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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun]

Jilian Doe
Jilian DoeBibliothécaire
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptyDim 7 Fév - 15:08
Comme tous les jours, Jilian arrivait tranquillement à la bibliothèque pour 8h30, ce qui lui laissait une demie-heure pour ouvrir, faire le tour de l'endroit, histoire de s'assurer qu'il n'avait rien oublié de remettre en place la veille, de faire la liste de ses tâches à faire pour la journée, de démarrer les ordinateurs, et toutes ces petites choses. Il aimait bien s'assurer que tout était en place pour l'ouverture. Le bibliothécaire appréciait aussi beaucoup ces trente minutes de calme avant l'arrivée de tous les visiteurs, il avait le temps de faire les choses à son rythme sans avoir l'impression de devoir guetter par dessus son épaule constamment.

Sauf que ce matin... quelque chose clochait. Jilian avait pu ouvrir le sas d'entrée mais alors qu'il faisait le code pour désactiver l'alarme et lever les volets... et bien rien ne réagit ! Aucune réponse. Normalement, il mettait la clé, faisait un quart de tour vers la gauche, entrait le code, attendait les trois petits bips, le volet se levait, et il retournait la clé d'un quart de tour vers la droite pour verrouiller le sas jusqu'à l'ouverture. Mais là... les trois bips ne vinrent jamais ! Petite angoisse... repositionnement de la clé, nouvelle tentative du code... toujours rien ! Les mains commençant à trembler, Jilian fit une troisième tentative, mais cette fois dans des gestes un peu trop précipités, ce qui vexa clairement le boitier de l'alarme qui au lieu de faire ses trois petits bips harmonieux, se lança dans une série de bips désordonnés à des volumes aléatoires... ce qui fit définitivement flamber la panique de Jilian : ce n'était ni le désamorçage de l'alarme, ni l'alarme, c'était.. autre chose. Et cet autre chose n'était pas habituel !

Le bibliothécaire ressortit du sas, paniqué, et sortit son portable pour appeler le PC sécurité. Définitivement quelque chose clochait ! On lui expliqua que l'orage de cette nuit avait fait sauter les plombs cette nuit durant quelques heures, ce qui avait effectivement causer quelques court-circuits ici et là. On lui envoyait un technicien rapidement.

Une fois raccroché, Jilian se retrouva donc sur le parvis de la bibliothèque à faire les cent pas comme un crétin, alors qu'il devrait être en train de finir de préparer sa journée... Histoire de se donner une contenance, il prit son chapeau haut de forme, repositionna le foulard bleu qu'il y avait attaché avant de se recoiffer de son couvre-chef fétiche...Bon pour le monde extérieur ce petit manège n'avait rien changé, mais ça l'avait occupé cinq minutes... et ça lui avait laissé le temps de se refaire un sourire de circonstance, parce que les premiers visiteurs commençaient à arriver et il dût expliquer que la bibliothécaire ouvrirait en retard, le temps que le système soit réparé. C'était tout ce qu'il pouvait faire, et il se sentait bien crétin ! Il faisait tout son possible pour cacher son propre stress et rester souriant, mais il espérait que le problème serait vite résolu, parce qu'en attendant... et bah il ne pouvait rien faire du tout ! Et derrière son sourire de façade un peu crispé, Jilian ne pouvait pas s'arrêter de calculer tous les scénarios pour réorganiser sa journée et c'était tout simplement terrifiant !

En attendant, il servait le même petit refrain aux gens qui venait lui demander ce qui se passait (après tout, même en dehors de la bibliothèque, avec ses chapeaux, il était reconnaissable et visible de loin !) :

"Bonjour, oui nous sommes désolé, il y a un petit soucis technique. Rien de bien grave, mais le temps que les techniciens réparent tout ça on ne pourra pas ouvrir avant 9h30 ou 10h."


Après, en fonction des demandes, il renvoyait vers les salles de travail ou informatiques d'autres bâtiments. En général, les demandes étaient vite répondues...
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptyMer 10 Fév - 23:08
Certain matin il m'était pénible de me lever, particulièrement, lorsque la semaine avait déjà avancée. Cela me faisait comme un poids que l'on se prend en pleine tête et dont on se sent assommé. Malgré tout je n'étais pas capable de traîner au lit. La simple vision de l'heure sur ma montre suffisait à me motiver à me lever sur le champ. J'aurais aimé être ce genre de personne qui flâne dans son lit, qui se fiche de l'heure, qui n'a pas besoin de cette rigueur monotone pour entamer le déroulement de la journée. J'aurais aimé contrôler cette étrange angoisse qui s'emparait de moi lorsque je préparais ma journée du lendemain en avance. J'acceptais les imprévus et les changements mais il me fallait un certain temps avant que la gêne ne s'envole de mon esprit. J'étais malheureusement de ces personnes souvent qualifiées d'ennuyeuses et rigides à cause de cette rigueur que m'imposait mon fonctionnement interne. La mode n'était pas à ceux qui planifiaient mais à ceux qui se montraient libres, capables de vivre pleinement le moment présent. Le seul avantage était qu'au moins je me levais peu importe dans quel état je pouvais me trouver. Ce matin-là je me levai donc comme prévu vers six heures. Je n'habitais pas loin de mon lieu de travail mais j'étais assez lent dans ma préparation. Les matins précipités me laissaient un arrière-goût d'inachevé comme s'il manquait quelque chose. Il fallait que je m'imprègne ma future journée, qu'elle me prenne tout entier, et, pour ce faire, j'avais développé des rituels qui me permettaient de préserver un esprit libre et positif.

J'ouvrais d'abord la porte-fenêtre de mon petit balcon laissant le froid entrer ainsi que les chants matinaux des oiseaux. Je n'étais pas vraiment autorisé à faire cela mais j'y avais installé un nid à oiseaux dans lequel j'exposais des boules de graines. Les voisins ne semblaient pas s'en plaindre et les oiseaux n'y venaient qu'en mon absence pour se nourrir. Néanmoins ils n'étaient jamais très loin pour me faire profiter de leurs chants. Ces petits êtres si beaux, ils étaient la meilleure thérapie qui soit. Pendant que mes oreilles se délectaient des sons, je prenais le temps de me couvrir un peu puis de me préparer un café bien chaud. Je démarrai la bouilloire, vérifiai l'emploi du temps de ma journée. En numéro un, je devais passer à la bibliothèque, j'avais quelques livres à rendre, d'autres à prolonger que je n'avais pas eu le temps de terminer. Il fallait dire que le collègue qui gérait la bibliothèque savait la rendre toujours dynamique et vivante. Chaque fois des nouveautés se présentaient si bien que chaque passage à la bibliothèque représentait pour moi un renouveau agréable. Par ailleurs, elle était toujours bien rangée, tous les livres y avaient leur place selon une logique bien spécifique que je ressentais. J'étais heureux qu'un tel endroit soit si près chaque jour, je pouvais m'y ressourcer notamment lorsque j'étais déçu de ne pas avoir su me faire obéir en classe, ou que j'avais jugé mon cours pas assez complet et pour tout autre raison. Bref, la suite de la journée concernait beaucoup de préparation personnelle, mes cours se déroulant dans l'après-midi.

Au vu du contenu important des dossiers et feuilles que je devais trimballer avec moi, je préparais toujours mon sac la veille de crainte d'oublier quoi que ce fut. Je m'en étais acheté un à roulettes pour plus de commodité et pour me soulager un peu. Il fallait dire que je n'étais pas un costaud et que je m'écroulais assez vite sous de gros poids. Une fois mon café prêt, je refaisais un tour de mon appartement afin de lister sur des posts-it les différentes tâches que je me devais de ne surtout pas oublier en rentrant au soir. Pourquoi avait-il fallu que je sois si anormal ? Pourquoi avais-je besoin de faire cela ? Personne ne perdait un temps phénoménal à se préparer ainsi. Il n'y avait pas une journée durant laquelle je me demandais ce qui pouvait bien clocher chez moi. Et ce jour-là, je n'avais pas fini de me la poser. Les post-it faits et placés à différents endroits, ma tasse de café vide, je fermai la porte-fenêtre souhaitant en mon coeur que ces oiseaux passent une nouvelle journée agréable. Je regardai ma montre. Il était temps que je m'habille, me coiffe, pense à me brosser les dents durant, très exactement trois minutes. Tiens, je n'avais pas fumé encore. Pourvu que je n'en ressentisse pas le besoin d'ici ce soir mais c'était peu probable. Comme toujours, une fois prêt, j'allai à pied avec mon sac à roulettes jusque Yokuboo. C'était essentiel afin de m'éviter les contacts avec les autres. Ils me rendaient mal à l'aise et pouvaient sans le vouloir m'accabler d'une fatigue inexplicable. Y aller à pied était donc la meilleure solution afin de m'éviter les déconvenues.

Ce qui me permit d'arriver serein vers huit heures quarante-cinq. J'étais plutôt de bonne humeur, il m'arrivait rarement le contraire. Néanmoins un événement qui aurait paru anodin et sans importance pour n'importe qui vint ajouter un peu de piment dans mes émotions. De serein, je passais à quelques peu nerveux et stressé. Lorsque j'arrivai à l'entrée de la bibliothèque, bien que je fusse en avance de quelques minutes, je me rendis compte qu'il se passait quelque chose d'anormal. La personne qui gérait ce magnifique endroit, (je dis la personne car je parlais si peu avec mes collègues que je ne connaissais toujours pas le nom de certains), paraissait préoccupé. Je ne le voyais pas à son visage qui marquait, au contraire, un calme apparent mais à ses déplacements assez rapides. Tout comme moi il pouvait préserver un air sans émotion particulière mais son corps exprimait tout ce qu'il voulait absolument cacher au mieux. Sur le moment, j'étais resté planté un peu à l'écart désireux d'en savoir davantage. Des techniciens ? Mais pourquoi diable y avait-il des techniciens ? Pour l'ouverture de ce drôle de mécanisme sûrement. Je me mis à me gratter le dessus de la tête regardant le temps qui s'écoulait sur ma montre alors que je savais rationnellement que cela ne servait à rien. Je tentais de me répéter que ce n'était rien, qu'une petite demi-heure et que cela ne m'empêcherait pas d'enchaîner ma journée. Pourtant la nervosité prenait place et je me mis alternativement à me gratter la tête et à me mordre la lèvre inférieure. Sans m'en rendre compte je m'étais approché petit à petit comme si le fait de m'avancer pouvait changer quoi que ce fusse. Je pris tout de même une grande inspiration par empathie pour ce collègue qui ne semblait pas très serein non plus. N'y tenant plus je laissai échapper sans m'en rendre compte:

- Je comprends qu'on cherche à protéger la bibliothèque avec des systèmes de sécurité parce que oui il faut garder ces endroits si uniques sous haute surveillance, pour que rien ne puisse arriver...mais...ce genre de mécanisme ne sied pas à cet endroit...Les portes doivent toujours pouvoir être ouvertes, c'est ça l'esprit...

Soudain réalisant que mes pensées transperçaient à travers ma voix, je m'inclinai complètement gêné:

- Excusez-moi, je...je...je dis des bêtises. Oh et euh...Bonjour !, ajoutai-je me grattant toujours énergiquement la tête si bien que des épis apparurent sur le dessus de mes cheveux et réalisant que j'avais oublié les formules de politesse que l'on m'avait appris depuis jeune à dire coûte que coûte. Je soupirai intérieurement me demandant comment je pouvais être idiot à ce point et manquer à ce point de bon sens. Quelle frustration lorsque les compétences sociales ne sont pas de notre côté. Néanmoins, ayant toujours en tête le fait que mon collègue ne semblait pas très heureux de cette situation non plus, je ne pus m'empêcher de demander timidement:

- Hum...ça va pour vous ?
Jilian Doe
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptySam 13 Fév - 16:45
Jilian tâchait de gérer cet imprévu tant bien que mal. Passés les deux premières fois à délivrer son spitch, il avait trouvé comment mettre les mots dans le bon ordre pour faire des phrases, et maintenant il n'avait plus qu'à répéter ça quand quelqu'un s'approchait pour l'interroger. Ça n'était pas grand chose, mais à cet instant c'était le maximum qu'il pouvait faire ! Déjà qu'il devait faire de gros efforts pour ne pas penser que les techniciens risquaient de venir lui dire que la réparation mettrait plus de temps que prévu ou qu'il fallait changer tout le système ce qui entraînerait une fermeture de la bibliothèque pour au moins toute la journée, voire la semaine ! Ce serait terrible ! Terrifiant !

Comme cela faisait quelques minutes qu'on était pas venu lui parler directement, Jilian était donc occupé à tournicoter tout ça dans sa tête, ce qui faisait cruellement monter sa propre angoisse sans qu'il arrive à s'arrêter. Jusqu'à ce que quelqu'un ne soupire brusquement avant de protester contre la situation à ses côtés, ce qui l'obligea à redescendre sur terre... heureusement... ou malheureusement... le pire, c'est que l'homme avait raison ! Et il ne pouvait qu'être d'accord. Sauf qu'il était aussi le Bibliothécaire en Chef... il était responsable des lieux, et du coup forcément, c'était sans doute un peu sa faute d'une certaine façon non ??

"Euh oui... non c'est sûr... vous avez raison... c'est contraire à ce qu'est censé être cet endroit..."


Pour le coup, l'assurance qu'il avait tâché d'afficher jusque là s'était aussitôt effritée. Une partie de son cerveau voulait simplement sortir le discours qu'il avait préparé mais il voyait bien que ça ne correspondait pas... ce qui l'obligeait à improviser, alors qu'il était déjà dans une situation anormale et imprévue ! Cette matinée de l'enfer...

"Les systèmes de sécurité c'est... c'est bien quand ça marche... j'imagine... enfin c'est pas... c'est pas vraiment mon travail... moi j'arrive je mets la clé je tourne un quart sur la droite je mets le code et... et ça fait bip bio mais.. et bien pas ce matin..."

Voilà. Une belle diatribe angoissée et bégayante. Du grand Jilian... il avait même réussi à embarrasser l'homme qui d'un coup s'excusait. Oh non non non ! Cette matinée partait définitivement très très mal. Il s'inclina aussitôt en miroir à l'homme, retirant son chapeau avec élégance.

"Bonjour oui, encore toutes mes excuses pour... pour tout ça..."


Une partie de lui savait parfaitement qu'il n'y était pour rien du tout du tout, que tout ça était complètement indépendant de sa volonté et hors de son champ de compétence. Mais il n'arrivait pas à ne pas se sentir coupable pour autant. D'autant qu'il considérait vraiment comme une part intégrante de son métier le fait de donner accès autant que possible à la bibliothèque et ses merveilles. Il avait travaillé d'arrache pied à en faire un lieu où tout le monde s'y sentait bien, même ceux qui ne faisaient que passer. Alors l'homme avait raison : cette situation avait quelque chose de dramatiquement ironique. Se redressant, Jilian replaça à nouveau le foulard sur son chapeau avant de replacer celui-ci sur sa tête... il fut un peu surpris par la question de son collègue. Sans doute une simple politesse... ou alors un piège ?? S'il disait qu'il allait bien, l'homme allait croire qu'il ne prenait pas la situation au sérieux, et s'il disait que ça n'allait pas, c'était admettre qu'il ne gérait pas si bien qu'il voulait le montrer...

"ça... euh... je... disons que c'est un peu compliqué mais les techniciens ont l'air plutôt confiants... et vous ? Je suis vraiment désolé, j'imagine que ça va décaler tout votre programme. Ça ne va pas trop vous pénaliser j'espère ?"

Pour le coup, il était purement sincère. Ça l'inquiétait vraiment de savoir quel impact ça avait pour les visiteurs, surtout ceux qui comme lui venaient souvent ici, parfois pour se cacher du monde. C'était sans doute ceux dont il se sentait le plus proche... D'ailleurs, cet homme, il le connaissait bien non ? Enfin, il le connaissait comme un bibliothécaire quoi. Il venait régulièrement et il avait repéré à peu près ce qu'il lisait et empruntait...

"Vous êtes professeur de philosophie c'est ça ?"

Bon il ne retrouvait pas son nom parce qu'une partie de son cerveau était toujours occupé à recalculer l'emploi du temps de la journée, mais ça il s'en souvenait. Des livres de philo, voilà. Et puis au moins, ça c'était un terrain de conversation sûr, parler de livre, c'était toujours un terrain sûr (enfin sauf quand on ne pouvait pas rentrer dans la bibliothèque à cause du système de sécurité).
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptyVen 19 Fév - 1:46
"Euh oui... non c'est sûr... vous avez raison... c'est contraire à ce qu'est censé être cet endroit...", commença mon collègue en guise de réponse. Plus le temps avançait plus il paraissait gêné et en proie à une forme d’inconfort intérieur. J’en fus troublé me pensant coupable de l’avoir rendu davantage anxieux de la situation. Il m’était facile de trouver les mots. La philosophie était une discipline dans laquelle tous les mots avaient son importance, son sens bien spécifique. Elle impliquait donc d’avoir un gros bagage de vocabulaire et d’être à l’aise avec les mots. De ce fait, même perturbé, les mots me venaient librement à la bouche. J’aurais voulu pouvoir partager cela à mon collègue afin qu’il puisse se sentir plus serein bien que je bafouillais moi-même. Je le comprenais pleinement car je ressentais une gêne croissante à l’idée qu’il y avait une faille dans ma journée. Il fallait que la bibliothèque ouvre coûte que coûte, ne serait-ce que quelques minutes avant le commencement de l’après-midi, ce qui diminuerait mon angoisse. Remettre au lendemain me procurait un stresse irrationnel que j’étais incapable de contrôler. Je me sentais ridicule de me sentir ainsi, comme un enfant fébrile pour des événements qui n’étaient pas si graves…

Soudain, alors que mes pensées m’assaillaient de toute part, les nouvelles paroles de mon collègue m’intéressèrent et me frappèrent particulièrement. Ses gestes me marquèrent tout autant. Chacun avait été effectué avec élégance et il faisait preuve d’une politesse tout aussi hésitante et forcée que la mienne. Il ne m’était pas encore arrivé jusque’à aujourd’hui de tomber sur une personne semblant avoir des difficultés similaires aux miennes. Alors, pensais-je, c’était aussi cet imprévu qui le rendait anxieux et il devait l’être bien davantage puisque c’était le responsable principal de cet endroit. Je le fixai alors compatissant à son sort. De plus, cette façon qu’il avait eu de décrire sa tâche, ces gestes répétitifs qu’il devait effectuer chaque matin, ressemblait exactement à la façon dont je me répétais intérieurement les tâches à effectuer. C'était cela, tout devait se répéter à l'indique car cela représentait le familier, le connu donc une forme de sécurité nécessaire pour espérer survivre un minimum dans un monde que je savais imprévisible. Comment cet aspect de la personnalité de mon collègue avait pu m'échapper ? Pour être honnête, je connaissais déjà la réponse à cette question. Je vivais tellement dans ma bulle et j'étais si concentré dans mon travail que je n'avais pas suffisamment porté attention à cette personne pourtant si essentielle au maintien de la bibliothèque.

"ça... euh... je... disons que c'est un peu compliqué mais les techniciens ont l'air plutôt confiants... et vous ? Je suis vraiment désolé, j'imagine que ça va décaler tout votre programme. Ça ne va pas trop vous pénaliser j'espère ?", ajouta-t-il face à mon excès de politesse. Je remarquai alors seulement qu'il portait un grand chapeau, un chapeau bien caractéristique si bien que qu'il me semblasse que seul lui pouvait en porter de tel. Il avait donc un trait bien à lui. C'était un trait que j'appréciais chez autrui, du moins chez ceux qui se montraient capables de montrer cette partie de soi atypique, qui sort de l'ordinaire sans pour autant l'exposer totalement. Le bibliothécaire ne semblait pas enclin à aimer à être remarqué. Se cachait-il justement sous ce chapeau ? Ou le portait-il juste comme ça parce qu'il était une petite partie de lui-même, la seule peut-être qu'il était capable de montrer ? Dans tous les cas celui-ci m'intrigua sincèrement et je fus surpris de cette même hésitation à parler, comme si le moindre mauvais mot au mauvais endroit pouvait nous faire défaillir sur place. Je m'approchai alors de lui sans véritablement en avoir conscience et répondit d'un geste de la main et de la tête que tout allait bien me concernant, du moins que, malgré une angoisse que je tentai de dissimuler et qui me faisait couler la sueur du front, me rendait les mains moites et la voix bégayante, il n'avait pas d'inquiétude à se faire. J'allai tout de même répondre à ses interrogations mais il me devança en me demandant si j'étais bien celui que j'étais.

- Wow...quel sens de l'observation !, laissais-je échapper surpris par sa déduction qui s'avérait exacte bien entendu. Et aussi la mémoire, moi qui pensais passer inaperçu, me voilà dévoilé , ajoutai-je sous le coup de l'émotion. En y pensant ça doit en dire long sur quelqu'un les choix de lecture, j'imagine que lorsqu'on gère une bibliothèque, on y développe une capacité de repérer des traits de personnalité de cette manière. C'est si...bouleversant et époustouflant, dis-je encore avec enthousiasme.

Les mots sortirent à peine de ma bouche que je les regrettai immédiatement, non pas parce que je n'étais pas honnête, au contraire, je les pensais sincèrement, mais j'avais le sentiment d'avoir été trop loin. Je ne savais pas juger par moi-même jusqu'à quel point j'étais correct ou non dans ma façon d'être. J'avais si peur d'avoir fait une gaffe que je m'en grattai de nouveau la tête frénétiquement. Cette histoire de maintenance technique me revint en mémoire à la seconde même. Ce qui me donna une envie compulsive de sortir de mon sac l'ouvrage L'être et le néant de Jean-Paul Sartre comme si le fait de le sortir allait faire régler le problème plus vite, comme si le destin allait jouer en ma faveur si je le sortais déjà. J'avais un exemplaire de ce livre, seulement j'avais passé tellement d'heures à l'analyser et le lire en long, en large et en travers que mon édition était abîmée, même les pages se détachaient petit à petit. Il me fallu donc emprunter celui de la bibliothèque qui était d'une propreté exemplaire. L'ayant ainsi si beau et si appliqué dans mes mains je ne pus réprimer une envie de sentir l'odeur des pages à distance. Cela m'apaisa légèrement. Puis, de nouveau, je me condamnai de ne pas faire assez preuve de discrétion. Je réalisai en plus que je ne lui avais pas répondu, j'avais été si impressionné que j'en avais oublié qu'ils s'était enquis de mon bien-être actuel. Il fallait dire que ma personne m'intéressait si peu que j'oubliais assez facilement de parler de mes sentiments.

- Ne...ne vous excusez pas..., articulai-je difficilement, si seulement on pouvait y faire quelque chose, ça éviterait bien des angoisses. Un emploi du temps qui change comme ça, inopinément... on prévoit, on peut prévoir tout ce qu'on peut mais..., continuais-je m'embrouillant de plus en plus et angoissant rien que d'en parler si bien que j'en fus incapable de finir ma phrase. Tout ira bien en tout cas...

Puis regardant de nouveau ce livre emprunté si bien soigné, je fixai de nouveau mon regard vers mon interlocuteur.

- Vous êtes un vrai passionné n'est-ce pas ? Il me suffit de regarder les livres que j'emprunte pour savoir tous les soins que vous leur portez. J'ai beau traiter les miens comme des objets sacrés, ils finissent par s'émietter petit à petit mais ceux de cette bibliothèque que vous gérez, ils ne perdent rien de leur superbe. Merci pour ça.

Ma passion des livres ainsi que mon angoisse me rendirent particulièrement bavards comme si je ressentais le besoin de m'accrocher à n'importe quoi pour ne pas flancher devant mon collègue et le soutenir au mieux. Puis, mes yeux se posèrent subitement sur une petite araignée minuscule se déplaçant contre le mur. N'importe quel détail suffisait à me divertir. Je plaçai mon doigt sur son chemin, elle s'y agrippa puis marcha de ses huit pattes d'une main sur l'autre alternativement en suivant mes mouvements. Ayant enfin trouvé un moyen de ne pas suffoquer complètement en jouant avec l'araignée, je dis, réalisant que je ne m'étais pas présenté:

- Je suis Mun...Mun Kagami et...et vous ?, ajoutai-je les yeux rivés sur l'araignée mais très attentif à la réponse, prêt à garder en mémoire le nom de la personne qui faisait de la bibliothèque un endroit si agréable.
Jilian Doe
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptyDim 21 Fév - 18:34
À travers l'angoisse qui lui rongeait la tête et l'estomac depuis que la porte avait refusé de s'ouvrir, une petite idée commençait à se frayer un chemin : l'homme en face avait l'air aussi angoissé que lui. C'était une idée affreusement absurde tant elle était inhabituelle, et pourtant, elle semblait bien avérée. Jilian pouvait objectivement reconnaître des gestes propres à l'angoisse, gestes qu'il connaissait bien pour les avoir lui-même souvent fait. Et tout comme lui, son collègue enseignant avait l'air de faire de gros efforts pour dissimuler tout ça. Ce qui ne faisait qu'augmenter l'empathie du bibliothécaire à son égard... Il avait donc voulu s'enquérir de l'état de son collègue, vérifier qu'il allait bien. Et puis finalement, remontant le fil de ses souvenirs, il réussit à retrouver les quelques informations qu'il avait. Ce n'était pas grand chose, un centre d'intérêt, des emprunts réguliers, un statut sur un ordinateur... mais cela suffit à rendre l'homme enthousiaste, ce qui surprit Jilian, à nouveau effrayé à l'idée d'avoir fait une boulette. Trop intrusif peut-être ???

Mais non, finalement c'est de l'enthousiasme qui transparaît dans sa voix, et ça, c'est presque aussi surprenant que la porte qui refuse de s'ouvrir. Jilian n'a pas vraiment l'habitude qu'on considère ses qualités comme "bouleversantes et époustouflantes". Il est plutôt habitué à passer inaperçu, de même pour ses marques d'affection ou les attentions qu'il peut avoir pour les autres. À croire qu'à partir du moment où on ne fait pas dans le spectaculaire, on est fatalement invisible. Alors le compliment le touche autant qu'il le gène : il n'est pas sûr de comment il est censé réagir, et en même temps, il est si heureux que son travail soit apprécié à sa juste valeur ! Parce que oui, il se donne beaucoup de mal pour repérer et mémoriser ce genre de choses, même si peu de gens s'en rendent compte...

"Ah euh... merci ! J'essaie en tout cas... enfin au moins pour les personnes qui viennent régulièrement. C'est vrai que les livres que les gens lisent ça en dit beaucoup sur eux... enfin peut-être moins dans une bibliothèque universitaire comme celle-là, parce qu'il y a beaucoup d'étudiants qui lisent juste ce qu'on leur a dit de lire, ou d'autres pour le travail. Quand je travaillais en bibliothèque de quartier on s'en rendait encore plus compte et c'était vraiment passionnant de voir toute la diversité des gens... Mais même ici, à force, on peut voir ce que les gens lisent pour eux ou pour le travail, c'est passionnant !"

Ajoute-t-il avec un sourire... et tout aussitôt terrifié à l'idée d'avoir encore trop parlé. C'est pénible, aucune règle de conversation concernant la longueur des réponses n'existe, pourtant vous pouvez être sûr que si vous vous trompez, vous entendrez parler du pays ! D'ailleurs, l'homme en vint à sortir son livre pour jouer avec... raaaah, il avait définitivement trop parlé ! Gloups... il l'avait ennuyé et maintenant il regrettait amèrement d'avoir juste ouvert la bouche... il le savait, la bonne réponse à un compliment c'était merci et c'est tout ! Et en même temps, il y avait toujours cette petite idée qui se frayait un chemin dans le fond de sa tête : pour triturer et sentir l'odeur d'un livre comme ça en public, il fallait être pas mal angoissé. Il était bien placé pour le savoir... Jilian garda donc le silence, cette fois plus pour laisser le temps à son collègue de "revenir" qu'autre chose. Ne le connaissant pas, il pouvait difficilement faire mieux que lui laisser de l'espace et du temps. Lui-même avait absolument horreur quand des inconnus essayaient d'absolument "résoudre" ses crises d'angoisse quand elles avaient le malheur de se produire en public. L'homme reprit la parole, le discours un peu plus décousu que précédemment. Mais Jilian savait qu'il valait mieux faire comme s'il n'avait pas remarqué.

"Oui sans doute... les... les techniciens ont dit que ce n'était rien de trop grave c'est juste... pénible à réparer et ils ne savent pas trop combien de temps ça prendra... les imprévus oui... mais vous avez raison, tout ira bien... tôt ou tard !"

Essaya-t-il en souriant maladroitement, une main triturant toujours son chapeau. Il avait voulu essayer d'être rassurant, mais comme ça venait taper en plein dans ses propres angoisses, c'était compliqué ! Mais il voulait essayer. Le pire serait qu'à angoisser chacun, ils s'entraînent vers le fond de l'angoisse l'un l'autre... angoisser à deux oui, se tirer vers le bas non ! Et comme il était maître des lieux, c'était de son devoir de faire de son mieux pour rassurer les gens. Nul doute qu'il rentrerait complètement épuisé chez lui ce soir, mais en bon capitaine, il n'abandonnerait pas son navire !

Nouveau compliment. Décidément... Jilian ouvrit des yeux ronds, rougit, et rabattit maladivement sa mèche sur son oeil comme pour se cacher, souriant toujours maladroitement et gêné.

"Oh euh merci ! Après ça fait partie de mon travail vous savez... Mais je me suis passionné pour l'entretien des livres. Je suis régulièrement des formations pour les entretenir. L'été dernier j'ai pu apprendre à restaurer les livres plus anciens, c'était vraiment passionnant ! Après, c'est un peu le sort des livres de bibliothèque... et en vrai, c'est plutôt bon signe, ça veut dire que les gens les lisent et qu'ils ne sont pas en train de vieillir tout seul sur les étagères. Mais j'aime bien me dire qu'ils vivront aussi longtemps que possible !"

Il ne sait pas s'il avait encore trop parlé... il avait vu l'occasion de déplacer le focus plus sur les livres que sur lui... et puis c'était un sujet qu'il évoquait avec bonheur, alors peut-être que ça ferait du bien à son collègue angoissé d'entendre un peu d'enthousiasme ? En tout cas lui ça lui évitait de trop tourner en roue libre dans sa tête, même si la gêne et l'inquiétude ne le quittait pas d'une semelle. Et il semblait en être de même pour son collègue qui avait commencé à jouer avec une araignée qui passait par là. Jilian regardait le manège des doigts de l'homme et de l'araignée. Il y avait quelque chose d'hypnotisant dans cette petite danse. Si bien que la voix de son collègue lui parvint comme de très loin. Le nom lui rappelait effectivement vaguement quelque chose. Il se présenta à son tour, agrémentant le tout par habitude le tout d'une révérence, avec chapeau !

"Enchanté, je suis Jilian Doe, pour vous servir."

Là au moins on était en terrain connu.
Le temps qu'il se redresse, qu'il se recoiffe de son chapeau, une étudiante vint le trouver pour savoir ce qu'il se passait. Il ressassa à nouveau son petit discours d'explication, faisant à nouveau de son mieux pour se montrer souriant, rassurant, et confiant dans la suite des événements. Non vraiment, ce soir il faudrait le ramener chez lui dans une brouette !

Une fois qu'elle eût sa réponse, Jilian se retrouva à nouveau seul avec Mun. Il ne savait pas très bien comment poursuivre la conversation. Fallait-il seulement la poursuivre ? Peut-être que l'enseignant lui parlait par pure politesse et qu'il avait vu l'interruption de la jeune femme comme une libération ? En même temps, il était toujours là... et de son côté, Jilian trouvait plutôt agréable de parler avec lui. Il y avait un côté... facile ? Ça n'en avait sans doute pas l'air vu de l'extérieur. La conversation était hâchée, elle reculait, avançait. Et en même temps, il y avait une absence totale de jugement face à un mécanisme aussi grippé qui rendait le tout beaucoup plus facile. Finalement, quelques minutes de silence entre les répliques paraissaient normal, et ça, c'était tellement appréciable !

"Du coup vous... hum... qu'est-ce que vous avez envie de lire pour le moment ?"

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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptyMer 24 Fév - 1:35
Jilian Doe. Après quelques mois, je devrais avoir honte d’entendre pour la première fois ce nom. Il me sembla néanmoins que je l’avais déjà entendu auparavant sans parvenir à mettre un visage dessus. Il fallait dire que je ne donnais pas une grande importance aux noms ou prénoms, je ne les voyais que comme des formalités pour nous donner une forme d’identité. Ceci traduisait selon moi un besoin assez étrange de nous nommer comme nous nommons les objets pour pouvoir communiquer. Ce qui m’importait le plus c’était la personne elle-même et ce qu’elle représentait. Pourtant, étrangement, ce ne fut qu’à ce moment-là que je réalisai qu’il avait un nom à connotation anglaise ou plutôt américaine. Je n’avais pas fait attention à son aspect physique bien que je pensasse que cela n’était indicateur de rien de particulier non plus. L’apparence ne revêtait pas non plus une importance particulière à mes yeux. Ce qui me focalisait c’était ce chapeau qu’il portait et sa façon de s’incliner. J’appréciais beaucoup toute l’élégance du geste et je me demandais où il avait bien pu apprendre une manière aussi sophistiquée de faire cette révérence. J’en oubliai l’araignée qui se baladait maintenant librement sur moi cherchant un moyen quelconque de retrouver sa liberté. Il n’y avait aucun doute, j’étais tombé sur une personnalité atypique. Je reconnaissais en mon collègue des traits similaires au mien, non pas le chapeau qui lui était unique, mais cette voix hésitante, cette façon qu’il semblait de prendre sur lui face à cet imprévu qui le rendait tout aussi fébrile que moi. Je m’inclinai de nouveau en retour et laissa mon collègue gérer les quelques étudiants qui venaient l’interroger sur la situation.

Je n’oubliai pas non plus ses paroles précédentes avant qu’il ne se présente. Alors j’avais vu juste, le bibliothécaire était un vrai passionné de livres. Tous les gérants de bibliothèque étaient loin d’être tout aussi soigneux et passionnés. C’était même quelque chose d’assez rare mais personne ne s’en rendait vraiment compte. Je n’avais jamais vu quelqu’un se révolter du manque d’amour sincère entre le bibliothécaire et les livres. Pourtant il le faudrait si seulement je n’étais pas de nature à ne pas avoir de caractère. Je ne me révoltais même pas lorsque l’on m’insultait, c’était pour dire. Seules la violence et les injustices pouvaient me faire réagir bien que ce fusse rarement de façon rationnelle et intelligente. Peu importait j’avais été très intéressé par ses mots. C’était l’occasion d’en savoir davantage sur l’entretien des livres, cela me permettrait sûrement d’être encore plus soigneux avec les miens et de leur éviter de finir complètement dépouillés de leurs pages. J’avais bien essayé d’en arranger un avec une ficelle mais cela n’avait pas donné le résultat que j’aurais souhaité. Enfin je parvins petit à petit à oublier l’imprévu qui avait ajouté une part d’ombre à ma journée. Je ne m’étais pas rendu compte que je bouleversais peut-être mon collègue avec mon enthousiasme mais j’éprouvais des difficultés à me contenir. Il y avait si longtemps que je n’avais pas eu l’occasion d’échanger sur le seul objet au monde qui me faisait vibrer, oublier les aléas difficiles de la vie, revivre même.

Tenant toujours l’ouvrage dans mes mains, j’attendis que Jilian finisse ses explications pour répondre:

- Et comment ça se déroule pour les entretenir ? Il existe plusieurs manières de faire ? J’imagine que ça doit dépendre de l’édition, du gabarit du livre et de son état ? Et la restauration des livres anciens ?…Vous devez avoir ressenti quelque chose de fort à leur contact, quand on pense les siècles qu’ils ont traversé. Il n’y a pas de doute l’âme des livres perdurent bien plus que celle des humains. Quelle magnifique invention !

J’avais été si enthousiaste que même la respiration m’en manquait. Voilà que j’étais tout sourire et d’une excellente humeur. Je remerciais intérieurement ce collègue qui m’avait ouvert une véritable bouffée d’oxygène. Pourquoi n’avais-je pas sympathiser avec lui plus tôt ? Moi qui avais tant besoin d’un ami, qui n’en avait plus depuis si longtemps, ou au moins une connaissance avec laquelle partager ma sensibilité. Tous ne pouvaient pas comprendre. Je jetais la pierre à personne mais parler du quotidien était usant et pour la première fois depuis longtemps, je pouvais m’épancher bien que je continuai au mieux à me limiter. J’avais toujours cette crainte de faire un faux pas qui me démangeait. D’autres questions me vinrent en tête subitement:

- Et vous avez des personnalités types que vous avez remarqué ? Mhhh…du style la personne en recherche de romantisme et d’amour pur, faute de le trouver dans la réalité, ajoutais-je en continuant de réfléchir, quand on y pense même si beaucoup préfèrent les écrits plus terre à terre, les livres montrent à quel point ils ont besoin de rêver. Que seraient nos vies sans un peu de fiction ? Vous pensez aussi vous que la fiction est nécessaire ? Je me dis qu’elle est nécessaire mais parfois j’avoue que j’ai peur de m’y perdre, dis-je encore sans trop savoir pourquoi. Puis réalisant que j’avais un peu trop parlé et d’une manière trop personnelle à mon goût, j’entrepris de répondre à la question qui m’avait été posé:

- J’aime lire tout ce qui me permet de réfléchir, de trouver une autre manière de concevoir le monde. J’ai des lectures obligatoires en tant que professeur mais ça ne me dérange pas, la philosophie est idéale pour cela. Et vous ? Qu’est-ce qui vous évade ?, demandais-je sans réaliser que je n’avais plus ma voix bégayante. Ce sujet de conversation m’avait délié la langue mais je pensais à mon collègue avec une inquiétude intérieure de l’ennuyer de mes jérémiades.
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptySam 27 Fév - 16:35
Jilian commençait enfin à se détendre. Enfin, autant qu'un bibliothécaire angoissé et archi routinier puisse se détendre en cas d'impossibilité d'ouvrir la bibliothèque dont il est responsable. Ce qui en soi était déjà énorme ! Sans doute que d'autres n'auraient pas vu la différence, mais le moindre micro-soulagement était toujours bon à prendre. Et les choses allaient continuer à s'arranger : son interlocuteur semblait curieux et enthousiaste à l'idée d'en apprendre plus sur l'entretien des livres, et Jilian était trop ravi de pouvoir discuter d'un de ces sujets préférés sans qu'on le juge pour rater l'occasion ! Certes, il y avait toujours cette inquiétude que c'était un genre de piège pour se moquer de lui. Mais il y avait une sincérité chez Mun qui lui donnait clairement l'impression qu'il était ce genre de personne. C'est donc avec une joie non feinte que le bibliothécaire se lança dans sa réponse :

"Olala les livres anciens c'est vraiment fabuleux ! Enfin c'est un peu terrifiant parce qu'on se dit que si on se rate on gâche un ouvrage trois fois plus vieux que soi qui comme vous le dîtes a traversé les âges... et en même temps justement c'est merveilleux de se dire qu'on participe à ce que ces livres puissent rester dans le circuit, que des gens puissent continuer à les lire après tout ce temps ! C'est comme être une petite fourmi dans la grande chaîne du livre..."


Il adorait cette sensation. Il avait toujours adoré lire, depuis tout petit. Sa mère étant autrice, il avait appris avant même l'école. Alors une fois adulte, ça lui avait paru évident qu'il devait travailler pour les livres. Il adorait cette idée d'être le chaînon entre les gens et les livres, que ce soit pour conseiller les gens dans leur lecture, ou pour s'assurer que les livres restent en forme et accessibles à tous. Il ne se considérait pas comme essentiel ou irremplaçable, mais il aimait à croire que le travail que lui, et d'autres, fournissait était important.

"Et c'est vraiment incroyable vous voyez parce que quand on commence à se renseigner et bien on se rend compte que les matières utilisées évoluent à travers le temps. Ce qui est normal bien sûr mais du coup ça ne demande pas du tout les mêmes soins. Même entre un livre d'aujourd'hui et un d'il y a trente ans on peut repérer des différences, dans les couvertures notamment ! Et même entre des éditions américaines et japonaises il y a des différences ! Enfin j'ai encore tellement à apprendre... mais du coup chaque type de livres appelle son type de soins vous voyez ? Comme pour les gens finalement..."

Il s'arrêta brusquement. Oui... comme pour les gens... pour Jilian, les gens et les livres c'était finalement un peu pareil. Des choses précieuses auxquelles il fallait faire attention. Dont il fallait prendre soin. Des êtres uniques qu'il fallait toujours apprendre à connaître... Peut-être parce que pendant très longtemps il avait plus fréquenté les livres que les humains, ou peut-être que les livres lui avaient toujours été extrêmement précieux, il avait tendance à assimiler les deux... ce qui participait à le rendre bizarre aux yeux de beaucoup. Il se racla la gorge, et reprit, plus maladroitement cette fois, comme quand vous dansez et chantez à tue tête parce que vous vous pensez seul et que vous réalisez qu'on vous regarde depuis le début.

"Pour l'entretien quotidien... la façon dont vous les stocker c'est essentiel. Il faut... éviter l'humidité, éviter de casser le dos. Vous pouvez aussi les protéger en les reliant. Il faut... il faut éviter les scotchs du supermarché parce que la colle... la colle vous voyez elle... elle est trop acide alors ça fait mal aux livres... Mais sinon... j'ai vu des gens sur internet qui font des couverture amovible en tissu. Vous glissez juste le livre dedans et voilà. Et quand vous avez fini le livre vous pouvez mettre la housse sur un autre livre. C'est... écolo aussi..."

Il se sent un peu bête d'un coup, sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce que malgré tout, quand il parle trop longtemps, il a à nouveau l'impression d'ennuyer les gens. Alors soudainement il cherche à mettre fin à la conversation, tout en cherchant à la prolonger quand même en l'attente de signe explicite... Parce que les gens étaient toujours trop compliqués ! La plupart ne vous disait pas quand ils en avaient assez et qu'ils voulaient que la conversation finisse, mais ils vous reprochaient de ne pas l'avoir compris tout seul. Si bien qu'aujourd'hui Jilian était toujours confus quant aux règles à suivre... Mais son collègue était définitivement d'un autre genre, puisqu'il le relançait avec une autre question. Toujours sur le monde des livres. Est-ce qu'il aurait enfin rencontré quelqu'un qui pouvait passer autant de temps que lui à parler de livres ?

"Oh, sans la fiction je ne serai pas là personnellement..."

Dit-il en souriant tristement. Pas qu'il ait déjà pensé au suicide ou quoi. Mais entre les événements qui avaient entouré son oeil et avaient précipité leur départ des États-Unis, les difficultés d'acclimatation au Japon, une nouvelle langue à apprendre...Oui, la fiction lui avait toujours été d'un grand secours et sans elle, il serait encore plus maladroit, socialement inadapté et renfermé sur lui-même qu'il ne l'était aujourd'hui !

"Même si c'est vrai que des fois... des fois on peut s'y perdre... j'imagine que des fois on en a besoin aussi quand... quand dehors ça devient trop difficile..."


Rajustement de chapeau, raclement de gorge, et tentative de sourire, sourire qui malgré tout, devient de plus en plus sincère à mesure qu'il égraine sa liste de lecteurs. Autant de lecteurs dont il se souvient avec affection finalement.

"Mais oui comme vous dîtes on peut repérer quelques types de lecteurs ! Il y a ceux qui prennent toujours plus de livres qu'ils ne peuvent lire, je crois que ça les rassure ! Il y a les éternels amoureux qui lisent toutes les histoires d'amour qu'ils peuvent trouver, et certains m'expliquent même comment ils auraient préféré que ça finisse. Ceux qui ne lisent que des classiques parce que c'est ce qu'il faut lire. Et le jour où vous mettez le dernier best seller dans leur pile vous avez l'impression d'être un dealer clandestin. Ceux qui rentrent dans une bibliothèque et qui en ont peur, ils viennent rarement, et vous avez l'impression que ça leur demande un effort insurmontable, alors on a envie de les encourager et que leurs efforts leur apporte ce qu'ils veulent."


Il s'arrête là, mais il pourrait continuer encore longtemps ! Même dans chaque famille, il pourrait encore détailler ! Il a de l'affection pour tous les gens qui passent la porte de la bibliothèque et il fait de son mieux pour chacun. Ce n'est pas facile, surtout quand on se rend compte de la richesse des profils...

Il réfléchit un instant à la question de Mun. Il lit tellement de choses... lire, c'est bien la seule chose qu'il fait vite ! Mais qu'est-ce qu'il préfère finalement ? Il aime beaucoup l'horreur, la science-fiction, le fantastique, les grandes épopées de fantasy... et puis finalement, parmi tout ce qu'il a pu lire, un genre réussit à se démarquer.

"J'aime bien les récits de road trips. C'est très développé comme genre dans la littérature états-unienne. J'imagine que c'est parce que le pays est très grand. Alors que ce soit dans les films ou dans les livres, on trouve beaucoup de ces récits de voyage. J'imagine que ça me rappelle le pays !"


Conclue-t-il en souriant. C'est un peu étrange dans le fond. Même s'il était resté aux USA, sans doute qu'il aurait été tout aussi casanier... Et puis il l'avait quitté dès ses 8 ans et n'y retournait que ponctuellement... malgré tout, il éprouvait toujours une certaine nostalgie pour le pays qui l'avait vu naître, et sa langue natale.

Il entendit qu'on l'appelait. Apparemment les techniciens lui faisaient signe, mais étant du côté de son mauvais oeil, il ne s'était rendu compte de rien.

"Excusez moi, je reviens."

Jilian va à leur rencontre, écoute le bilan qu'ils en font, sa main gauche jouant nerveusement avec un ruban dépassant de la poche de sa veste. Rapidement, il revient vers son collègue.

"Alors... la bonne nouvelle, c'est que c'est réparable, mais ils doivent attendre une pièce qu'il faut aller chercher. Il y en a pour encore une heure. Mais au moins c'est sûr que dans une heure c'est fini..."

Enfin, sauf mauvaise surprise ! Mais au moins, on avait quitté le "peut-être la matinée, peut-être la journée", ce qui était déjà un énorme progrès !

"Vous... hum... j'imagine que si vous préférez vous pouvez aller faire autre chose... mais euh... si jamais... euh... si jamais vous avez envie de rester... ça me ferait plaisir de continuer à.. à discuter avec vous."

Fiou ! C'était pas facile ! Mais il avait réussi à le dire ! Bien sûr, il ne se formaliserait pas que l'enseignant choisisse d'utiliser son temps à meilleur escient. Jilian était coincé ici, mais ce n'était pas le cas de Mun, il le comprenait parfaitement. Mais dans le cas où celui-ci accepterait, le bibliothécaire serait vraiment enchanté de pouvoir continuer à profiter de sa compagnie et de sa conversation.
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptyJeu 11 Mar - 22:48
Je fus agréablement surpris dès les premières réponses qu’il donna à mes interrogations. Ce fut comme si je me sentais enfin en terrain connu, je n’étais plus l’être étrange qui ne savait pas où se mettre. Je me sentis invité dans cet échange, il semblait fait pour qu’un dialogue réel s’installe. J’en oubliais petit à petit ma gêne première, l’angoisse liée à cette situation si particulière à mes yeux. Alors face aux paroles de mon collègue, je me plongeai aussitôt dans ma réflexion imaginant chaque livre voyager, passer de main en main. Chaque lecteur lui donnait une valeur particulière mais l’essentiel était que le livre pouvait ainsi continuer à vivre. J’imaginais toutes ces mains inconnues qui l’avaient touché à un moment. Ces pensées me donnèrent autant d’enthousiasme qu’elles semblèrent donner à mon collègue. Lorsqu’il commença à m’expliquer que le soin d’un livre dépend de la façon dont il est conçu et de l’époque à laquelle il appartient, je ne pus faire autrement que d’acquiescer joyeusement. C’était une façon de l’encourager à continuer, heureux d’en apprendre autant.

La seconde renaissance d’un livre ancien devait être un moment si émouvant, si profond, si intense. J’imaginais aisément mon collègue bibliothécaire réparer un livre en souffrance, en analyser la matière dont il était fait et les blessures qui le meurtrissait tentant de comprendre l’histoire de l’ouvrage et comment il en est arrivé à son état actuel. Je pus donc facilement comprendre le lien avec la diversité des gens bien que je me dis aussitôt que je parviendrai toujours à pouvoir comprendre un livre mais que les gens restaient flous à mes yeux. Néanmoins le florilège de personnalités qu’il me décrivait m’intéressait particulièrement. J’ignorais dans quelle catégorie imaginaire on pouvait bien me ranger. J’étais plutôt de ceux qui lisaient les classiques car c’était ce qui me parlait le plus. J’avais soif de connaissances et de profondeurs. J’y trouvais aussi un écho à ma façon de penser et de concevoir le monde. J’appréciais le discours de mon collègue, je détectais un souci sincère de l’autre. Je n’avais aucun doute avec l’idée qu’il avait dû en inspirer plus d’un. Je ne pus m’empêcher de garder le sourire toujours face à son enthousiasme débordant. Dans tous les cas je restais étonné de la perspicacité dont faisait preuve mon collègue.

Ce fut suite à cela qu’il fut interpellé concernant la situation sur la fermeture imprévue de la bibliothèque. De nouveau je me mis à me mordre la lèvre inférieure, le fait que mon collègue soit interpellé pouvait signifier tout un tas de choses: soit c’était pour annoncer quelque chose de pire telle qu’une prolongation de la fermeture temporaire de la bibliothèque ou un arrangement de la situation d’ici quelques temps. J’avais une moitié de pourcentage de chance de pouvoir accomplir ce dont j’avais prévu et ma tête allait au moins pouvoir se soulager de ce poids là. Dans le cas contraire je savais qu’il allait falloir lutter contre mon démon intérieur qui ne demanderait qu’à me dévorer et à me rendre fou. Il n’était pas simple de prendre sans cesse sur soi. Je jetai un nouveau coup d’oeil à ma montre à cette pensée. Il y avait encore un espoir que le temps joue en ma faveur. Je me mis à réfléchir au style de livre que le bibliothécaire préférait et cela m’aida à réaliser définitivement qu’il avait sans doute des origines américaines. Il avait fallu qu’il me parle de son goût pour les récits de voyage pour qu’enfin l’idée pénètre à l’intérieur de mon esprit. Enfin lorsque le verdict tomba, je lâchai un soupir de soulagement lorsqu’il m’annonça qu’il ne restait plus qu’une heure avant de reprendre mon train-train comme je l’avais prévu. Je ne pus réprimer mon sourire qui apparut sur mon visage. Je n’avais plus qu’à attendre et tout irait enfin dans l’ordre des choses.

De plus j’étais en très bonne compagnie et parler de tout sauf de la réalité rendait les choses bien plus faciles. Je fus tout de même surpris que mon collègue me propose de rester pour discuter. Je n’avais pas l’habitude que l’on m’invite à la discussion et que l’on m’exprime directement cette volonté. Je me grattai pourtant l’arrière de la tête n’ayant pas prévu d’être apprécié. Je répondis donc du mieux que je pus:

- Quelle belle nouvelle ! Je…je n’avais rien prévu d’autre de la matinée…alors…euh…je reste avec plaisir. Votre analyse m’intéresse et je suis heureux d’en avoir appris autant sur les livres et leurs lecteurs. Je suis de ceux qui se sentent comme un poisson dans l’eau avec des livres mais vous avez raison pour les plus timides. S’il pouvait exister une sorte de bibliothécaire de la réalité pour ceux qui sont trop timides de vivre en dehors de la bibliothèque, ce serait une magnifique aubaine, ajoutai-je curieux moi-même d’avoir eu cette pensée.

Puis je me mis soudainement à penser à sa réponse sur les récits de voyage:

- Votre goût pour les récits de voyage est lié aux Etats-Unis ? J’imagine que c’est un pays qui vous procure bien des émotions. Et cela vous inspire des envies de voyage ? Vous avez déjà voyagé ?

Je ne me rendis pas compte du florilège de mes questions. Lorsque quelque chose piquait ma curiosité, je ne pouvais m’empêcher de saisir d’autres informations. Mon besoin de routine me rendait inapte au voyage seul et c’était un genre littéraire que je négligeais particulièrement. C’était la raison pour laquelle j’étais intrigué.

- Les ouvrages de voyage doivent faire rêver. Le monde est si plein de beautés et de surprises… Cela doit être si inspirant quand des témoignages partagent ces expériences magiques de voyage. Hélas je suis…hum…trop réservé et routinier pour y parvenir par moi-même. Je me demande comment ces personnes parviennent à voyager sans mourir d’angoisse.

Puis réalisant que j’avais dit quelque chose de personnel, je m’empressai d’ajouter:

- Enfin…je…je veux dire, excusez-moi de vous ennuyer avec tout ça…
Jilian Doe
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptyVen 19 Mar - 15:26
La proposition de Jilian était sortie toute seule, sans qu'il y ait vraiment réfléchi. C'était pour ainsi dire sorti du coeur. Il détestait les imprévus et les obstacles à la routine. Mais ça lui avait donné l'occasion de discuter avec ce collègue, occasion qui ne se serait sans doute jamais présentée autrement tant l'un et l'autre n'était pas des grands adeptes ni de la conversation ni de la tentative à sortir des sentiers battus. Alors il espérait sincèrement que Mun accepterait de rester discuter en sa compagnie. C'était un gros risque de le demander aussi ouvertement ! Pas seulement parce que celui-ci pouvait refuser, ça c'était un risque normal, mais parce qu'il avait appris à la dure que ce n'était ps comme ça qu'on était censé faire. On ne demandait pas les choses aussi ouvertement... Jilian n'avait jamais compris pourquoi, il trouvait ça fort peu pratique, mais on lui avait souvent reproché. Sauf que comme il ne savait pas comment faire autrement, il avait continué comme ça. Alors il craignait plus une moquerie, ou des reproches, qu'un non.

Alors la réponse de Mun fût accueilli avec un ravissement et un soulagement certain ! D'un coup, la journée lui paraissait déjà beaucoup moins horrible. Peut-être même qu'elle serait bonne. Bon, il allait quand même avoir presque une heure et demi de retard à rattraper sur son planning, mais se dire que cette heure et demie aurait été comblée par une belle conversation avec une belle personne, ça rattrapait tout !

Les mots de l'enseignant le frappèrent. Pas parce que c'était absurde ou quoi, mais parce que c'était des pensées qu'il avait lui-même pu cultiver. Ce n'était pas pour rien s'il avait choisi ce métier... encore qu'il était beaucoup plus au contact du public qu'il aurait pensé quand il était étudiant. Mais ce besoin de se cacher de la réalité, ça, il connaissait. Et il avait cherché pareil lieu encore et encore tout au long de sa vie. Et même encore maintenant ! Quand il avait été en arrêt après le typhon, à cause de sa jambe brisée et de la petite dépression qu'il avait fait après coup, l'endroit lui avait terriblement manqué. Pouvoir s'extraire de la réalité lui avait manqué terriblement... mais avant qu'il puisse rebondir là-dessus, Mun relançait déjà avec ses propres questions.

Ça c'est sûr que les États-Unis lui procuraient des émotions...

"Oui c'est toujours un peu... difficile à discerner comme émotion je dirais. Je suis arrivé au Japon très jeune. Disons que... même si j'ai passé l'essentiel de ma vie ici, et bien ça reste le pays de mon enfance. Alors j'imagine que ça a un goût de simplicité ou d'innocence..."

Jilian s'arrête. Ce n'est pas tout à fait vrai. La fin de sa vie aux États-Unis avait été compliqué... la découverte de son oeil aveugle, les soupçons infondés de maltraitance parentale qui avaient beaucoup fait souffrir ses parents... le départ un peu précipité au Japon, à la première possibilité d'emploi pour son père... Longtemps il s'était senti coupable du besoin de ses parents de quitter leur vie.

"Enfin j'ai quand même l'impression d'avoir laissé une partie de moi là-bas, même si peut-être c'est pas grand chose. Alors j'avoue que j'aime beaucoup lire des romans de là-bas, puis lire dans ma langue natale c'est toujours un plaisir ! Je crois que c'est plus par envie de retrouver cette partie de ma vie que par envie de voyager pour de vrai..."


D'autant que déjà, partir en weekend avec son meilleur ami James à à peine 100km relevait déjà pour lui de l'aventure extraordinaire pour lui ! Trop casanier, trop lié à ses routines, trop sensibles au moindre changement et imprévu... il fallait au moins James pour réussir à le motiver à prendre un risque comme ça ! Alors voyager... pour de vrai... c'était pas que l'envie était absente mais... et apparemment son collègue était exactement pareil ! Jilian afficha alors un grand sourire de compassion, riant doucement avec Mun.

"Oh non ne vous inquiétez pas ! Je suis pareil... je lis des romans qui voyagent parce que moi je n'y arrive pas.... J'ai du mal avec les nouvelles choses... et l'inconnu... et le bruit aussi... quand il y a trop de choses nouvelles, ou de mouvements, ou de bruit, j'ai l'impression que ma tête va exploser et je deviens incapable de parler. C'est pas très pratique... alors si je voyage... il faut que ce soit avec quelqu'un de confiance, et je dois prévoir des moments pour me reposer au calme. Pas le plus grand aventurier qui soit ! Je suis comme vous, je me demande comment font les gens pour voyager sans mourir d'angoisse !"

Et il les admirait même. Il lui semblait souvent que la plupart des gens possédaient quelque chose que lui n'avait pas, et que ça expliquait sans doute qu'il soit aussi incapable de faire face au monde, si incapable de communiquer, ou de gérer toutes les émotions et les stimulis produits par le monde extérieur. Ça le rendait toujours un peu triste... Jilian reprit quand même, essayant d'être plus léger.

"Alors les romans de voyage, d'aventure... c'est un bon compromis ! Comme vous dîtes, le monde est plein de merveilles et de beautés. Peut-être que j'en verrai quelques unes avec mon oeil à moi, mais pour certaines, ça me demanderait tellement d'effort et d'énergie d'y aller que je les verrai à peine en vrai. Alors je crois que je préfère les lire, c'est la meilleure façon pour moi de les apprécier pleinement je crois. Même si le reste du monde n'est sans doute pas d'accord..."

À quoi servirait qu'il se démène pour traverser le monde si c'était pour faire une crise d'angoisse monumentale doublée d'une crise de mutisme une fois rendu ?

"Du coup vous êtes plutôt du genre à relire les mêmes livres encore et encore ? Ou vous aimez quand même essayer de nouvelles choses ?"

La question était souriante, poser sans aucun jugement. Jilian savait que certaines personnes aimaient tourner en boucle sur les mêmes livres, et qu'elles y trouvaient là un certain confort. Ce n'était pas son cas, mais il pouvait tout à fait comprendre ce sentiment !
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptySam 27 Mar - 22:47
Cela me faisait un drôle d’effet d’écouter mon collègue parler d’un autre pays. Je ne pus m’empêcher d’imaginer ce pays qui m’était inconnu comme s’il s’agissait d’une contrée, inaccessible, comme s’il me parlait d’un autre monde. Il y eu un temps où il appartint à un autre monde avant d’intégrer celui-ci. Sa conscience devait parfois sentir ce clivage comme une sorte d’identité morcelée. Le moi, cette substance intérieure qui nous habitait tous, ne pouvait que ressentir une forme de malaise en étant ainsi divisé entre deux contrée. L’identité après tout même si elle n’était pas fixe, avait besoin d’inscrire ses racines, des bases solides sur lesquelles s’appuyer. Du moins ce fut ainsi que j’analysai les choses alors que mon collègue me confiait avoir laissé une partie de lui là-bas. Qu’est-ce que cette partie pouvait être d’autre d’une partie de « moi » morcelé, une forme d’égo divisé. Un peu comme se cherchent les âmes soeurs, le « moi » morcelé cherche son autre moitié. Il ne peut complètement l’oublier et le laisser où il est. Comment parvenait-il donc à se sentir entier ? Peut-être que mon collègue ne se sentait pas si entier que je le pensais. Dans tous les cas, le fait de lire des romans américains notamment sur les road-trips était comme une manière, probablement, de nouer un lien superficiel avec ce « moi » clivé. Les paroles du bibliothécaire abondèrent par ailleurs dans ce sens. Ce qui me laissait dans un moment intense de réflexion. Analyser était comme une seconde nature, je ne pouvais m’empêcher de le faire.

Néanmoins, je sortis rapidement de ma rêverie lorsque j’entendis un « je suis pareil » sortir de la bouche de mon collègue. Je le fixai instantanément prêt à l’écouter avec bien plus d’attention que je ne le faisais déjà. Etait-ce possible ? Existait-il vraiment des personnes humaines qui puissent dire, en parlant de moi, qu’elle est semblable à moi ? Il me fallu presque me pincer moi-même afin d’être certain que je ne venais pas d’halluciner. Je n’avais encore jamais croisé d’êtres humains semblables rencontrant les mêmes difficultés que les miennes. C’était exactement ce qu’il décrivait, tout correspondait en tout point à ce que je ressentais même au-delà du simple projet de voyage. Je fus à la fois triste et heureux d’entendre ces paroles. Heureux car je me sentis soudainement mieux compris. C’était comme si je n’étais plus réellement seul au monde et qu’il y avait des personnes avec lesquelles je partageais la même croix. Mais, triste, car je savais mieux que personne que c’était une souffrance. J’ignorais comment mon collègue le vivait. Je le ressentais comme un échec de mon côté. Je ne parvenais pas à accepter de ne pas être capable de faire ce que les autres étaient capables de faire sans la moindre difficulté. Je me considérais bien souvent comme un idiot, un benêt et c’était d’ailleurs de cette manière qu’autrui me voyait en retour. Je préservai donc mes questions voyant visiblement que mon collègue répondait avec enthousiasme à mes questions. J’étais si heureux d’avoir trouvé un terrain d’entente, un autre qui me permettrait d’avoir un fil en dehors de mon monde intérieur.

Lire était effectivement la seule chose que nous avions. Sans cela nos esprits n’auraient pas de réel moyen d’évasion. Il nous faudrait y parvenir par des difficultés supplémentaires. Il fallait bien pouvoir trouver un substitut à ce que la vie ne nous avait pas donné. Je le comprenais parfaitement dans la mesure où j’étais incapable de voyager sans la présence de ma famille ou de quelqu’un de suffisamment sûr pour que j’accepte. Le seul avec lequel j’acceptais de le faire était Ajite lorsqu’il était encore un soutien dans ma vie. Son visage me revint brièvement en mémoire. Je ne pus m’empêcher de faire un mouvement de la main vers mon coeur serrant légèrement mon tee-shirt. Il y avait des êtres chères sans lesquels la vie avait un goût amer. Heureusement les questions de mon collègue me sortit de cette petite once de mélancolie qui ne dura que quelques secondes. Je réfléchis un instant avant de répondre:

- Lire plusieurs fois le même livre…je le fais surtout dans le cadre de mon métier. Pour préparer mes cours, il me faut sans cesse revenir aux ouvrages pour me les remettre en tête. C’est le mieux si on ne veut pas finir dépourvu devant les élèves, ajoutai-je avec un sourire. Sinon, en tant que lecteur, je change toujours de lecture. Il y a tant à lire qu’une vie ne suffirait pas à tout lire alors j’essaie d’en lire un maximum. C’est époustouflant et si triste en même temps, d’un côté on sait qu’on ne s’ennuiera jamais et d’un autre on sait aussi qu’on ne pourra pas lire tout ce que l’on voudrait avoir lu. La difficile condition humaine, n’est-ce pas ?

Puis j’ajoutai après quelques instants de réflexion jetant un coup d’oeil sur ma montre:

- On dirait qu’on va bientôt pouvoir revenir à notre routine mais je suis heureux de notre discussion. Ce n’est pas tous les jours que je rencontre un semblable, un vrai. Je ne peux presque rien faire seul, enfin à l’heure actuelle, je n’ai pas le choix mais je dois mettre des post-it partout si je veux espérer pouvoir vivre sans mettre le feu, dis-je en riant. Je me sens idiot quand je pense que tout ça sembler si simple pour les autres. Je me demande sincèrement comment ils font. Et vous, vous le vivez comment ? Vous parvenez à l’accepter ? Et, de ce fait, le changement de votre pays natal jusqu’à ici n’a pas trop été encombrante ? Je n’ai jamais bougé de Nara donc j’ai été épargné de vivre ce genre de chose, ça a du être difficile si vous vivez la même angoisse que la mienne…
Jilian Doe
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Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptySam 3 Avr - 10:20
Il avait semblé à Jilian voir une pointe de malaise transpercer son interlocuteur, sans qu'il ne puisse trop savoir à quoi c'était dû. il faut dire que mine de rien, ils avaient brassé beaucoup de sujets, de souvenirs. C'était paradoxal... le bibliothécaire avait toujours eu tellement de mal avec l'art de la conversation. Les règles du small talk lui échappaient constamment. Pourtant, avec Mun, il n'avait pas de mal à parler. La sensation de pouvoir librement répondre, s'étendre, suivre son propre rythme plutôt qu'un tempo extérieur, le tout sans être jugé, devait grandement aider. Le résultat c'était que l'un comme l'autre se retrouvait à marcher sur le bord de sujets plus sensibles, parfois sans même s'en rendre compte. Le jeu en valait la chandelle : ce n'était quand même pas tous les jours qu'il rencontrait quelqu'un de "pareil" que lui, lui qui avait toujours été "bizarre". Adulte, il avait fini par décider d'en prendre son parti et d'en grossir le trait, d'où une esthétique extravagante. Il n'empêche, c'était toujours un peu douloureux, cet isolement social...

Jilian voulut donc redresser la barre. Même s'il n'avait aucune idée de ce qui avait pu causer le malaise de son collègue, il tenta de lui tendre une perche pour revenir. Et quelle meilleure perche que les livres ? Le bibliothécaire écoutait attentivement la réponse. C'est vrai que les enseignants empruntaient fréquemment les mêmes livres, par cycle. Pas tous, mais c'était quand même une pratique courante. Ça devait en rassurer certains sans doute... pour le reste, il hocha vivement la tête en souriant. Ça oui ! Il connaissait bien !

"Dans le métier ça fait même partie des angoisses courantes ! C'est... vertigineux oui ! On se dit qu'il y aura toujours des choses à découvrir. Et puis il y a aussi la sensation que peut-être on rate quelque chose d'incroyable, qu'il y a des mots sur lequel on ne posera jamais le regard. C'est... très étrange. La plupart du temps, je trouve ça plutôt enthousiasmant. Parce que justement, il y aura toujours quelque chose à découvrir. Pour quelqu'un d'aussi peu capable de sortir de sa zone de confort, c'est quand même une belle perspective de savoir qu'il existe encore toutes ces belles expériences à découvrir. Mais des fois, c'est angoissant. En plus pour moi c'est aussi l'angoisse de mal faire mon travail, et que mon incompétence soit un problème pour les étudiants."

On arrêtait pas l'angoisse si facilement ! Surtout quand des responsabilités venaient se greffer sur le tout... Heureusement, avec les années, il avait appris à tirer profit des réseaux de bibliothécaires. Et puis avec les demandes des personnels et des étudiants, c'était plus facile de cerner les besoins. Ce qui ne l'empêchait quand même pas d'angoisser à l'idée d'un faux pas ! Jilian ne serait pas vraiment Jilian sinon...

L'enseignant reprit la parole. L'heure avait passé en effet. Les techniciens en étaient aux derniers essais, avant de donner leur feu vert... ce serait dommage de rouvrir pour que tout le monde se retrouve enfermé à l'intérieur ! En attendant, il pouvait clairement sentir la peine de Mun, enfin, peine n'était peut-être pas le bon mot... mais c'était des choses qu'il avait pu ressentir lui-même oui... comme il le disait si bien, il avait rencontré un semblable, alors que cela faisait des années qu'il avait arrêté de croire ça possible. La mention de son départ des États-Unis lui fendit le coeur une nouvelle fois. Par réflexe, il replaça sa mèche sur son oeil aveugle, insistant plus qu'il n'aurait fallu sur son positionnement, avant de reprendre son chapeau dans ses mains pour en replacer les éléments, histoire de se donner une contenance.

"Je crois que ça a presque été plus compliqué de venir de Tokyo jusqu'ici. Enfin je ne sais pas, ce n'était pas compliqué pour les mêmes raisons... Pour répondre à votre question... ça dépend des jours j'imagine... des fois je me sens comme le pire des incapables, un boulet qu'on traîne et qui n'a rien à apporter à qui que ce soit, à peine capable de sortir le nez de ses livres et inadapté au monde qui l'entoure..."

Il repensa au typhon, à tout ce qui avait suivi, à sa convalescence chez son ami James... il avait pu lui parler de tout ça, parce qu'à ce moment, ce sentiment avait pris des proportions insupportables. Jilian allait mieux depuis, mais ça revenait encore le hanter régulièrement...

"D'autres jours, je me dis que c'est comme ça... Dans ma langue on dit "no need to beat a dead horse", "inutile de battre un cheval mort". C'est vrai que je ne peux pas faire autant de choses que les autres, mais je ne peux rien y changer. Alors j'essaie de l'accepter et de faire de mon mieux. Je ne suis pas sûr de toujours y arriver. Mais si à la fin de la journée je peux me retourner et me dire que j'ai fait ce que je pouvais, même si j'ai fait plusieurs crises d'angoisse, que j'ai dû renoncer à une sortie à cause de la fatigue, que j'ai accumulé les gaffes sociales, voire que j'ai encore oublié comment parler japonais à cause de l'épuisement, alors tout n'est pas perdu. Peut-être que c'est le monde qui se trompe et que dans le fond, la barre est trop haute de toute façon pour tout le monde. Enfin c'est souvent l'impression que j'ai quand je vois les étudiants ou certains collègues à bout de nerf, même sans mes difficultés..."


S'il avait toujours du mal à parler, il savait en revanche très bien écouter. Et il n'était pas rare que les étudiants venant trouver refuge à la bibliothèque viennent aussi s'épandre sur son épaule... même s'il n'arrivait pas toujours à leur répondre, il avait au moins la fierté d'avoir fait de la bibliothèque ce genre de refuge... Peut-être qu'il n'était pas si inutile après tout...

Les techniciens lui firent signe. Avec regret, Jilian comprit qu'il était temps de prendre congé de son ami, puisque même s'il venait à peine de le rencontrer, il savait déjà qu'il pouvait le qualifier comme tel. D'une dernière révérence, il replaça son chapeau.

"Je suis vraiment désolé, mais on m'appelle. Comme vous le dites, il va falloir relancer nos routines, et je suis déjà terriblement en retard sur la mienne..."

... alors même que d'autres en dépendent...

"Je vous suis vraiment reconnaissant pour cette conversation. Je dois vraiment y aller, mais j'apprécierai beaucoup de vous revoir. N'hésitez pas à passer à me voir, il y a parfois des moments de calme en journée où je peux discuter."


Bon sans doute pas aujourd'hui... aujourd'hui il allait même devoir appeler les employés étudiants, voir si quelqu'un pouvait venir en avance pour rattraper le retard. D'un signe de main, il prit congé de Mun et s'en alla rejoindre les techniciens qui lui firent un bilan des réparations. La liste des choses à faire dans sa tête reprit aussitôt pour tourner en boucle... la journée allait être longue. Heureusement qu'il y avait eu cette belle surprise !
Anonymous
InvitéInvité
Sésame ouvre toi ! aller steuplé... [PV Mun] EmptyVen 9 Avr - 19:22
J’écoutais chacun des mots de mon collègue. Alors que d’habitude je laissais les mots d’autrui flotter dans l’air, comme dans un espèce de nuage brumeux, ceux de mon collègue parvenaient vraiment à mes oreilles. Ils me touchaient, pénétraient tout au fond de mon âme comme désirant aller en écho avec la mienne. Ces mots pouvaient tout aussi bien être les miens. Et c’était cela le plus troublant. Sur le moment j’en restai silencieux restant attentif, réalisant à peine que je venais de rencontrer une personne capable de dire ce que j’aurais pu dire. Peut-être étais-je en train d’halluciner ? Peut-être ne parlait-il pas ainsi ? Pourtant je n’avais pas le moindre doute, je m’étais bel et bien levé ce matin. J’avais préparé soigneusement toutes mes affaires une par une, regardé mes posts-it afin d’être certain de ne rien oublié, entrepris de me rendre au travail à pied en empruntant les petits chemins…Oui il s’était bien passé tout cela et il n’y avait pas de doute que je ne le rêvais pas. C’était ma routine, une routine sans tâche quand elle pouvait l’être. La bibliothèque était bien fermée, anormalement fermée donc, par déduction, mon collègue était présent et il répondait vraiment à mes interrogations. Alors…cela ne pouvait pas être une illusion. Je ne pus m’empêcher de me comparer à Tarzan qui sentait qu’il était différent au milieu des gorilles sans pouvoir mettre réellement le doigt sur ce qui le rendait différent et qui un jour rencontra les êtres humains. Jilian semblait avoir ce même fonctionnement commun. « En plus pour moi c'est aussi l'angoisse de mal faire mon travail, et que mon incompétence soit un problème pour les étudiants. », m’expliquait-il alors que les pensées me submergeaient. Cette phrase fut celle qui me marqua le plus, j’avais toujours cette crainte de ne pas être à la hauteur, de ne pas offrir le meilleur à mes élèves même si je ne parvenais pas à me faire respecter d’eux.

« des fois je me sens comme le pire des incapables, un boulet qu'on traîne et qui n'a rien à apporter à qui que ce soit, à peine capable de sortir le nez de ses livres et inadapté au monde qui l’entoure… », fit particulièrement écho en moi. Ces mots ma parurent résonner longuement à l’intérieur de mes tympans. Je me mis à repenser instantanément à Ajite, à ses dernières paroles qui avaient été pareille à des lames que l’on se prendrait de plein fouet sur le corps, ces paroles qui me permirent de comprendre que j’avais été un lamentable boulet à ses yeux. Jamais je n’avais autant ressenti mon impression d’être un boulet aussi fortement que ce jour où il mit fin à ma relation avec lui. Depuis, ce sentiment était moins fort, mais il continuait à planer, il me collait au cœur comme une sangsue et en inspirait le sang chaque jour. Je me sentis triste pour Jilian, triste qu’une autre personne traverse ce sentiment aussi terrible. Il m’était familier, je savais ce qu’il traversait mieux que quiconque. J’esquissai donc un sourire léger le regardant du mieux que je le pus, soutenir un regard étant difficile pour moi, afin de lui manifester ma compréhension la plus totale. Oui, nous n’avions pas le choix. Oui, nous devions faire avec ce que nous étions. Il n’y avait pas d’autre issue possible. J’avais beau vouloir forcer par moment, mon esprit me montrait clairement ses limites et elles pouvaient paraître rapidement indépassables. Néanmoins, comme mon collègue, je tentais au mieux de sortir le meilleur d’une journée à partir du moment où tout ce qui devait être accompli dans la journée était fait. Il était vrai que les obstacles y étaient nombreux, chaque jour représentait une bataille, un nouveau combat et la guerre ne semblait jamais vraiment gagnée. Les autres souffraient-ils mais d’une autre manière ? C’était fortement possible. J’avais beau y réfléchir, je ne parvenais pas à saisir le fonctionnement des autres mais j’étais bien incapable de répondre à leurs problèmes comme ils l’étaient de le faire avec les miens.

Ecouter Jilian faisait remonter bien des choses à la surface, ces petites choses enfouies que l’on gardait au fond de son être afin de se protéger. Se protéger de quoi ? Je ne le savais pas très bien mais j’adoptais cette attitude. Je ne sortis de ma rêverie que lorsque mon collègue me fit comprendre que le problème technique était réglé et qu’il allait falloir revenir aux routines effectivement. Les routines…nous n’étions pas capables d’y déroger, elles étaient les moteurs premiers de nos vies et je savais combien il était tout autant important pour lui comme pour moi d’y retourner aussi agréable que fusse cette conversation. J’aurais voulu lui répondre plus en profondeur à tout cela mais le temps nous était compté. Je réfléchis donc un instant me mordant la lèvre inférieur puis je sortis mon carnet pour y noter mon numéro de téléphone. J’arrachai la page du carnet et le lui tendis. Je souris afin de cacher au mieux ma gêne ne sachant pas si je faisais bien d’agir ainsi ou non puis je dis:

- Le plaisir est partagé, j’aime…j’aimerais pouvoir vous revoir aussi pour que nous puissions discuter plus librement. Voici mon numéro si jamais nous pouvons avoir des occasions de discuter en dehors du travail…ça pourrait être…être…hum…sympa. Je connais plein d’endroits très calmes et reposants.


Nous retournâmes ensuite à nos occupations habituelles. Jilian avait sans doute bien à faire et moi aussi à l’occasion. Je fus si surpris de cette rencontre que j’en oubliai la raison pour laquelle j’étais venu et n’avais donc pas rendu le livre que je devais rendre. Je ne me rendis compte que plus tard dans la journée alors que je venais de finir un de mes cours. La vie était ainsi, elle nous mettait bien des obstacles sur la route et parfois il lui arrivait de nous offrir des moments de répit durant lesquels nous pouvons profiter pleinement.
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