’un avec qui il pouvait se sentir proche tout en étant lui-même. Alors il y avait vraiment des êtres en ce monde capables d’apprécier les étrangetés que nous étions ? Moi qui avais toujours été persuadé que rien ni personne ne m’attendait ici-bas. Ajite avait été mon exception mais m’avait montré l’aspect contingent de l’être humain, son côté changeant, le fait qu’un matin nous pouvions nous lever et tout perdre en un seul instant. Ce meilleur ami devait être une personne très à part et unique en son genre. Un sourire s’esquissa donc légèrement sur mes lèvres à la tentative d’imaginer cette personne dont je ne connaissais rien. Je me redressai brusquement à la proposition de tenter un week-end puis pris une mine méditative pour peser cette possibilité.

- Ce serait un vrai défi de taille. Je ne suis jamais parti en vacances sans les membres de ma famille, même pour un week-end. Ce sont eux qui gèrent tout, j’ai une tendance à tout oublier et à plutôt flâner sur des problèmes abstraits. Je peux me retrouver à méditer pendant plusieurs minutes devant des pétales de fleurs rouges à me demander pour quelle raison elles sont rouges, et ne pas penser à prendre ne serait-ce que les billets pour partir. J’ai gagné un peu en autonomie mais je suis un vrai boulet. J’ai conscience d’être un poids et qu’il faut que je me prenne en main encore davantage. Alors…pourquoi pas…finis-je par dire sans une petite anxiété dans la voix.

Puis réalisant que j’avais encore une fois un peu trop parlé, Jilian me déliait particulièrement la langue, je revins vers ce qu’il venait de me dire concernant une sortie avec son meilleur ami:

- Tu disais que tu avais un meilleur ami ? Et lui n’a pas peur de partir pendant des week-ends ? Il a dû être d’une aide précieuse pour toi alors, je suis si heureux que quelqu’un soit là pour toi et t’aider à affronter tous les déboires du voyage. Et vous étiez doués en danse ? J’avoue ressembler plutôt à un robot désarticulé pour ma part. Chaque fois qu’il faut capter un rythme, je suis le pire mais je sais reconnaître les notes. Et il te fait découvrir d’autres sorties ?

J’étais très curieux de savoir tout cela. J’aimais à imaginer la vie des autres surtout quand elle se parsemait de belles relations positives. C’était ce qui me permettait le plus d’accepter la vie, un moyen essentiel de se mettre du baume au coeur lorsque soi-même on est incapable de le faire à travers sa propre expérience. Alors que le ciel continuait à se faire de plus en plus sombre j’avais donc acquiescé à la proposition de Jilian de rester regarder les étoiles. Ce petit imprévu était ce qui représentait le moins de risque me concernant. Et je n’avais pas d’autres tâches importantes à effectuer. Regardant le ciel, je me décidai de penser à tout cela sans perdre de vue l’instant où la nuit tomberait. J’aimais à voir la nuit venir comme le jour.

- Voir la nuit tomber est un spectacle merveilleux. Les merveilles de la Nature c’est ce qui me réconcilie le mieux avec le monde quand il me paraît fade et triste. Au moment du coucher de soleil, le ciel prend une teinte rouge, ceci est dû à l’influence de l’atmosphère. Pour être plus précis les rayons solaires se retrouvent à traverser une épaisseur plus grande d’atmosphère, ce qui provoque un effet de diffusion qui ne laisse voir que la couleur rouge. J’ai lu beaucoup à ce sujet.

Puis après une légère pause je demandai la tête toujours tournée vers le haut, comme pour rattraper le fait que j’avais encore trop parlé:

- Tu as déjà regardé un coucher en compagnie de quelqu’un ?
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyMar 14 Sep - 14:53
Jilian comprenait bien le problème qu’il y avait à se retrouver ainsi absorbé dans une chose ou une autre. Lui-même se retrouvait régulièrement absorbé dans son propre univers, oubliant un peu le monde qui glissait alors autour de lui sans trouver de prise. À bien y réfléchir, c’était sans doute une façon de se protéger… Le monde allait trop vite pour lui, était trop bruyant, alors il se fixait sur un détail, ou se perdait dans la contemplation d’une chose ou d’une autre. Il se racontait alors des histoires, se perdait en hypothèse, et oubliait presque où il était. C’était mieux que de faire des crises d’angoisse paralysantes en public… Devant la bibliothèque quelques semaines plus tôt, Jilian avait bien vu comment Mun pouvait rester suspendu hors du temps, contemplant simplement une araignée qui passait par là. Aujourd’hui c’était une abeille. Ça faisait sourire le bibliothécaire pour qui ce genre d’absorption était contagieuse…

En revanche, il trouvait triste la façon que Mun avait de parler de lui-même, cette façon de se considérer d’office comme une lourdeur à traîner. Combien de reproches lui avait-on fait pour qu’il ait à ce point intérioriser tout ça ? À bien y réfléchir, c’était terrible… il faisait sans doute du mieux qu’il pouvait avec ses propres difficultés ! Avant que Jilian ait le temps de protester, Mun était déjà passé à autre chose. Mais ça ne se perdrait pas ! Hors de question de le laisser avec une telle image de lui !

Un immense sourire se dessina sur son visage. Ha ça… c’est sûr que James et lui n’étaient pas faits du même bois !

« Non lui il n’a absolument pas peur ! À la base, il voulait même partir une semaine… mais ça faisait trop pour moi… en plus à ce moment-là j’avais encore la jambe dans le plâtre à cause du typhon… »


C’est vrai que James avait décrété ce voyage pour leur changer les idées à tous les deux. Jilian avait fait une petite dépression suite aux événements, et même si James n’avait pas été autant secoué que lui, nul doute que ça avait été compliqué pour lui aussi. Mine de rien, heureusement qu’il avait été là ! Le bibliothécaire aurait sans doute coulé bien plus profond que ça sans ce mois de colocation impromptue !

« Et… non on était pas très doués ! J’ai fait de la gymnastique pendant longtemps, alors je suis assez souple, mais c’est tout… Je suis terriblement maladroit… et borgne… Ça a même été un désastre sur la fin ! Mais on s’est bien amusé. Et les gens aussi je crois. Ils sont venus nous aider à ranger le bazar qu’on avait mis sur scène, et des gens nous ont dit que notre piètre performance leur avait donné envie de se risquer à essayer eux aussi. »

Ils n’avaient pas gagné le concours, mais ça, c’était une belle victoire aussi non ? Aider d’autres gens à faire face aux mêmes angoisses que les leurs… Jilian s’en était tellement voulu d’avoir fait la mauvaise réservation et de les avoir tous les deux plongé dans ce désastre, et il avait eu si terriblement peur qu’on se moque d’eux. Mais non. C’était vraiment un bon souvenir ! Alors si ça avait pu en rassurer d’autres comme lui de se lancer la prochaine fois, ça valait encore plus le coup !

« Au moins, James a été très gentil et ne m’en a pas voulu ! Je crois que lui il aurait bien voulu gagner, mais il ne m’a pas mis la pression non plus. Alors ça reste un très beau souvenir. Mais oui, c’est clairement pas le genre de choses que j’arriverai à faire tout seul ! C’est pour ça, je me dis peut-être que si on fait des choses ensemble, on arrivera aussi à se créer des beaux souvenirs comme ça. On ira peut-être juste moins loin vu qu’on est tous les deux angoissés, mais toujours plus loin que si on était tout seul non ? »

Lui il en était convaincu ! En plus, même si leurs fonctionnements respectifs étaient très proches, il y avait bien des différences ici et là. Alors finalement, ils se complèteraient peut-être plutôt bien ? Suffisamment bien pour se permettre des nouvelles choses avec un peu de chance ! Et puis au pire, ils feraient juste des petites choses, et ça serait très bien aussi. Lui ça lui convenait en tout cas. Il n’avait pas forcément besoin de faire quelque chose d’extraordinaire pour que le moment le soit. D’où sa proposition : rester et regarder les étoiles alors que la nuit tombait. Ça n’était pas extraordinaire, mais ça n’était pas prévu non plus. Ils avaient parlé tout l’après-midi ! Alors c’était déjà bien.

En plus, pendant ce temps, il avait la chance d’écouter Mun lui expliquer les changements de couleur dans le ciel. Jilian aimait bien l’écouter parler. L’enseignant avait le débit des gens qui attendent patiemment la chance de pouvoir raconter ce qui les passionne, et Jilian se sentait chanceux d’être bénéficiaire d’un tel moment. Il connaissait le prix des mots pour ceux qui n’ont pas beaucoup de gens à qui les adresser. Et puis comme souvent, comme pour s’excuser, Mun lui posa une question, pour lui renvoyer la parole.

D’abord un silence. Jilian creusait sa mémoire. À son âge quand même, ça avait bien dû arriver non ? Pourtant, il avait beau réfléchir, tâcher de remonter les quelques relations avec qui il aurait pu faire ce genre de choses, il n’y avait rien.

« Non je crois… je pensais que oui, mais on dirait que non. Peut-être que j’ai rêvé ces moments-là… tu es donc mon premier coucher de soleil en duo. J’en ai de la chance ! »


Et c’était vraiment, il en avait de la chance !

« Tu sais que ça m’embête pas quand tu parles. J’aime bien t’écouter. »

Parce que ça lui paraissait important de le préciser quand même… il avait pas envie que Mun passe son temps à avoir l’impression de devoir s’excuser à chaque fois qu’il expliquait quelque chose qui le passionnait…
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptyMer 29 Sep - 23:43
Au cours de la conversation, deux détails me vinrent en tête. Le genre de détail auquel on ne fait pas attention sur le moment et qui nous marque à un moment précis sans que l’on sache vraiment pour quelle raison. Je n’étais pourtant pas d’un tempérament attentif. Au contraire j’avais tendance à toujours aller dans mes rêveries personnelles. Les étoiles hypothétiquement présentes dans le ciel m’y invitaient particulièrement. Je les regardais ces quelques petits points brillants qui commençaient timidement à se former dans le ciel pas encore tout à fait noir. J’imaginais comme beaucoup d’autres que je pourrais les attraper en y croyant sincèrement. Mais je ne désirais pas les attraper pour les posséder. Ce n’était pas cela. J’étais habité par une envie précise, soudaine. Cette curiosité qui m’habitait parfois. Je voulais savoir ce que cela faisait de tenir une étoile dans le creux de ma main. Me sentirais-je puissant de pouvoir détenir un astre aussi chaud ? Aurais-je l’impression de pouvoir contenir les forces de l’univers à l’intérieur ? Non je voyais cela comme hypothétiquement apaisant. Cette boule deviendrait ma flamme, celle à laquelle je me confierai et elle resterait silencieuse dans sa forme, fidèle à elle-même. Malgré toutes ces réflexions, je me réveillai d’un coup gardant en tête que Jilian me donnait des informations sur lui-même qui n’étaient pas des moindres.

Je ne faisais pas attention à l’aspect physique des personnes qui m’entouraient. Alors il était borgne ? Comment cela avait-il pu m’échapper ? Et il avait connu une blessure dû à une catastrophe naturelle ? Jilian avait dû apprendre à beaucoup s’adapter avec tout cela. Il avait sans aucun doute une avance sur moi à ce sujet. Je n’avais pas autant de recul et d’expérience. Ma mère m’avait mis dans une sorte de cocon sans trop me protéger mais suffisamment pour que les désagréments de ce genre m’échappe. De plus une dernière information me vint à l’esprit. James n’était pas le prénom de notre médecin scolaire ? Je l’avais vu en début d’année pour une entorse au poignet. Mais s’agissait-il du même ? Après tout il n’y avait pas qu’un seul et unique James, bien que cela devait être relativement rare au Japon. Cela m’intrigua. Je n’intervins pas aussitôt l’écoutant jusqu’au bout. Le soleil était déjà bien bas, le coucher n’allait pas tarder. Mon regard ne le lâchait pas d’une semelle. Je ne voulais pas rater une miette de ce spectacle. Je me mis même à envisager quelques expériences. Par exemple qu’est-ce que cela provoquerait si je regardais ce coucher à travers du verre ou un récipient transparent quelconque. Je m’amusai à mettre mes doigts devant les yeux, renfermant et ouvrant certains doigts pour empêcher ou laisser passer les faibles rayonnements solaires qui se manifestaient.

Un sourire m’échappa malgré moi face à ses compliments. Je n’étais pas habitué à ce que l’on me dise du positif de mes bavardages. Je fus aussi ravi de constater que j’étais sa première expérience pour le coucher de soleil. Je n’avais pas non plus comme habitude de partager ces moments avec d’autres personnes.

- C’est une chance de pouvoir voir ce spectacle. Le monde a vraiment de belles choses à offrir. Cela m’apaise. Je me disais même que le soleil était un bien drôle d’astre. C’est fou ces boules de feu si présents dans l’univers, si immenses. J’imaginais ce que cela pourrait faire de les attraper. Ça m’intrigue, enfin ça c’est pour les rêveurs. Merci d’être à mon écoute, dis-je après un instant.

Je tournai enfin la tête vers lui me décidant à lui répondre me détachant un peu de l’environnement aux alentours.

- Bref… Oui peut-être qu’à deux on aurait davantage le courage de faire les choses. C’est bien de pouvoir se soutenir. Pour être honnête ça me rassure et me fait peur en même temps. J’ai peur de développer une dépendance et en même temps j’ai conscience que seul, ce n’est pas possible.

Je pris enfin une grande inspiration me préparant à rentrer davantage dans les questions personnelles. Je n’avais pas oublié ce qui m’avait interloqué dans ce qu’il m’avait raconté.

- Navré de revenir à ce sujet mais tu disais être borgne. Pardonne moi je n’avais pas fait attention à ce détail. Je suis très inattentif. Tu vis des choses vraiment difficiles, tu as un courage incroyable. Mais tu en connais l’origine ? Qu’est-il arrivé ? Navré si ma curiosité est trop poussée. Je ne le prendrais pas mal que tu me freines.

D’autres couleurs apparurent dans le ciel et le sombre commençait à approcher. Je fus ébloui par ce spectacle.

- J’aimerais que tout soit autant régulier que ces lois qui régissent le ciel, ces couleurs qui apparaissent selon des conditions bien spécifiques et pas d’autres. C’est si réconfortant. Je voudrais pouvoir être le ciel…, dis-je revenant ensuite vers mon collègue les yeux remplis de magie, ce n’était pas trop grave cette histoire de typhon ? Rien qu’une entorse au poignet avait suffit à me rendre très anxieux surtout avec toutes les adaptations que cela m’avait demandé. J’en ai développé une peur folle de tomber mais heureusement j’étais tombé sur un médecin fort sympathique. Il se prénommait James comme ton ami. C’est drôle comme coïncidence…Mais bref, ce n’était pas là que je voulais en venir, ça devait être terrible de gérer ça. Les typhons sont fascinants comme les astres et ils sont terrifiants en même temps.

Puis je me mis à m’imaginer ce que cela donnerait de voir un typhon en même temps qu’un coucher de soleil. Cela rendrait-il le spectacle encore plus sublime ? C’était possible. La nature offrait des combinaisons insoupçonnables.
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« Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » Oscar Wilde [PV: Jilian Doe] EmptySam 9 Oct - 18:10
La présence de Mun a définitivement quelque chose d'apaisant. Sa façon de s'attarder sur ce qui l'entoure sans doute. Jilian a presque l'impression de redécouvrir le monde. Pourtant, lui aussi a tendance à se perdre dans ses pensées ou dans la contemplation des choses. Mais là c'est différent. Sans doute parce que pour une fois, il a l'impression qu'on l'invite dans un autre monde, plutôt que de l'y traîner de force et avec pertes et fracas. Il y a une facilité rassurante là-dedans...

Le bibliothécaire comprenait bien les réticences de son ami quant au risque de dépendance... c'est vrai qu'il avait lui-même cette crainte. Doser, c'était compliqué. Entre prendre le risque de ne rien faire du tout, ou ne rien pouvoir faire sans quelqu'un avec soi, la ligne était fine ! Il hoche la tête simplement. Il n'a pas de réponse toute faite, lui-même bataille avec ça. Alors il ne veut pas imposer quoi que ce soit à Mun... il sait qu'à ce niveau, chacun doit pouvoir trouver son propre équilibre.

Qui plus est, Mun reprend déjà son souffle, cherchant semble-t-il ses mots. Et puis la question arrive. Il la déteste cette question... encore aujourd'hui il évite le sujet autant qu'il le peut... Jilian se mord la lèvre, s'en voulant déjà d'avoir évoqué ça. La question est naturelle... c'est de sa faute... il replace nerveusement sa mèche sur son oeil. Il sait que c'est stupide. De l'eau a coulé sous les ponts. Beaucoup de temps est passé. Pourtant la marque est restée. Si Mun se reprochait de ne pas réussir à faire assez de choses tout seul, Jilian s'en voulait encore de ne pas réussir à finir de grandir...

"En fait... on ne sait pas..."

C'était bien ça le pire ! Un vrai mystère !

"J'étais en bonne santé quand je suis né. Et puis après... je ne me suis jamais plaint de rien. Sans doute parce que pour moi c'était normal. Puis quand j'avais 6 ans j'ai été blessé sur la cours de l'école. Alors il a fallu faire des examens pour s'assurer que mon oeil était en bon état, c'est là qu'on s'en est rendu compte. Et mes parents ont été accusé de négligence..."


Ce qui était quand même des plus ironiques, ses parents ayant toujours fait au mieux pour lui... Jilian avait toujours été un peu "à part". Ils n'avaient pas réalisé que son calme et son air passif pouvaient complètement les faire passer à côté de problèmes de santé plus graves. Ils avaient tous les deux été soulagés d'apprendre que si son oeil était aveugle, il était en bonne santé. Mais le mal était fait, et dans le quartier, à l'école, chez les médecins, le bruit s'était répandu et ses parents étaient continuellement jugés pour ça. La mutation au Japon était bien tombée finalement...

"Au final on ne sait pas d'où ça vient donc. Sans doute un truc bête comme ça peut arriver. J'ai les yeux fragiles et je fais facilement des migraines, mais c'est tout."


C'était dit, dans les grandes lignes en tout cas. Jilian n'avait pas envie de s'étendre sur ce que cette série d'événements signifiaient vraiment pour lui ou sa famille. Il se sentait toujours coupable, ça ne passait pas. Pourtant, combien de fois il avait eu cette conversation avec ses parents ? Il ne pouvait pas s'empêcher de penser que s'il avait été un enfant normal, les choses auraient été bien différentes. Il aurait compris bien plus tôt qu'il y avait un soucis. Mais non... lui il était bizarre depuis le début, et ça avait causé des problèmes à tout le monde.

Écouter Mun parler du ciel, c'était apaisant. Surtout présenté comme ça. C'est vrai qu'à lui aussi, ça faisait envie dit comme ça... les couleurs étaient si incroyables... Et puis, un grand sourire traversa son visage quand il entendit le nom de son meilleur ami dans la bouche de l'enseignant.

"Il s'agit sans doute du même ! James est le médecin de l'académie, lui et moi on est arrivé la même année."


Jilian se souvient encore de leur rencontre en salle de repos, cette fois où il s'était craché du café dessus parce qu'il en avait accepté par politesse, avant de se rappeler, trop tard, qu'il détestait ça...

"Pour le typhon... c'était terrifiant franchement. On s'est retrouvé bloqué dans la cafétéria avec un étudiant. Un frigo s'est renversé et m'a écrasé la jambe, il a fallu qu'il m'aide à sortir de là. En plus l'eau montait, j'ai failli me noyer dans 10centimètres d'eau. Sans lui je crois que j'y passais... je m'en suis sorti avec une triple fracture. J'ai eu tellement peur après coup que je n'arrivais même plus à parler japonais, un vrai désastre !"

Même si c'est un très mauvais souvenir, ça reste moins dur de parler de ça que de son enfance et de son oeil...

"En plus, je me suis vraiment senti inutile et stupide... lui il a dû me sortir de sous un frigo et me porter hors de l'eau. Moi tout ce que j'ai pu faire c'est lui raconter des histoires pour qu'il n'angoisse pas trop pour ses proches le temps que les secours arrivent..."

On ne pouvait pas dire que dans le grand jeu de la survie Jilian fasse un partenaire très utile. Il voulait bien croire James quand il lui disait que c'était important aussi, que pendant ce temps-là, Hotaba n'avait pas paniqué et qu'ils avaient pu attendre les secours sans se mettre inutilement en danger, mais il avait toujours l'impression qu'il aurait dû faire plus.

"Et toi ? Pas trop de dégât pour toi j'espère ?"

La soirée se prolongea ainsi, entre silences complices et grandes confidences, apartés poétiques où chacun partageait à l'autre ce qui le fascinait, l'obsédait. Il était rare que Jilian arrive à parler autant, mais c'était facile avec Mun. Pour une fois, il n'avait qu'une hâte, voir sur quoi cette nouvelle relation allait pouvoir déboucher... Pour le coup, il fût presque triste que le moment de tout ranger et de rentrer chacun chez soit finisse malgré tout par arriver...
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